La bibliothèque Richelieu entame une nouvelle vie
La bibliothèque Richelieu entame une nouvelle vie
Par Harry Bellet
Désormais, le site historique de la Bibliothèque nationale, à Paris, déjà en partie rénové, accueille aussi les collections de l’Institut national d’histoire de l’art et de l’Ecole des chartes. Haut lieu de culture, elle devient ainsi l’un des plus importants centres de documentation au monde.
Le magasin des arts et spectacles, aménagé et décoré par Henri Labrouste. | Jean-Christophe BALLOT
Riders on the Storm, des Doors en fond sonore, ce n’est pas encore une boîte de nuit, mais au moins l’ambiance d’une surprise-partie des années 1970, à cela près qu’elle avait lieu dans le « magasin central » les locaux adjacents à la salle Labrouste, le plus grand espace de lecture de l’ancienne Bibliothèque nationale, rue Richelieu, lors de notre visite mercredi 14 décembre.
Sur la chanson diffusée par un ghetto-blaster à l’initiative d’un documentaliste mélomane, les collègues de ce dernier, jeunes ou moins jeunes, ne dansaient pas, sinon un ballet réglé au millimètre par l’ordre alphabétique : ils et elles classaient des monceaux de livres dans les rayonnages de ce qui va devenir la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art(INHA, créé en 2001). Une fois couplée avec les collections d’estampes, de manuscrits, de photos et de médailles de la BNF (qui collecte depuis le XVe siècle et bénéficie du dépôt légal depuis 1537) et la bibliothèque de l’Ecole nationale des chartes (fondée en 1821), celle-ci constituera un des plus importants centres de recherches du monde.
Un chantier complexe
« Riders on the storm » (« des cavaliers dans la tempête ») : c’est peut-être ce qu’ont ressenti Jean-François Lagneau, architecte en chef des Monuments historiques, et ses confrères Virginie Brégal et Bruno Gaudin, chargés de la rénovation du site, un vaste quadrilatère (58 000 m²) délimité par les rues des Petits-Champs (au sud), Vivienne (à l’est), Colbert (au nord) et Richelieu (à l’ouest), dans le 2e arrondissement de Paris. Chantier complexe, d’autant que le lieu devait rester ouvert aux chercheurs : les bâtiments sont d’époques différentes, plusieurs n’étaient pas reliés entre eux, certaines parties sont classées, d’autres non. Il fallait imaginer de nouvelles circulations et mettre le tout aux normes de sécurité. Si Jean-François Lagneau assure s’être contenté de procéder à un simple « nettoyage », les architectes ont eu à affronter les polémiques, inévitables dès qu’on touche à un bâtiment classé. Et ce n’est probablement pas terminé : la première tranche de travaux sera bien inaugurée à l’occasion du week-end de journées portes ouvertes les vendredi 13, samedi 14 et dimanche 15 janvier, mais la seconde, qui concerne notamment la prestigieuse salle Ovale, ne s’achèvera qu’en 2020.
« Riders on the storm » : pas certain que les vénérables professeurs Jacques Thuillier (dès 1973) et André Chastel (en 1983) y auraient songé, mais c’est un peu ce qu’ils paraissaient être, ces pionniers, lorsqu’ils plaidaient pour la création d’une telle entité. Le second y consacra même un rapport, qui fut remis au ministre d’alors, Jack Lang. Lequel n’aura de cesse de faire aboutir le projet. Sept ans plus tard, en 1990, il annonce lesouhait du président de la République, François Mitterrand de créer un institut international d’art. Après plusieurs rapports – dont ceux de Françoise Benhamou, Philippe Bélaval et Michel Laclotte –, le projet se précise : le fonds de l’INHA va regrouper celui de la Bibliothèque d’art et d’archéologie de la rue Michelet, c’est-à-dire 450000 volumes et un large stock de photos et d’estampes, ensemble constitué par le couturier Jacques Doucet, puis légué en 1917 à l’université de Paris, et celui de la Bibliothèque centrale des musées nationaux (300 000 volumes et 1 500 titres de revues). Aujourd’hui, l’INHA conserve plus de 1,7 million de documents, soitune des plus grandes collections de livres et de revues en histoire de l’art et en archéologie du monde. La BNF n’est pas en reste : à ses manuscrits, ses estampes et sa collection de photographies s’ajoute un département des arts du spectacle, soit, en tout, plus de 20 millions de documents. Avec 150 000 volumes, la bibliothèque de l’Ecole nationale des chartes semble bien modeste, si on omet qu’ils sont hautement spécialisés et souvent introuvables ailleurs.
Week-end Portes ouvertes, table ronde, le 13 janvier, à 19 h, conférence de Georges Didi-Huberman, le 14, à 19 h, visites et animations les samedi 14 (de 11 h à 22 h) et dimanche 15 (de 11 h à 19 h). Entrée libre. www.bnf.fr