« Donald Trump : le pouvoir et les médias », une soirée Thema sur le nouveau président américain
« Donald Trump : le pouvoir et les médias », une soirée Thema sur le nouveau président américain
Par Antoine Flandrin
Ce soir, Arte diffuse un portrait sans concession de Donald Trump et un tableau implacable sur le rapport de force entre la politique et les médias.
La famille de Donald Trump est originaire de la petite ville allemande de Kallstatd. Photo prise en 2013 | © SWR/Projekt Gold Film u. Desig
Le 30 avril 2011, Donald Trump se présentait au traditionnel dîner de l’association des correspondants de la Maison Blanche. Il en ressortait humilié après que le président Barack Obama se fut allègrement moqué de lui à la tribune. Pour les invités, hilares, le châtiment était mérité. Le magnat de l’immobilier ne venait-il pas de passer des mois à soupçonner le président d’être né au Kenya, l’obligeant à montrer son certificat de naissance ? Ce soir-là, personne n’aurait misé 1 dollar sur les chances de Donald Trump de lui succéder. Ses biographes, conseillers, amis, collaborateurs expliquent que ce dîner a pourtant été décisif. Piqué au vif, Donald Trump s’est juré de remporter la présidentielle de 2016 pour laver cet affront.
Michael Kirk, investigateur chevronné de l’émission « Frontline », reprend ici les éléments d’enquête qu’il avait amassés pour réaliser Quel président pour l’Amérique ?, documentaire diffusé sur Arte le 1er novembre 2016, consacré aux deux candidats à la présidentielle, Donald Trump et Hillary Clinton.
The Choice 2016 (Full Film) Frontline
Durée : 01:54:49
Un portrait sans concession dans lequel on découvre un Trump, pugnace et rancunier. Son père, riche promoteur immobilier, froid et déterminé, l’envoie très tôt dans une académie militaire. Ses préceptes impitoyables, selon lesquels le monde appartient aux « gagnants », c’est-à-dire aux « tueurs », guideront Donald Trump tout au long de sa vie. D’abord, dans l’immobilier à Manhattan, où il se fait un nom en gonflant le nombre d’étages des tours qui portent son nom.
Ainsi, la première Trump Tower ne comporte-t-elle pas soixante-huit étages comme le vante son promoteur, mais dix de moins. Un goût pour la démesure que souligne chacun de ses collaborateurs. Le journaliste Tony Schwartz garde un goût amer des centaines d’heures dans l’ombre à écrire la biographie du magnat de l’immobilier The Art of the Deal (« L’Art de la négociation », non traduit, 1987), qui deviendra rapidement un best-seller. « Pour Trump, la vérité importe peu », persifle-t-il.
Charismatique et intraitable
Assoiffé de pouvoir, Trump accumule hôtels de luxe, yacht, compagnie aérienne, mais aussi divorces, procès et banqueroutes. Le milliardaire new-yorkais passe maître dans l’art de transformer les défaites en victoires. Le Taj Mahal, casino-hôtel géant qu’il bâtit à Atlantic City, se solde par un désastre financier, dont il se relève grâce à un rétablissement boursier aux allures de tour de passe-passe.
Ne doutant de rien, Trump ne se prive pas d’intervenir dans la vie politique américaine, dénonçant, par exemple, dès les années 1980, le montant de l’aide militaire américaine versée au Japon ou à l’Arabie saoudite. En 1988, un comité soutient sa candidature à la présidence du pays. Mais c’est surtout à la faveur d’une stupéfiante carrière dans la téléréalité entre 2004 et 2015, où il apparaît tel qu’en lui-même, entrepreneur charismatique et intraitable virant à tour de bras ses potentiels collaborateurs, qu’il séduit nombre de ses concitoyens.
Lorsqu’il se présente aux primaires républicaines, en juin 2015, Donald Trump s’en remet à la partition qu’il connaît le mieux : celle du manageur qui saura prendre les bonnes décisions pour « rendre l’Amérique de nouveau grande ». En dépit des mensonges, des contre-vérités et des exagérations proférés à longueur de meeting, près de 62 millions d’Américains ont voté pour lui.
Arte
Election guère rassurante
Dans Tous les gouvernements mentent (diffusé à la suite, à 21 h 45), Fred Peabody démontre que la plupart des médias américains sont devenus complaisants à l’égard des politiques comme Donald Trump. Un réquisitoire accablant, qui pointe l’hypocrisie et l’aveuglement de titres gagnés par la course à l’audience, mais également tenus par des intérêts publics et privés. Les éclairages du philosophe Noam Chomsky ou du professeur de journalisme Jeff Cohen permettent de comprendre comment ces médias vénérables comme NBC, CNN ou le New York Times, en sont venus à relayer la propagande d’Etat, notamment durant l’invasion américaine de l’Irak en 2003.
Le film rend surtout hommage à la ténacité des journalistes indépendants viscéralement attachés à la liberté de la presse, qui, d’Isador Feinstein Stone (1907-1989) à Glenn Greenwald (qui a publié les révélations d’Edward Snowden sur le site d’investigation The Intercept), ont battu en brèche les mensonges d’Etat et dénoncé les abus de pouvoir commis sous les différentes administrations, y compris sous celle de Barack Obama.
A cette aune, l’élection de Trump n’est guère rassurante. Sur la lancée de sa campagne, le président élu n’a cessé de multiplier les signes de défiance envers les médias critiques. L’homme qui s’apprête à devenir l’homme le plus puissant du monde n’a pas hésité à tancer les journalistes sur son canal d’expression favori : Twitter. Une montée en puissance que raconte le réalisateur Romain Besnainou dans L’Inquiétant M. Trump (mardi 24 janvier à 20 h 45 sur France 5). De son côté, C8 revient sur la personnalité complexe du futur président des Etats-Unis dans La Face cachée de Trump : le nouveau maître du monde (lundi 16 janvier à 21 heures).