Pour protéger sa biodiversité, Auvergne-Rhône-Alpes préfère les chasseurs aux « bobos »
Pour protéger sa biodiversité, Auvergne-Rhône-Alpes préfère les chasseurs aux « bobos »
Le Monde.fr avec AFP
Le président de la région, Laurent Wauquiez, accusé de clientélisme, a réduit les subventions pour les associations de protection de la nature.
Laurent Wauquiez, le 9 décembre à Saint-Etienne. | PHILIPPE DESMAZES / AFP
La région Auvergne-Rhône-Alpes, jugeant les chasseurs plus légitimes sur la question de la biodiversité que « les bobos des villes », propose de nouer avec eux un partenariat inédit, doté d’une subvention de près de 3 millions d’euros sur trois ans. Ce projet de partenariat avec la fédération régionale des chasseurs, « une première » en France selon la région, sera soumis au vote en assemblée plénière jeudi 22 septembre.
Dans le même temps, le nouvel exécutif régional, dirigé par Laurent Wauquiez, par ailleurs président par intérim des Républicains et député de Haute-Loire, a baissé considérablement les subventions accordées aux associations de protection de l’environnement ou de l’agriculture paysanne et biologique. « Notre ligne, c’est : pas de monopole dans la protection de la biodiversité », a expliqué Philippe Meunier, vice-président délégué notamment chargé de la chasse et la pêche, justifiant ainsi ce choix :
« Ils le valent bien, comme dit la publicité. Car il y a deux façons de voir la ruralité, la préservation de la biodiversité, l’aménagement du territoire : soit on le voit du côté des bobos des villes, soit on discute avec les acteurs du monde rural qui connaissent le territoire parce qu’ils le pratiquent tous les jours et tous les week-ends lorsqu’ils chassent. »
« L’impudeur et le clientélisme assumé »
« Alors que le budget de l’environnement a été réduit de 30 %, avec ce partenariat, on est dans l’impudeur et le clientélisme assumé », a réagi mercredi 14 septembre Jean-François Debat, chef de file de l’opposition socialiste dans la région.
« Cela va trop loin ! C’est de la politique à la hache, avec large financement clientéliste des chasseurs ou des défenseurs de l’agriculture intensive et un assèchement de tous les protecteurs de la nature. Nous remettrons cette délibération en cause demain lors des commissions et le 22 septembre en assemblée plénière », explique de son côté Monique Cosson, présidente du groupe Rassemblement citoyen, solidaire, écologiste.
Selon le document que l’Agence France-Presse a pu se procurer, ce partenariat doit permettre notamment de faire un état des lieux de certaines espèces dans la région, mettre en place des dispositifs de « piège photo » pour tenter de mieux recenser le loup ou le lynx, aider les chasseurs à limiter les dégâts occasionnés par le gibier et éduquer à l’environnement.
Des coupes dans l’environnement…
De son côté, la Frapna (Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature), principale actrice de l’éducation et la défense de l’environnement dans la région, a vu sa subvention réduite de 50 % en 2016, à 385 000 euros. Elle pourrait devoir supprimer une vingtaine d’emplois sur 108, selon son président Eric Feraille, qui a lancé un appel aux dons.
« En quatre mois, nous sommes passés de l’euphorie du Grenelle de l’environnement et de la COP 21 à une relégation sans précédent des questions environnementales », a-t-il expliqué dans une lettre adressée aux adhérents de la Frapna, pointant la « baisse brutale du financement de collectivités ».
Au chapitre des financements, le président de la région s’est par contre engagé à apporter 140 millions d’euros à une nouvelle autoroute reliant Lyon à Saint-Etienne. L’A45, qui aurait un trajet un peu plus direct que l’autoroute actuelle, traverserait les zones encore largement rurales des monts du Lyonnais. Elle est contestée par les écologistes, qui arguent qu’elle générerait davantage de gaz à effet de serre et préempterait de nombreuses terres agricoles.
… et dans la culture
Laurent Wauquiez, qui a fait de la fin du « gaspillage » l’un des mantras de son action à la tête d’Auvergne-Rhône-Alpes, resserre également les cordons de la bourse en matière culturelle. En juin, le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) avait tiré la sonnette d’alarme, s’inquiétant de rumeurs d’une baisse globale du budget culture et du retrait de certains dossiers de l’ordre du jour des commissions d’attribution des subventions, comme la Comédie de Saint-Etienne ou l’Ecole supérieure d’art et de design de cette ville. « Depuis maintenant cinq mois, la nouvelle présidence de la région n’affiche aucun projet culturel pour ce territoire », déplore le Syndeac.
Le président de la région avait par ailleurs créé la polémique en juillet en renonçant à financer un institut culturel musulman à Lyon, au motif que des pays étrangers pourraient venir s’immiscer dans son fonctionnement futur. Ce projet est soutenu par le respecté recteur de la Grande Mosquée de Lyon, Kamel Kabtane. Dans l’entourage de Laurent Wauquiez, on justifie cette décision par le budget prévisionnel de 8,8 millions d’euros hors taxes présenté à la région par M. Kabtane en avril, qui prévoit un financement de l’Algérie et de l’Arabie saoudite de 2 millions chacun.