CAN 2017 : Florent Ibenge, la force vive des Léopards de RDC
CAN 2017 : Florent Ibenge, la force vive des Léopards de RDC
Par Alexis Billebault (contributeur Le Monde Afrique)
Le Franco-Congolais est l’un des quatre Africains sélectionneurs de toute la compétition continentale. Un paradoxe que l’entraîneur du club de Kinshasa déplore.
Pour cette CAN 2017, seuls quatre sélectionneurs nationaux sont africains. Un paradoxe pour cette compétition continentale dont le coup d’envoi sera donné samedi 14 janvier, à Libreville, au Gabon, avec un Guinée-Bissau-Gabon a priori déséquilibré.
Florent Ibenge, 55 ans, à la tête de la RD Congo depuis l’été 2014, est avec Baciro Candé (Guinée-Bissau), Aliou Cissé (Sénégal) et Callisto Pasuwa (Zimbabwe) est l’un des techniciens les plus cotés du moment en Afrique, et pas seulement parce qu’il cumule sa fonction de sélectionneur national avec celle – quotidienne – de l’AS Vita Club de Kinshasa, l’une des principales formations du pays présidées par le général Gabriel Amisi, un proche de Joseph Kabila, le chef de la République démocratique du Congo (RDC).
Décorations et véhicules tout-terrain
En deux ans et demi, le Franco-Congolais, loué par ses joueurs pour son charisme, a permis aux Léopards de remporter le Championnat d’Afrique des nations (CHAN) début 2016. A l’hiver 2015, le sélectionneur au regard perçant avait conduit la RD Congo à la troisième place de la CAN en Guinée équatoriale. La dernière victoire dans le trio de tête des Léopards remontait à la CAN 1998 au Burkina Faso.
Pour ces deux événements, les retours « au pays » avaient été triomphaux avec primes et 4X4 à la clé pour chaque joueur, décorations et réception par le président Kabila, qui avait même élevé le sélectionneur Florent Ibenge et l’entraîneur Joël Kimwaki au rang de chevaliers de l’Ordre des héros nationaux.
C’est donc peu dire que les espoirs sont grands de voir l’équipe briller cette année à Libreville. Après l’édition 2017, les Léopards tenteront aussi de se qualifier pour la Coupe du monde 2018. Un objectif hautement accessible puisqu’ils ont remporté leurs deux premiers matches (4-0 face à la Libye et 2-1 en Guinée).
« Grâce à lui, notre football a franchi un cap. Il a des résultats et a rendu la sélection attractive, notamment pour ceux qui sont nés en Europe mais ont des origines congolaises et qui hésitaient à porter le maillot de la RDC », résume Constant Omari, le président de la Fédération congolaise de football (Fecofa) et membre du comité exécutif de la FIFA. Après plusieurs expériences avec des techniciens français (Claude Le Roy, Patrice Neveu, Robert Nouzaret et de nouveau Claude Le Roy), l’influent dirigeant a finalement privilégié la fibre congolaise en 2014. « En Afrique, on ne fait à mon sens pas assez confiance aux nationaux, explique Constant Omari. J’ai fait ce choix car je connaissais Florent Ibenge, qui avait déjà travaillé dans l’encadrement des Léopards, mais aussi par son action à Vita Club depuis fin 2012. Je pense que c’est une question de lien avec le pays. Ibenge connaît le Congo, car il y est né. Il ressent les ressorts psychologiques de la société, accepte mieux les difficultés que ne le ferait un Européen qui ne vivrait pas à Kinshasa. Et cela pour un salaire moins élevé que celui d’un Français, par exemple. »
Manque de confiance dans les nationaux
Né à Kinshasa le 4 décembre 1961, Florent Ibenge s’est exilé avec sa famille en 1974 dans le nord de la France. Malgré un jeu vif et rapide au poste de défenseur, il n’a pas mené la carrière de joueur qu’il avait un temps envisagée. « J’ai joué au niveau amateur ou semi-professionnel. J’aurais pu jouer plus haut, mais mon père, médecin, voulait que je privilégie mes études d’économie. C’est sans doute ce qui m’a orienté vers le métier d’entraîneur, que j’ai ensuite pu exercer dans des petits clubs du nord comme Fives ou Douai tout en travaillant à côté. Mais plus j’avançais en âge et plus cette question me taraudait : pourquoi était-ce aussi difficile pour un Africain d’entraîner au haut niveau en France ? Pourtant, on me disait que je travaillais bien, mais on ne me faisait pas confiance. A part Jean Tigana ou Claude Makelele, il n’y a pas d’entraîneur d’origine subsaharienne à avoir entraîné en ligue 1 ces dernières saisons. »
Mais Florent Ibenge s’aperçoit que vouloir travailler sur le continent n’est pas aussi simple qu’il l’avait imaginé, malgré un passage en RDC entre 2008 et 2010, où Patrice Neveu avait fait de lui son adjoint. « Je suis parti travailler en Chine, au Shanghaï Shenhua, car malgré l’envoi de mon CV dans plusieurs pays africains, au Congo-Brazzaville, au Cameroun, je n’ai jamais reçu la moindre réponse ! Avec un peu d’ironie, je m’étais même permis de faire parvenir à la Confédération africaine de football (CAF) un courrier afin de lui demander ce qu’un Africain devait faire pour arriver à exercer sur son continent ! », s’amuse-t-il.
« Il a appris des choses en Europe, au niveau de l’entraînement et du management, et il est revenu pour aider son pays », veut croire Constant Omari, pour qui la double casquette de sélectionneur et d’entraîneur de Vita Club d’Ibenge ne pose pas problème : « On a parfois essayé de m’influencer pour l’obliger à choisir, mais s’il arrive à gérer son agenda, il n’y a aucun souci. Et puis, travailler au quotidien avec un club lui permet de garder un contact permanent avec le terrain », conclut le président de la Fecofa.
Régulièrement, Florent Ibenge regrette le manque de confiance accordé aux entraîneurs subsahariens. « La défiance est parfois légitime, car les entraîneurs européens bénéficient en général d’une meilleur formation. Mais, à partir du moment où ils ont prouvé qu’ils avaient les compétences, pourquoi ne pas leur faire davantage confiance ? Je pense qu’Aliou Cissé fait de l’excellent travail au Sénégal, et que moi aussi j’ai des résultats. Ce serait intéressant que plus de pays donnent leur chance à des locaux. »