Quatre ans après le déploiement de l’opération Serval, le vibrant hommage du président malien à Hollande
Quatre ans après le déploiement de l’opération Serval, le vibrant hommage du président malien à Hollande
Par Christophe Châtelot (envoyé spécial à Bamako)
Sans le dire, Ibrahim Boubacar Keita se sait sans doute un peu redevable à la France pour son élection en 2013.
Francois Hollande et le président malien Ibrahim Boubacar Keita, le 14 janvier à Bamako. | STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
François Hollande doit apprécier le Mali. C’est là, sans aucun doute, que le président le plus impopulaire de la Ve République trouve les promoteurs les plus vigoureux de son action, la politique africaine dans le cas présent. C’est là, il est vrai, qu’en 2013 le président français élu seulement depuis quelques mois prit la décision d’engager l’armée française pour stopper l’avancée de groupes djihadistes qui menaçaient d’engloutir le pays. Samedi 14 janvier au matin, en ouverture du sommet Afrique-France, le président malien Ibrahim Boubacar Keita lui a donc rendu un hommage appuyé, vibrant, dithyrambique.
Il n’y a rien de surprenant à ce que le président malien, hôte dans sa capitale de ce sommet de 24 heures, remercie son homologue français, co-organisateur, de cet événement, le dernier de ce genre pour François Hollande depuis sa décision de ne pas se présenter pour un second mandat. Mais Ibrahim Boubacar Keita est allé beaucoup plus loin que ce que la politesse exige. « Le peuple malien, a-t- il dit à la tribune, et moi-même n’oublierons jamais ce que le Mali vous doit. » Le président français est alors présenté comme le sauveur de la nation en autorisant, il y a quatre ans presque jour pour jour, le déploiement de l’opération Serval. « Celle-ci a stoppé l’avancée des troupes terroristes et neutralisé la menace qui pesait sur l’existence même de l’Etat malien. Ce jour-là le destin du Mali tenait à une décision résolue et rapide de votre part (…) prise sans hésitation. »
Sans le dire, Ibrahim Boubacar Keita se sait sans doute un peu redevable à la France pour son élection en 2013. Il le fut grâce notamment à l’insistance de Paris, et de son « frère, François » au sein de l’Internationale socialiste, poussant Bamako à organiser l’élection présidentielle quelques semaines seulement après que les armes se furent tues. De nombreuses voix jugeaient cela alors prématuré. Populaire, bénéficiant d’une grande notoriété, « IBK », son surnom au Mali, fut alors le plus habile à surfer sur la vague d’euphorie une fois la menace djihadiste écartée.
Un autre crédit accordé au président Hollande par son homologue porte sur la politique française vis-à-vis de l’Afrique. « Quelque chose a changé dans les pratiques », a-t- il salué. Peut-être se référait-il à ce que François Hollande met en avant dans son bilan : la fin de la Françafrique agissant par le biais d’obscurs réseaux parallèles à la diplomatie officielle, ainsi que l’accent mis par Paris à privilégier le multilatéralisme lors de ses interventions militaires. Ce fut le cas au Mali où la France a agi à la demande de Bamako et avec l’aval de l’Union africaine et des Nations unies. « Plaise au ciel que l’on ne revienne plus à l’ordre ancien », a-t- il souhaité.
Une mort controversée
Le pays n’est pourtant pas totalement pacifié. « Le Mali qui vous accueille aujourd’hui, a loué M. Keita, est une nation qui s’est remise debout, mais qui n’ignore rien des difficultés à surmonter dans la reconquête de sa responsabilité. » Il est vrai que la situation a radicalement changé. Le pays n’est plus menacé d’une implosion prochaine. En 2013, avant Serval, les groupes djihadistes et des rebelles indépendantistes touareg contrôlaient plus de la moitié du pays et n’entendaient pas s’arrêter en si bon chemin. Depuis, un accord de paix a été signé à l’été 2015 à Alger, dont la mise en œuvre, certes, ressemble à un véritable casse-tête. Les groupes les plus dangereux ont subi la foudre de l’armée française. Ils ne contrôlent plus aucune ville et ne sont plus en mesure d’attaquer frontalement l’armée malienne, les casques bleus de la Minusma, encore moins les Français de Barkhane (le dispositif militaire chargé de lutter contre le terrorisme dans le Sahel). « Mais les groupes se métastasent et l’insécurité a gagné le centre du pays », reconnaît-on au ministère de la défense français. « La guerre a changé de nature », ajoute-t- on.
C’est par là, d’ailleurs, que s’est glissé un couac dans la communication de la délégation française. Les autorités françaises ont en effet dû s’expliquer sur la mort d’un jeune garçon malien tué le 30 novembre par un tir d’hélicoptère de Barkhane. Jean-Yves le Drian a donc été dépêché devant la presse pour déminer ce dossier qui dénotait dans un bilan quasi-parfait. Le ministre, un peu irrité, a voulu écarter tout soupçon de vouloir enterrer cet incident. Il a rappelé qu’il avait ordonné, le 16 décembre, l’ouverture d’une enquête de commandement chargée de déterminer les conditions de la mort du jeune homme. Un communiqué avait d’ailleurs été publié à l’époque, ne précisant pas toutefois qu’il s’agissait d’un mineur. Les conclusions pourraient être rendues prochainement.
Selon les informations publiées samedi par le ministère de la défense, la victime a été prise pour cible lors d’une opération menée contre « un réseau de guetteurs agissant pour le compte d’un groupe terroriste », dans la région d’Aguelhok. « Ce réseau échangeait des informations relatives à un convoi logistique afin de permettre à des poseurs d’engins explosifs improvisés (IED) de tuer des soldats français », précise une source du ministère de la défense.
Les soldats déployés au Mali sont de plus en plus fréquemment la cible d’IED. Quatre soldats français en sont morts en 2016. « C’est devenu le mode d’action des terroristes », a souligné le ministre de la défense Jean-Yves le Drian. Le garçon aurait donc été tué dans ce cadre, dans « une zone de combat », a rappelé le ministre.