Reprise : « Singin’ in the Rain » au Théâtre du Châtelet
Reprise : « Singin’ in the Rain » au Théâtre du Châtelet
Par Rosita Boisseau
La célèbre comédie musicale de Gene Kelly transposée par Robert Carsen est de nouveau à l’affiche, jusqu’au 15 janvier.
L’adaptation par le metteur en scène Robert Carsen de la célèbre comédie musicale de Gene Kelly, Singin’ in the Rain (1952), revient sur les planches du Théâtre du Châtelet à Paris, du 16 décembre au 15 janvier 2016.
Nous republions ci-dessous la critique de ce spectacle parue au moment des premières représentations en mars 2015.
Robert Carsen s’éclate sous la pluie
Au Théâtre du Châtelet, le metteur en scène offre un brillant exercice de style à partir de « Singin’ in the Rain », la célèbre comédie musicale de Gene Kelly.
"Singin' in the Rain", mis en scène par Robert Carsen au Théâtre du Châtelet, à Paris. | Patrick Berger
De la témérité, des idées, des moyens ! Pour s’attaquer à l’Everest de la comédie musicale qu’est Singin’ in the Rain, mieux vaut avoir des munitions. Le metteur en scène Robert Carsen n’en a pas manqué. Et voilà le travail ! Sa transposition scénique du film réalisé en 1952 par Stanley Donen et Gene Kelly rafle la mise. Triomphe à grands cris, jeudi 12 mars, de cette superproduction du Théâtre du Châtelet, à Paris.
Après An American in Paris, réglé comme sur des roulettes par le chorégraphe britannique Christopher Wheeldon, cette adaptation de Robert Carsen, qui s’attaque ici à un scénario multicouche, démontre que les monuments du genre peuvent s’offrir des liftings théâtraux épatants. Mission réussie pour Jean-Luc Choplin, directeur du Théâtre du Châtelet, qui empile les succès, en donnant à cette salle une identité comédie musicale spécifique. Singin’ in the Rain, en anglais surtitré, affiche complet jusqu’à la fin des représentations, le 26 mars. Une seule issue : se projeter illico sur la reprise qui aura lieu du 27 novembre au 15 janvier 2016.
Singin’ in the Rain, que Gene Kelly coréalisa, chorégraphia et interpréta, prend appui sur le moment où, dans les années 1920 à Hollywood, le cinéma muet devint parlant et obligea les acteurs à avoir, sinon du coffre, du moins de la voix. Ce que n’a pas l’actrice Lina Lamont, partenaire de Don Lockwood, avec lequel elle forme un couple de choc. Jusqu’à ce qu’elle soit obligée de l’ouvrir au micro !
Coup de poker
Le talent de Robert Carsen réside ici dans un strict exercice de style. A un film-gigogne qui emboîte les tournages et les situations, il rétorque en jouant à fond sur le théâtre dans le théâtre. D’un côté, il prend des libertés et réduit la voilure du scénario ; de l’autre, il en absorbe l’essence et décalque la structure sur un plateau de théâtre en utilisant aussi parfois les moyens du cinéma. D’où un dispositif minutieux d’écrans, de cadres, qui s’ouvrent les uns dans les autres au gré d’une mise en abyme permanente. On se croit au théâtre, nous voilà au cinéma et inversement ! D’où un déplacement des frontières qui permet au metteur en scène de jongler entre fiction scénique et réalité du spectacle d’un simple revers de rideau.
C’est là que Carsen réussit un coup de poker. Il intègre les spectateurs parmi les figurants du show. Bingo : ils applaudissent plutôt deux fois qu’une. Primo, comme protagonistes des tribulations des héros hollywoodiens, Don Lockwood, Cosmo Brown, Kathy Selden et Lina Lamont. Deusio, comme simples spectateurs de la comédie musicale. Lorsque à la fin Lina Lamont prend la parole devant le parterre de la salle où est présenté le film The Dancing Cavalier, elle s’adresse en réalité au public du Théâtre du Châtelet qui lui renvoie la balle comme dans chez Donen. Stratagème impec, riposte adéquate, bravo à tout le monde !
Autre parti pris esthétique, la palette en noir et blanc, très cinéma muet, du spectacle. Le décorateur Tim Hatley et le costumier Anthony Powell s’en sont donné à cœur joie, de l’ivoire au vert argenté en passant par le gris métal. La garde-robe des interprètes est une merveille de graphismes et de matières, si visuellement riche qu’on finit par en voir de toutes les couleurs. Au revers de ce vestiaire, la danse, sous la direction de Stephen Mear, se fait trop discrète sur la musique de Nacio Herb Brown, qui, elle, ne laisse personne en rade.
Evidemment, Singin’ in the Rain doit aussi sa longévité à un casting en or massif. Chantant, jouant, dansant, drôles par-dessus le marché, Gene Kelly (Don Lockwood), Donald O’Connor (Cosmo Brown), Debbie Reynolds (Kathy Selden) et Jean Hagen (Lina Lamont) restent, plus de soixante après, à tomber. Si les comédiens choisis par Robert Carsen passent la rampe – en particulier Daniel Crossley dans le rôle délicat de Cosmo et Emma Kate Nelson dans celui de Lina –, ils ne sont pas complètement convaincants. Mais se tirer haut la jambe de la cage des monstres sacrés est déjà un exploit.
Singin’ in the Rain, mis en scène par Robert Carsen, d’après le film de Gene Kelly et Stanley Donen. Jusqu’au 15 janvier au Théâtre du Châtelet, 1, place du Châtelet, Paris 1er. Tél. : 01-40-28-28-40. chatelet-theatre.com