Arnaud Montebourg, à Bordeaux, le 13 janvier. | Jean-Claude Coutausse/French-politics pour Le Monde

« Get up, stand up, don’t give up the fight… » Non, Arnaud Montebourg n’abandonne pas le combat. C’est en fredonnant du Bob Marley que l’ancien ministre a lancé, vendredi 13 janvier à Bordeaux, le premier stand-up de sa campagne, sorte de meeting improvisé dans la rue qu’il avait pratiqué à haute dose lors de la primaire de 2011. Volubile, concentré, visiblement ravi d’être là, le candidat à l’élection présidentielle a répondu durant plus d’une heure aux questions de 100 à 200 badauds surpris en pleins soldes sur la place – cela ne s’invente pas – du Saint-Projet. « On va la rebaptiser Saint Projet France », s’amusait M. Montebourg.

« L’idée est de revenir au plus près des Français à chaque lendemain de débat, pour voir ceux qui ne viennent pas dans les meetings », a justifié le candidat, néanmoins inquiet pour sa voix éraillée par le froid alors que la deuxième confrontation télévisée avec ses adversaires doit avoir lieu dimanche. Un autre stand-up est prévu lundi 16 janvier à Lille puis vendredi 20 janvier à Marseille. A chaque fois, le lieu est tenu secret jusqu’au dernier moment, pour garder l’effet de surprise mais aussi pour des raisons de sécurité.

Sérieux et ton posé

Même s’il s’en défend, ce retour du stand-up marque une évolution dans la campagne de M. Montebourg. Depuis l’annonce de sa candidature à la fête de la Rose de Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire), le 21 août, l’ex-ministre s’attache à « faire président », abandonnant les blagues faciles et les grands éclats de rire. Au contraire, il surjoue le sérieux, le ton posé, la tempérance. Lors du premier débat de la primaire, jeudi 12 janvier, l’ancien avocat a encore évité les attaques personnelles et les petites phrases assassines, jeu où pourtant il excelle.

Jusqu’ici, ce choix lui a plutôt bien réussi. Désormais perçu comme un candidat crédible, doté d’un programme que les observateurs considèrent comme le plus abouti, M. Montebourg est systématiquement cité dans les études d’opinion comme un des favoris de la primaire, au côté de Manuel Valls. Mais voilà, depuis la fin de l’année dernière, le natif de Clamecy (Nièvre) ne progresse plus. Certes, il ne dégringole pas, mais il voit revenir dans son rétroviseur Benoît Hamon, qui a réussi à imposer le revenu universel dans le débat.

« Pour la France du gagne-pain »

Résultat : son équipe de campagne s’interroge. « Doit-on continuer à le présidentialiser ou laisser son naturel reprendre le dessus dans la dernière ligne droite, avec sa part de panache mais aussi de risques de dérapages, c’est une vraie question », reconnaît un élu du premier cercle. « Il n’y a pas un Montebourg mis en avant et un Montebarre mis sous cloche, je suis un et indivisible, se défend l’intéressé. La différence, c’est que, pendant des années, mes idées étaient minoritaires. Elles sont aujourd’hui en passe de devenir majoritaires, je n’ai donc pas besoin de m’égosiller. » En privé, M. Montebourg assure néanmoins qu’il sera plus « offensif » lors des prochains débats.

Arnaud Montebourg, à Bordeaux, le 13 janvier. | Jean-Claude Coutausse/French-politics pour Le Monde

Outre le retour du stand-up, plusieurs changements sont intervenus dans sa campagne ces dernières semaines, pour tenter de reprendre la main. Exit par exemple le slogan « Libérer les Français », utilisé depuis l’automne. « Cela faisait trop libéral, trop Macron », justifie cet élu. Désormais, M. Montebourg proclame qu’il est « le candidat de la fiche de paie », un argument plus immédiatement compréhensible.

« Moi, je suis pour la France du gagne-pain, pas pour la société de la résignation du revenu universel, explique le Bourguignon. Il y a 29 millions d’actifs en France. On ne va pas les abandonner et dire qu’on ne vas pas se battre pour leur trouver du travail ! »

Durant la trêve des confiseurs, M. Montebourg a aussi demandé à son équipe de lui trouver un marqueur de gauche, comme avait pu l’être la taxe à 75 % pour François Hollande. Le député (PS) de la Nièvre Christian Paul a proposé de ponctionner les « superprofits » des banques, à hauteur de 5 milliards d’euros par an. « Une bonne mesure, a défendu le candidat devant les Bordelais. Les banques ont fait 23 milliards d’euros de bénéfices l’an dernier, elles peuvent en rendre une partie pour relancer notre économie. » M. Montebourg préconise notamment d’en utiliser un milliard par an pour promouvoir le télétravail.

Cela suffira-t-il pour assurer à l’ancien locataire de Bercy une place au second tour de la primaire et a fortiori la victoire ? Le concept de « transformation concrète », adopté pour qualifier son programme, fera-t-il mieux que celui de « démondialisation », qui lui avait valu 17,2 % des suffrages au premier tour de scrutin en 2011 ? « Le rez-de-chaussée est terminé, on va maintenant attaquer le premier étage », veut croire M. Montebourg. Réponse attendue les 22 et 29 janvier.