Epidémie de grippe : les services d’urgences en surchauffe
Epidémie de grippe : les services d’urgences en surchauffe
Par François Béguin
Depuis quelques jours les hôpitaux sont confrontés à un afflux massif de personnes âgées touchées par le virus.
La France serait-elle en train de revivre le scénario noir de l’hiver 2014-2015 où près de 2,9 millions de personnes avaient été touchées par une épidémie de grippe particulièrement virulente, mettant pendant plusieurs semaines le système de soins à rude épreuve ?
Depuis quelques jours, les services des urgences des hôpitaux « explosent » de nouveau, confrontés à un afflux massif de personnes âgées touchées par la grippe. Ces services « sont aux limites de leur capacité », a annoncé mardi 10 janvier la ministre de la santé Marisol Touraine, alors même que l’épidémie, qui a démarré il y a près d’un mois, n’a toujours pas atteint son pic.
« Plus de 24 heures pour trouver un lit »
« Certains hôpitaux sont tellement surchargés que les ambulanciers ne peuvent même plus décharger leurs patients, la situation est extrêmement critique », raconte François Braun, le président de SAMU-Urgences de France, qui qualifie la situation de « crise sanitaire ».
Confrontée à la « saturation exceptionnelle » de certains de ses services d’urgences, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a demandé le 6 janvier à ses trente-neuf établissements d’activer le niveau 3 du plan « Hôpital en tension » qui permet de dégager des lits supplémentaires.
La veille, la Pitié-Salpêtrière avait dû demander un « délestage » et refuser tout nouveau patient. Sans attendre le déclenchement d’un plan d’urgence par le ministère de la santé, la plupart des centres hospitaliers universitaires auraient eux aussi déjà activé leur plan « Hôpital en tension ».
« Partout, ça craque », assure le docteur Christophe Prudhomme, de la CGT-Santé à l’AP-HP. Selon lui, dans certains hôpitaux, des malades doivent aujourd’hui attendre « sur des brancards plus de 24 heures pour trouver un lit ». Des conditions d’hospitalisations qu’il juge « inacceptables et inhumaines ». Pour lui, « notre système est tellement sous tension qu’il est incapable de gérer une hausse d’activité liée à une épidémie de grippe tout à fait prévisible, comme il s’en produit tous les quatre à cinq ans ».
Les séniors surreprésentés
Si certains établissements frôlent aujourd’hui l’embolie, c’est d’abord parce que le virus de type A (H3N2) affecte principalement les personnes âgées de plus de 65 ans. « Les seniors sont touchés de manière plus importante que les années précédentes, il y a 20 % de plus de gens de cette classe d’âge touchés que ce qui était attendu », fait-on valoir à l’Irsan, un réseau de surveillance de la grippe, qui se fonde sur les 10 000 actes quotidiens du réseau SOS-Médecins. Lors de la dernière semaine de l’année 2016, la part des hospitalisations après passages aux urgences pour grippe a été de 51 % pour les personnes de 65 ans et plus, soulignait de son côté Santé Publique France le 4 janvier. Une proportion jugée « très élevée ».
Pour le système de santé, l’effet de cette surreprésentation des « seniors » est immédiat. « Là où des enfants grippés peuvent être renvoyés chez eux au bout de 24 heures, les personnes âgées, plus fragiles, doivent être hospitalisées et surveillées plusieurs jours car la grippe peut provoquer des complications respiratoires », explique le virologue Bruno Lina. « D’où ce phénomène d’embouteillage dans les hôpitaux : c’est comme un escalier roulant où personne n’évacuerait la zone d’arrivée, tout le monde se télescope », dit-il.
Pour fluidifier le système, les autorités sanitaires doivent alors réussir à libérer des lits dans des services qui ne sont normalement pas destinés à accueillir ce type de malade et à déprogrammer des activités sans caractère urgent, comme en chirurgie.
Treize morts en quinze jours
Alors que l’épidémie de l’hiver 2015-2016 avait conduit à une surmortalité de 18 300 personnes, dont 90 % chez des plus de 65 ans, les directeurs de services à domicile et d’établissements pour personnes âgées se disent aujourd’hui « extrêmement inquiets ». « On nous a dit que le virus était aussi virulent qu’en 2015, or rien n’a changé depuis cette année-là en matière d’aide aux personnes âgées. Il y a un manque de personnel constant », déplore Pascal Champvert, le directeur de l’AD-AP, au lendemain d’une réunion au ministère de la santé.
Dans une maison de retraite lyonnaise, l’Ehpad Korian-Berthelot, 72 des 110 pensionnaires ont été infectés et treize sont décédés en quinze jours, a-t-on appris le 7 janvier, interrogeant le degré de couverture vaccinale des résidents de l’établissement mais aussi celui des personnels soignants.
Face aux inquiétudes de voir se renouveler le scénario de 2014-2015, le virologue Bruno Lina se veut rassurant. « Il y a deux ans, le vaccin n’était pas adapté. Cet hiver, il l’est, même s’il n’est efficace qu’à 40 à 45 % pour les personnes de plus de 65 ans, dit-il. Il y aura donc une surmortalité cet hiver mais je ne pense pas qu’elle sera aussi élevée qu’il y a deux ans. »