Au CES, les drones à l’âge de raison
Au CES de Las Vegas, les drones à l’âge de raison
Par Jean-Michel Normand
Les drones font désormais partie du décor. Ce constat s’impose au terme de l’édition 2017 du Consumer Electronics Show de Las Vegas qui a fermé ses portes dimanche.
Les drones font désormais partie du décor. Ce constat semble s’imposer au terme de l’édition 2017 du Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas qui a fermé ses portes dimanche 8 janvier et où les engins volants pilotés à distance n’auront, cette fois, guère occupé le devant de la scène. Le stade de la découverte, en effet, est révolu. Il n’y a plus un journal télévisé sans images captées par des drones, personne ne s’étonne de les voir ausculter des terres agricoles ou apparaître dans les fêtes de famille et c’est presque comme s’ils pouvaient déjà assurer des livraisons commerciales.
Un palier technologique
Dès lors, pourquoi faudrait-il faire grand cas de la présence au CES d’objets dont les ventes, qui continuent de fortement progresser, en font un best-seller de la high-tech grand public ? Cette inévitable banalisation tient aussi à l’atteinte d’un palier technologique. Les drones grand public ont tellement progressé depuis le dernier CES – liaison GPS, vidéo en 4K, vision à la première personne voire évitement d’obstacles et suivi automatisé d’un sujet en mouvement sont devenus des prestations standard – qu’il n’est pas anormal de faire une pause. D’autant que la baisse tendancielle des prix et la vigueur de la concurrence réduisent les marges et pèsent sur les investissements des constructeurs.
Le Phantom 4 de DJI en mode Nouvel An chinois | DJI
DJI écrase la concurrence
Cette course à l’équipement et à la sophistication a contribué à étirer le peloton des fabricants de drones comme celui du Tour de France dans le mont Ventoux. DJI, le maillot jaune, écrase plus que jamais la concurrence. Cette année, il ne dévoile pratiquement aucune nouveauté… si ce n’est une série limitée du Phantom 4 lancée à l’occasion du Nouvel An chinois. Rien que de très habituel.
Le leader mondial a depuis longtemps pris le parti de lancer ses nouveautés en dehors du grand show américain afin de ménager l’effet de surprise et dissuader ses rivaux chinois de lancer dans la foulée des produits supposés lui faire concurrence. Ses poursuivants, eux, ne semblent pas au mieux de leur forme.
Parrot, absent à Las Vegas, a décroché, GoPro a totalement manqué son entrée sur le marché des drones et l’outsider chinois Yuneec éprouve des difficultés à tenir le rythme. L’épouvantail du CES 2016 ne présentait cette année que de modestes améliorations de sa gamme.
PowerRay, le drone poisson pilote de PowerVision. | PowerVision
PowerRay, poisson pilote
Derrière, on trouve toujours la masse des constructeurs chinois d’entrée et de milieu de gamme avec leurs produits « me too » qui suivent les grandes tendances que sont la simplicité d’usage (un smartphone plutôt qu’une radiocommande comme contrôleur) et la souplesse d’utilisation (des hélices repliables pour que l’appareil, devenu nomade, tienne dans la poche). Les prix baissent, la qualité semble en progression. Le seul véritable gros buzz du CES aura été le PowerRay, le drone aquatique conçu pour assister les amateurs de pêche. Le signe que, pour le moment, ce n’est plus vraiment dans le ciel que l’on peut créer l’événement.
Le patron de Qualcomm, Steve Mollenkopf, s’exprime devant un tableau bucolique de drones agricoles. | Ethan Miller / AFP
L’âge du drone professionnel
Pour les drones, c’est l’âge de raison. Le terrain de jeu le plus prometteur ne se situe plus tant dans le secteur de la grande consommation, forcément spectaculaire, mais dans celui, souvent plus austère, des applications professionnelles. La seule annonce significative réalisée par DJI est sa collaboration avec HERE, plate-forme de cartographie de précision dirigée par un consortium Audi-Mercedes-BMW, dédiée à des services B to B. Le fameux drone-taxi Ehang 184 qui avait fait tant parler de lui – un énorme gadget, disait-on – l’an passé était de retour à Las Vegas. Après deux cents vols d’essai dont certains habités, ses concepteurs disent avoir suffisamment progressé pour déposer une demande d’homologation en Chine.
Fait révélateur : le seul représentant de la filière française du drone au CES était Drone-Volt, un constructeur qui connaît une croissance très soutenue à l’international grâce à son positionnement sur une série de micromarchés (agriculture de précision, nettoyage des toitures, peinture des coques de cargos, entre autres). La confirmation que l’avenir des drones dépendra moins de l’objet lui-même que de l’utilisation que l’on pourra en faire.