Le soutien aux migrants devant le tribunal de Nice
Le soutien aux migrants devant le tribunal de Nice
Cédric Herrou, un habitant de la vallée de la Roya, près de la frontière franco-italienne, est accusé d’avoir aidé des étrangers en situation irrégulière à passer la frontière.
Cedric Herrou, au tribunal de Nice, le 23 novembre 2016. | Yann Coatsaliou / AFP
Cédric Herrou, 37 ans, agriculteur de la vallée de la Roya, doit comparaître, mercredi 4 janvier, devant le tribunal correctionnel de Nice pour aide à l’entrée, à la circulation et au séjour de personnes en situation irrégulière. Il encourt cinq ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
L’ancien organisateur de concerts, devenu paysan, est la figure emblématique du combat de citoyens de la vallée de la Roya, entre Nice et l’Italie, devenue un point de passage pour les migrants bloqués à la frontière franco-italienne à Vintimille.
Passer la frontière par la montagne
Comme les passages par la route côtière ou en train sont devenus difficiles, les migrants quittent Vintimille à pied par la montagne et arrivent à Breil-sur-Roya, le premier village français. Des habitants se sont organisés pour accueillir et aider les migrants, malgré la multiplication des poursuites judiciaires. Plusieurs personnes sont ainsi poursuivies, à l’instar de Cédric Herrou, à qui il est reproché d’avoir transporté des migrants en voiture et d’avoir aménagé pour eux un ancien local désaffecté de la SNCF.
Le 23 novembre, Pierre-Alain Mannoni, un enseignant-chercheur à l’université Nice Sophia Antipolis, était jugé pour avoir pris dans sa voiture trois jeunes Erythréennes blessées qu’il emmenait chez le docteur. Le procureur a demandé six mois de prison avec sursis. Le jugement sera rendu vendredi 6 janvier.
Pour Cédric Herrou, sa démarche est humanitaire. « Secourir des familles en danger sur la route et héberger chez soi des étrangers en transit est parfaitement conforme à la loi », dit son avocat Me Zia Oloumi. Pour le procureur de Nice Jean-Michel Prêtre, interrogé par La Croix, « Cédric Herrou va chercher des étrangers à Vintimille, en Italie, et les aide ensuite à franchir la frontière. Ces nombreux allers et retours n’en font évidemment pas un passeur au sens classique du terme, puisqu’il ne réclame aucune contrepartie financière à ceux qu’il aide. Reste qu’il a mis en place un dispositif qui, concrètement, facilite le franchissement de la frontière. » En effet, la suppression du délit de solidarité en 2012 n’exempte pas les justiciables qui aident les étrangers à passer la frontière.
Interpellé une première fois en août 2016 avec huit Erythréens dans sa voiture, Cédric Herrou avait bénéficié d’une immunité humanitaire. Un classement sans suite que le parquet n’a pas renouvelé en octobre, lors d’une autre arrestation.
Plainte contre plainte
Au début de décembre, la guerre larvée à laquelle se livrent les autorités locales et les citoyens de la vallée a franchi une nouvelle étape : 257 citoyens de la Roya, membres de l’association Roya citoyenne, ont déposé une plainte contre X visant les autorités françaises, pour délaissement de mineurs isolés étrangers. Et le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes Eric Ciotti (Les Républicains) annonçait qu’il avait porté plainte contre « une poignée d’activistes », pour le « passage clandestin d’étrangers à la frontière franco-italienne » les assimilant à des passeurs « qui exploitent la détresse humaine ».
Selon les chiffres de la préfecture, plus de 33 000 étrangers en séjour irrégulier ont été interpellés en 2016, plus que sur toute l’année 2015 (27 000). Quelque 1 500 mineurs isolés étrangers ont été pris en charge en 2015, contre seulement 348 en 2016.
Sur la route avec un agriculteur qui fait traverser la frontière italienne à des migrants
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