Les ingénieurs pédagogiques, défricheurs de l’enseignement à l’ère numérique
Les ingénieurs pédagogiques, défricheurs de l’enseignement à l’ère numérique
Par Jean-Claude Lewandowski
Ils doivent concevoir et réaliser des modules de formation, mais aussi aider les enseignants à développer leurs compétences. Portrait de ces nouveaux professionnels, désormais présents dans la plupart des établissements.
Essor des MOOC, boom du multimédia et de l’enseignement à distance, nouvelles méthodes de formation… Avec le renouveau de la pédagogie dans l’enseignement supérieur, le métier d’ingénieur pédagogique connaît un développement rapide. « Dans les pays anglo-saxons, la profession existe depuis longtemps, indique Stéphanie Conrad, en poste à l’Institut de pédagogie avancée (IPA) de l’Ecole supérieure des sciences commerciales d’Angers (Essca). Mais l’irruption des nouvelles technologies dans l’éducation a favorisé son expansion récente en France. »
Aujourd’hui, la plupart des établissements disposent d’équipes, plus ou moins étoffées, d’ingénieurs pédagogiques. Leur mission est d’abord de concevoir et de produire des modules d’enseignement, en puisant notamment dans les possibilités qu’offrent le numérique, Internet ou la vidéo. « La technologie ne doit être présente que si elle facilite l’apprentissage. Dans le cas contraire, il est préférable d’en rester au face à face classique avec le professeur », souligne Stéphane Justeau, directeur de l’IPA à l’Essca.
« Ne pas plaquer des outils sur un contenu »
L’ingénieur pédagogique travaille donc en liaison étroite avec les enseignants-chercheurs. Il les aide à « mettre en forme » leur savoir sur la durée – pour un cours prévu sur un semestre, par exemple – ou pour une action ponctuelle. « Dans les deux cas, cette mise en forme nécessite une réflexion approfondie, insiste Stéphanie Conrad. Il ne suffit pas de plaquer des outils sur un contenu. »
A l’Essca, un comité de pilotage est chargé d’étudier, avec la direction des systèmes d’information et la direction des programmes, les projets de modules ou de programmes proposés par les enseignants : mise en place d’un MOOC, réalisation d’un guide en ligne pour les étudiants partant à l’étranger, cours de marketing ou d’entrepreneuriat, etc.
L’ingénieur pédagogique doit aussi accompagner les professeurs dans le développement de leurs capacités pédagogiques. A l’Essca, tout nouvel enseignant se voit ainsi proposer un cycle de formation sur deux à cinq jours. Des réunions consacrées à la pédagogie sont également organisées tout au long de l’année :
« Nous suivons les professeurs individuellement, nous leur faisons part de nos observations, explique Stéphanie Conrad. Dans certains cas, leur cours est filmé, puis analysé et commenté en commun. Nous proposons des pistes d’amélioration, avant de revenir voir comment les choses progressent. »
Cette double mission exige un large éventail de compétences. Avant tout, l’ingénieur pédagogique doit posséder un sens aigu du contact et du dialogue. Et même un certain doigté, afin de ne pas heurter la sensibilité de professeurs souvent très sourcilleux sur l’exercice de leur métier.
« L’accompagnement vise à rendre les enseignants autonomes, précise Stéphanie Conrad. Nous devons intégrer le fait qu’ils n’ont pas tous le même rapport à la technologie. L’aspect humain est primordial. Il ne s’agit en aucun cas de surveiller ou de critiquer, mais d’apporter un appui bienveillant aux professeurs. » A l’Essca, les ingénieurs pédagogiques doivent signer une clause de confidentialité. Mais il arrive, dans certains établissements, qu’ils fournissent des évaluations à la direction…
L’ingénieur pédagogue doit avoir de bonnes notions de sciences cognitives. Conscient, par exemple, que l’attention chute très rapidement lors d’un cours en ligne, il recourt notamment à l’interactivité pour relancer l’intérêt des élèves.
« Inutile d’être un vrai geek »
Les ingénieurs pédagogiques sont forcément des utilisateurs avancés des technologies numériques. « Inutile cependant d’être un vrai geek, car on court alors le risque d’être fasciné par les outils, ce qui conduit parfois à oublier l’utilisateur », nuance Stéphanie Conrad. Elle cite une dernière qualité bienvenue : la faculté d’adaptation. « Car nous travaillons le plus souvent en mode projet, sur des domaines très divers. Et le métier évolue à toute vitesse. »
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