Quand la magistrature recrute à tours de bras
Quand la magistrature recrute à tours de bras
Par Adrien de Tricornot
Pour compenser les nombreux départs de juges en retraite, l’École nationale de la magistrature (ENM) a offert 274 places au concours en 2016, trois fois plus qu’il y a six ans. Mais le nombre de candidats a augmenté d’autant
L’Ecole nationale de la magistrature (ENM), à Bordeaux. | ENM/Marion Guillot
La magistrature embauche ! Après des années de disette, les recrutements au concours sont remontés en flèche pour faire face au départ à la retraite des juges « baby boomers ». Avec 364 « auditeurs de justice » admis en 2016 àl’Ecole nationale de la magistrature (ENM) de Bordeaux, celle-ci a plus que triplé ses effectifs de futurs magistrats par rapport à la promotion 2010. « On ne peut que se réjouir de la hausse des promotions compte tenu de la pénurie des effectifs au sein des juridictions », salue Olivier Leurent, le directeur de l’École nationale de la magistrature. Sur ces futurs juges, 274 ont été recrutés sur concours, accessible au niveau M1, même si, dans la pratique « la plupart ont validé leur M2 et souvent passé une année à préparer le concours », note M. Leurent. Les 90 autres ont été admis sur dossier, après quatre ans d’expérience professionnelle au minimum dans un métier du droit.
Pour réussir le concours de l’ENM, il faut passer sous les fourches caudines des épreuves techniques de droit. Mais aussi par des mises en situation dans des cas pratiques, où l’aptitude à écouter, à débattre et à se positionner par rapport aux autres candidats est évaluée par un jury. Plus de 3 000 candidats s’étant inscrit au concours 2016 (pour 274 admis), le taux de succès reste de moins de 10 %, un niveau stable : « L’augmentation du nombre de places a constitué un appel d’air. Car un candidat se demande toujours si il a des chances d’entrer… avant de consacrer un ou deux ans de sa vie à préparer un concours. Avec 300 places offertes au concours plutôt que 80 ou 100, un bon étudiant, en travaillant dur, a toutes ses chances », explique M. Leurent.
Les auditeurs de justice commencent un cursus de 31 mois à l’ENM, ponctué de stages, et sont d’emblée rémunérés à hauteur d’environ 2 000 euros nets par mois (le traitement variant selon que l’auditeur est à l’école ou en stage), avec la promesse d’une carrière : « C’est une école qui permet de trouver son épanouissement car elle ouvre à un beau métier, à des responsabilités et à une diversité exceptionnelle des débouchés », souligne aussi son directeur : juges du siège et du parquet, juge d’application des peines ou juge spécialisé -comme dans les affaires familiales-, sans compter l’accès aux juridictions internationales, aux organisations internationales, aux autorités administratives indépendantes ou encore à des passerelles qui permettront ultérieurement de changer de métier, comme dans l’administration préfectorale.
Diversité des parcours
Mais le recrutement des futurs juges joue aussi la diversité des parcours. Parmi les nouveaux auditeurs de justice, 90 ont donc été admis sur dossier : ils ont été choisis parmi des professionnels (comme des avocats, des greffiers mais aussi des policiers ou des gendarmes ayant une bonne formation juridique), à condition d’être âgés d’au moins 31 ans et d’avoir au moins quatre ans d’expérience dans leur domaine.
Ce n’est cependant pas la seule façon de se reconvertir dans le métier de juge. Aux 364 nouveaux « auditeurs de justice » recrutés sur concours et sur dossier s’ajoutent, de surcroît, des places offertes via des cursus spécifiques. Le « concours complémentaire » est notamment ouvert aux candidats ayant au moins sept ans d’expérience professionnelle dans des métiers du droit : avocats, notaires, fonctionnaires de l’administration territoriale ou maîtres de conférences à l’université : 80 ont été reçus cette année. Et, chaque année, de 40 à 50 professionnels du droit ayant de 7 à 15 ans d’expérience professionnelle dans un service juridique, par exemple d’entreprise, sont par ailleurs admis sur dossier : on les appelle les « recrutés collatéraux ». Enfin, les titulaires d’un doctorat en droit commencent à être recrutés sur dossier, sous le nouveau statut de « juriste assistant », créé en 2016, qui les amènera à servir auprès d’un magistrat pendant trois ans avant de devenir élève-magistrat. Cette nouvelle forme de recrutement devrait concerner 20 à 30 postes.
En 2017, le nombre de postes prévu au concours de l’ENM devrait rester stable, selon la loi de finances. Il permet de compenser les départs en retraite. Ces derniers seront encore nombreux jusqu’en 2020 et au-delà. Reste à savoir si les recrutements resteront à ce niveau.