Malgré Donald Trump, EDF mise gros sur les Etats-Unis
Malgré Donald Trump, EDF mise gros sur les Etats-Unis
LE MONDE ECONOMIE
La filiale EDF Energies nouvelles multiplie les investissements dans l’éolien et le solaire outre-Atlantique.
La Floride est l’un des Etats américains ayant le plus d’installations éoliennes. | SPENCER PLATT / AFP
Trump ou pas Trump, le développement des énergies renouvelables se poursuivra aux Etats-Unis. Et ce même si le président élu veut relancer les énergies fossiles et revenir sur les avantages fiscaux accordés à l’éolien et au solaire par l’administration Obama. C’est le sentiment affiché par de nombreux grands acteurs du secteur, notamment d’EDF Energies nouvelles (EDF EN), qui compte y implanter 3 000 mégawatts (MW) de capacités supplémentaires à l’horizon 2020.
Les menaces pesant sur le rythme de déploiement des renouvelables, et plus généralement sur la transition énergétique, sont pourtant réelles. Dans un article publié lundi 9 janvier par la revue Science, Barack Obama avertit son successeur, qui a naguère qualifié le réchauffement climatique de « canular », qu’une remise en cause de l’accord de Paris sur le climat, signé en décembre 2015, porterait atteinte aux « intérêts économiques » des Etats-Unis. Le pays s’est engagé sous son mandat dans une transition où les énergies bas carbone prennent une place croissante, avec des dizaines de milliards de dollars d’investissements et des centaines de milliers d’emplois à la clé.
« La prospérité américaine » en danger
De leur côté, 640 patrons américains de multinationales aussi emblématiques que Intel, Johnson & Johnson, Hewlett-Packard, Levi Strauss et Nike, mais aussi de filiales de groupes européens (Ikea, Adidas, Danone, Schneider Electric, L’Oréal…), lui ont adressé une mise en garde, mardi 10 janvier. « Echouer à construire une économie bas carbone mettrait en danger la prospérité américaine, écrivent-ils en réitérant leur soutien à l’accord de Paris. Mettre en œuvre les bonnes actions dès maintenant permettra de créer des emplois et de doper la compétitivité américaine. »
Antoine Cahuzac, directeur exécutif d’EDF et patron d’EDF EN, se veut confiant. « Aux Etats-Unis, personne ne nous a dit : “J’arrête tout à cause de M. Trump.” » La quasi-totalité de nos partenaires n’ont pas changé leurs plans. » Il souligne que même les sénateurs ayant appuyé le président élu ont confirmé leur soutien au maintien des aides aux énergies renouvelables – ils les avaient eux-mêmes votées sous l’ère Obama. Et les grandes entreprises, qui veulent tendre vers 100 % d’énergie verte à moyen terme, y recourent de plus en plus, constate M. Cahuzac.
En décembre et janvier, la filiale d’EDF a mis en service quatre parcs éoliens d’une capacité de 708 MW au Texas, en Oklahoma et dans l’Illinois. « Trois de ces projets s’inscrivent dans une politique d’engagement de grandes entreprises multinationales pour la réduction de leur empreinte carbone, une tendance forte du secteur aux Etats-Unis », souligne M. Cahuzac. Un des deux parcs texans fournira les usines du spécialiste des produits d’hygiène Procter & Gamble ; celui de l’Oklahoma alimentera en électricité propre un « data center » de Google. EDF EN a également signé un nouveau contrat de fourniture de courant avec Marin Clean Energy pour le projet solaire Desert Harvest, en Californie.
D’appréciables crédits d’impôts
EDF EN a toutefois ménagé ses arrières pour éviter toute déconvenue. Le groupe pourra bénéficier d’appréciables crédits d’impôts pour ses 3 000 MW d’énergie éolienne en projet ou en phase d’achèvement parce qu’il a commencé à investir – essentiellement par l’achat de turbines fabriquées sur le sol américain (Vestas, Siemens, General Electric) ou le lancement de chantiers – avant la date couperet du 31 décembre 2016.
« Il est évident que l’activité est soutenue par la politique fiscale américaine, valable jusqu’en 2020 », rappelle M. Cahuzac. La filiale d’EDF avance à marche forcée en Amérique du Nord. Elle y exploite 10 000 MW pour son propre compte ou des tiers et c’est devenu son premier marché avec plus de 40 % de son chiffre d’affaires.
« Après l’élection de M. Trump, il y a eu beaucoup de questions qui se sont posées sur la pérennité de ces mécanismes (…), reconnaît le directeur exécutif. La profession dans son ensemble n’anticipe pas de changement rétroactif en matière de soutien fiscal aux énergies renouvelables. » Au-delà de la dimension fiscale, l’éolien et le solaire deviennent très compétitifs, notamment dans un pays qui dispose, dans certains de ces Etats, d’importants gisements de soleil et de vents.
M. Trump a certes nommé un ardent défenseur des hydrocarbures à la tête du département de l’énergie en la personne de Rick Perry, ancien gouverneur du Texas. Mais cet Etat pétrolier, soumis à un bon régime de vents, est aussi l’un de ceux ayant le plus développé l’éolien.
Et il est désormais possible de produire aux Etats-Unis une électricité photovoltaïque à 35 dollars le mégawattheure (MWh) contre 60 dollars il y a quelques années grâce à l’automatisation des chaînes de production de modules (moins de casse), au meilleur rendement des cellules et à leur plus longue durée de vie (trente ans).