A Davos, le rendez-vous d’un monde à l’envers
A Davos, le rendez-vous d’un monde à l’envers
Par Sylvie Kauffmann (Davos (Suisse), envoyée spéciale)
Le Forum économique mondial qui s’ouvre aujourd’hui accueille la plus grosse délégation chinoise de son histoire et va sans doute prendre des airs d’examen de conscience.
L’édition 2017 du Forum économique mondial s’ouvre ce mardi à Davos, dans les Alpes suisses, sous un jour très particulier : c’est, tout simplement, d’un monde à l’envers qu’il va être question toute la semaine.
Cette semaine a commencé avec des propos très déstabilisants de Donald Trump exposant à deux journaux européens son dédain de l’OTAN, de l’Union européenne et de la chancelière allemande. Le même homme sera, à la fin de la semaine, sacré 45e président des Etats-Unis. D’ici là, la première ministre britannique, Theresa May, aura expliqué, mardi à ses concitoyens, comment elle entend organiser la sortie de leur pays de l’UE. Deux jours plus tard, jeudi, elle viendra à Davos tester les réactions d’une audience internationale aux modalités de son plan, sans précédent.
Ayant compris assez tôt qu’il y aurait cette année une sorte de vacance du pouvoir à Davos, entre deux administrations américaines, la sortante et la nouvelle, qui se passent le relais de la manière la plus mouvementée qui soit, les Chinois ont décidé de combler le vide massivement : non seulement le Forum accueille la plus grosse délégation chinoise de son histoire, mais celle-ci est emmenée par le président Xi Jinping lui-même.
Fossé entre patrons et grand public
C’est la première fois qu’un président chinois fait le déplacement à Davos. Non seulement les représentants de l’empire du Milieu viennent en force, mais ils apparaissent, compte tenu de la confusion générale, comme les garants de la stabilité et du libre-échange : vue de Pékin, la mondialisation reste une valeur sûre.
Ce n’est pas le cas vu d’Europe ni des Etats-Unis, si l’on en croit les scrutins de ces derniers mois, émaillés d’insurrections électorales. Le sujet, que ne va pas manquer d’aborder dans son intervention mardi le vice-président américain sortant Joe Biden, va beaucoup occuper les esprits pendant ces quatre jours de conférences et de discussions : la démondialisation est-elle déjà en cours ? Quel est le coût du protectionnisme ? Les inégalités et la montée du populisme vont-elles tout emporter ? Connu pour être le rendez-vous annuel des élites mondialisées, Davos va sans doute, cette année, prendre des petits airs d’examen de conscience.
Loin de l’abandonner, pourtant, ces élites aujourd’hui si contestées y viennent encore plus nombreuses : quelque 3 000 participants, dont 1 200 patrons et une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement se pencheront cette semaine sur le thème du « leadership réactif et responsable ». Ce thème est d’autant plus opportun qu’une étude PWC publiée à l’ouverture du Forum révèle un fossé béant entre les perceptions qu’ont les patrons et le grand public des effets de la mondialisation : 60 % des patrons les jugent positifs, tandis que ce chiffre n’atteint que 38 % dans la population.