Echéances, recours, évacuation : où en est le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ?
Echéances, recours, évacuation : où en est le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ?
Par Rémi Barroux
En évoquant une intervention possible des forces de l’ordre avant le 18 janvier, le premier ministre tente de calmer l’opposition, qui réclame l’évacuation de la ZAD.
Au quartier général des opposants au projet d’aéroport, dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, en novembre 2015. | STEPHANE MAHE / REUTERS
Le tango de Notre-Dame-des-Landes, un pas en avant, deux pas en arrière, continue d’être dansé par le gouvernement et l’opposition. Mercredi 21 décembre, un nouvel échange entre le premier ministre, Bernard Cazeneuve, et le député (Les Républicains) de Mayenne, Yannick Favennec, a illustré l’imbroglio qui caractérise le dossier du transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique vers la zone bocagère à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes.
Lors de la session des questions au gouvernement, M. Favennec a fait valoir que « dans moins d’un mois, le 18 janvier prochain, la date de validité de la DUP [déclaration d’utilité publique] sera caduque et il ne sera plus possible de commencer le chantier ». La réponse du premier ministre a laissé entendre qu’il y aurait bien intervention des forces de l’ordre avant cette date. « J’ai demandé au ministre de l’intérieur de définir les conditions d’une opération par étapes, maîtrisée, qui permette de respecter les délais que vous avez indiqués, de telle sorte que nous puissions à la fois conduire cette opération et assurer la protection de notre pays contre le risque terroriste », a répondu Bernard Cazeneuve au député.
- L’échéance de la déclaration d’utilité publique ?
En prétendant que la DUP arrivait à expiration le 18 janvier, le député Yannick Favennec se trompe. La déclaration d’utilité publique a été signée le 9 février 2008 et expire donc, dix ans après, en février 2018. En revanche, les arrêtés d’expropriation des terrains nécessaires à la construction du futur aéroport et des accès routiers ont été pris le 18 janvier 2012. Cinq ans après, le 18 janvier 2017 donc, ils peuvent être contestés si aucuns travaux n’ont été entrepris. « Si les immeubles expropriés n’ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d’utilité publique », explique l’article L421-1 du « Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ».
La trentaine d’expropriés pourrait donc faire valoir leurs droits à rétrocession de leurs terres ou de leur maison auprès de l’Etat, nouveau propriétaire. Si ce dernier refusait, les expropriés pourraient alors se tourner vers le tribunal de grande instance. Il n’est donc pas impossible que certains des expropriés demandent à l’Etat, après le 18 janvier, à récupérer leurs biens.
- L’Europe sera-t-elle satisfaite ?
La Commission européenne avait reproché à la France, en avril 2014, de ne pas avoir pris en compte les effets cumulés des différents chantiers connexes au projet d’aéroport : accès routiers, lignes de tram-train et de TGV… Pour stopper la démarche de pré-contentieux, l’Etat a intégré au nouveau schéma de cohérence territorial (SCOT) de la métropole Nantes-Saint-Nazaire sa réponse à l’Europe. Les élus l’ont voté à une large majorité, le 19 décembre. « On nous a demandé d’intégrer les évaluations de l’aéroport et des projets connexes. On a donc rajouté au SCOT un document de synthèse faisant état des projets existants, des mesures de consommation d’espace et des mesures de compensation quand on les avait », explique Fabrice Roussel, vice-président (PS) de Nantes Métropole.
L’étude stratégique environnementale du SCOT a été transmise à la Commission européenne, a confirmé, mercredi, M. Cazeneuve. Les commissaires vont devoir décider, dans les prochaines semaines, s’ils continuent la procédure d’infraction ou si la réponse française est de nature à régler le problème. De leur côté, les opposants, sans attendre la réponse de l’Europe, estiment que le SCOT n’apporte aucune réponse sur le fond. Ils ont annoncé, mardi, qu’ils déposeraient en janvier un recours devant le tribunal administratif.
- La fin des recours juridiques ?
Le chef de l’Etat, François Hollande, s’était engagé, en 2012, à attendre la fin de tous les recours juridiques avant toute intervention et démarrage des travaux. Une orientation toujours défendue par l’actuel premier ministre. Or fin décembre 2016, plusieurs contentieux sont encore en cours. En septembre 2016, le préfet a pris un dernier arrêté autorisant la destruction d’une espèce protégée, le campagnol amphibie. Les opposants ont alors déposé un recours qui doit encore être jugé en première instance. D’autres jugements en appel sont toujours en attente ainsi que des recours devant le Conseil d’Etat.
Pour intervenir dans le bocage, l’Etat devra aussi tenir compte des contraintes environnementales. A partir de la mi-mars, l’abattage des arbres est proscrit. Chaque espèce protégée dispose de son propre calendrier, ce qui rend complexe l’intervention sur la zone du printemps à la fin de l’été. Par exemple, précise l’arrêté préfectoral du 20 décembre 2013, les mares qui n’auront pas été transférées ne peuvent être détruites « qu’en dehors de la période de reproduction des amphibiens et de développement des juvéniles, entre le 1er juillet et le 10 février inclus ».
Plus globalement, rappellent les opposants, qu’il s’agisse de l’Etat chargé de la construction du barreau routier ou d’Aéroport du Grand-Ouest (AGO), filiale de Vinci, ils ne peuvent démarrer le chantier que si 20 % des mesures compensatoires sont déjà effectives. « Pour l’instant, que ce soit par la création de mares ou l’instauration de prairies permanentes, rien n’a été fait, en tout cas pas à la hauteur de ce qui est légalement prévu », confirme François de Beaulieu, du collectif des Naturalistes en lutte qui ont, par ailleurs, signalé la présence de cinq nouvelles espèces protégées sur la ZAD.
Les partisans du projet de transfert de l’actuel aéroport de Nantes-Atlantique vers Notre-Dame-des-Landes manifestent pour l’évacuation de la ZAD, après leur victoire à la consultation locale de juin 2016 (octobre 2016). / AFP / LOIC VENANCE | LOIC VENANCE / AFP
- Une intervention possible ?
Pour expulser les zadistes et les agriculteurs historiques installés dans le bocage, quelques centaines de personnes auxquelles il faudra adjoindre des milliers de soutiens venus en renfort, les autorités estiment de 2 000 à 3 000 gendarmes mobiles ou CRS l’effectif nécessaire. Le choix d’une « opération par étapes », selon la formulation de M. Cazeneuve mercredi, pourrait permettre de réduire l’effectif. Mais, ainsi que le premier ministre l’a précisé devant les parlementaires, sur les « 103 unités de force mobile en disponibilité quotidienne [une unité de gendarmes mobiles comprend 120 personnes, et une compagnie de CRS, environ 90], près de 80 » sont actuellement mobilisées par la lutte antiterroriste et la sécurité aux frontières.
Il faut donc comprendre que la priorité reste à la sécurisation du territoire contre toute attaque terroriste. Le drame berlinois du 19 décembre, avec l’attaque d’un marché de Noël, ne fait que la renforcer.