Les médias américains sceptiques après le « show » de Donald Trump
Les médias américains sceptiques après le « show » de Donald Trump
Au lendemain de la première conférence de presse du président élu, une partie de la presse juge que ses réponses, sur plusieurs sujets brûlants, n’ont pas été convaincantes.
Le président élu Donald Trump a tenu sa première conférence de presse, mercredi 11 janvier, à New York. | LUCAS JACKSON / REUTERS
« Grandiloquent, vaniteux et jouant l’esquive. » Les médias américains n’ont pas été convaincus par la prestation de Donald Trump, qui a tenu, mercredi 11 janvier, sa première conférence de presse, qualifié de « show » par le New York Times. Dans le lobby en marbre de la Trump Tower, à l’endroit même où il avait annoncé sa candidature en juin 2015, le magnat de l’immobilier de 70 ans s’est montré offensif et provocateur.
« M. Trump a incarné le même personnage qu’il offre au public au petit écran depuis des années, estime jeudi 12 janvier le quotidien new-yorkais dans son éditorial. Si quelqu’un avait encore l’espoir que les responsabilités et la dignité de la présidence tempèrent ou rendent humble Donald Trump, il a dû être choqué par la première conférence de presse du président élu. »
M. Trump était attendu sur plusieurs sujets brûlants : ses liens avec la Russie, les accusations de conflits d’intérêts, ou encore le rapport potentiellement explosif révélé mercredi par la chaîne CNN et le site Buzzfeed. Pour une grande partie de la presse, il n’a pas apporté de réelles réponses sur ces sujets.
« Demi-mesures »
Les médias sont notamment revenus sur les questions liées au conflit d’intérêt entre le businessman et le président. Le milliardaire a annoncé, au cours de cette conférence de presse, qu’il allait confier à ses deux aînés la direction de son empire économique. « Ils le dirigeront de façon très professionnelle. Ils ne m’en parleront pas », a-t-il assuré.
Il a même fait intervenir son avocate, Sheri Dillon, qui a détaillé les mesures que M. Trump allait prendre pour éviter tout conflit d’intérêts. Selon la juriste, tous ses actifs seront transférés avant le 20 janvier – date de l’investiture du nouveau président –, dans un trust, une société dont il n’aura, normalement, plus le contrôle. Mais il refuse toujours de vendre toutes ses entreprises.
Ces annonces n’ont pas convaincu Jamelle Bouie, rédacteur en chef du service politique de Slate. « Il ne fait aucun doute que Donald Trump passera son mandat dans un enchevêtrement de relations d’affaires et de conflits d’intérêts », regrette-t-il en évoquant même des infractions potentielles à la Constitution.
« En conservant la propriété de la Trump Organization, le président élu pourrait recevoir des avantages de la part de gouvernements étrangers, ce qui constitue une violation de la “clause des émoluments” de la Constitution, qui interdit au président d’accepter des cadeaux ou des paiements de la part de dirigeants étrangers. »
A neuf jours de l’investiture, M. Bouie estime même que Donald Trump « sera un vecteur de corruption sans précédent à la Maison Blanche ». Le journaliste de Politico, Isaac Arsndorf, se montre également très perplexe face à ces promesses : « Donald Trump promet que lui et ses fils ne parleront pas entre eux d’affaires ou de politique alors qu’il dirige le pays et qu’ils dirigent sa compagnie, et le pays devra le croire sur parole, regrette-t-il. Sa promesse de séparer ses intérêts privés de la politique dépend presque entièrement de lui et de son équipe qui suivront leurs propres règles, avec une absence quasiment totale de transparence publique, de surveillance extérieure ou de vérification indépendante. » Ainsi, ces « demi-mesures », selon le New York Times, ne « dissiperont pas les suspicions concernant les conflits d’intérêt en tant que président ».
De son côté, le Washington Post a listé tous les mensonges ou autre inexactitudes de Donald Trump, énoncées au cours de sa conférence de presse. Le successeur de Barack Obama s’est par exemple félicité d’avoir obligé le groupe automobile Fiat Chrysler à « construire une grosse, grosse usine dans ce pays et non dans un autre pays ». Mais le quotidien américain rappelle que l’administrateur délégué de Fiat Chrysler, Sergio Marchionne, avait déclaré que ce projet était en discussion « depuis plus d’un an et n’avait rien à voir avec Trump ».
Le Washington Post épingle également le futur président sur ses déclarations concernant le piratage dont ont été victimes les démocrates et les républicains au cours de la campagne présidentielle. Pour M. Trump, « le comité national démocrate était totalement vulnérable face à un piratage. Ils ont fait un très mauvais travail… Et les pirates ont tenté de pirater le comité national républicain, et ils ont été incapables d’y arriver ».
Face aux accusations de conflit d’intérêts, Donald Trump a annoncé mercredi 11 janvier qu’il allait confier à deux de ses fils la gestion de son empire économique. | EVAN VUCCI / AP
« Il est souvent malhonnête mais il est convaincant »
Mais le quotidien de la capitale américaine a rappelé les révélations du directeur du FBI, James B. Comey, « qui a déclaré qu’il y avait des preuves que le comité national républicain avait également été visé, mais qu’aucune des informations qui auraient pu être obtenues n’a été divulguée », alors que les deux partis ont été « piratés avec des techniques similaires ».
Et le Washington Post de souligner que « les remarques de Trump ignorent également les implications plus larges du rapport des services de renseignements publié le 5 janvier, qui a dévoilé comment le gouvernement russe a utilisé les trolls sur Internet et RT [la chaîne d’information internationale de la Russie] » pour affaiblir Hillary Clinton durant la campagne.
A rebours de ces critiques, l’historien Timothy Stanley a, lui, salué, dans une tribune publiée sur le site de CNN, la performance de Donald Trump. Le président élu a, selon lui, dominé cette conférence de presse « de la tête et des épaules », notamment face aux journalistes qui lui faisaient face. Le futur président a refusé de répondre à un journaliste de CNN, car la chaîne américaine avait évoqué, quelques heures plus tôt, un rapport le mettant en cause.
« Il était étrange, abusif, parfois menteur. Mais il les a dominés », juge M. Stanley, qui revient ensuite sur le rapport entre les médias et les citoyens pro-Trump. Pas de stature présidentielle ? Oui. Impopulaire ? Je ne crois pas. (…) Il y a beaucoup d’électeurs conservateurs, de nos jours, qui ne croient pas aux rapports défavorables pour Trump, simplement parce qu’ils ne font pas confiance à leur source. »
Timothy Stanley a ensuite comparé le discours de M. Trump avec celui tenu la veille à Chicago par le président sortant. « Obama a terminé sa présidence avec un discours très professoral, qui nous dit que nous avons tous eu tort et ce que nous devons faire pour améliorer les choses. Une conférence morale, en d’autres termes, juge-t-il. Trump, en revanche, se contente des affaires. Il est souvent malhonnête (…) mais il est convaincant. »