Ryanair à nouveau dans le collimateur de la justice à Marseille
Ryanair à nouveau dans le collimateur de la justice à Marseille
LE MONDE ECONOMIE
La compagnie aérienne irlandaise à bas coûts est notamment mise en examen pour « travail dissimulé ».
L’activité de Ryanair représente 80% du trafic du terminal low cost MP2 de l’aéroport Marseille-Provence. | Claude Paris / AP
Bis repetita… La compagnie irlandaise à bas coûts Ryanair a été mise en examen le 10 janvier par un juge d’instruction d’Aix-en-Provence, pour, notamment, travail dissimulé et emploi de personnel navigant non affilié au régime obligatoire des retraites. C’est la seconde fois depuis l’installation de la compagnie sur l’aéroport de Marignane, en 2007, que le parquet d’Aix-en-Provence met en cause les conditions d’exercice sur sa base marseillaise.
Pour des faits similaires couvrant les années 2007 à 2010, Ryanair avait en effet été condamné, le 28 octobre 2014, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence à une amende pénale de 200 000 euros et à verser 8,1 millions d’euros de dommages et intérêts aux parties civiles, principalement aux organismes sociaux au titre des cotisations chômage et retraite éludées. Un pourvoi doit être examiné par la Cour de cassation.
Dans ce nouveau dossier, Ryanair a été placée sous contrôle judiciaire et doit verser un cautionnement de 5 millions d’euros, en cinq échéances échelonnées jusqu’en février 2018. L’appel de Ryanair sur cette mesure destinée à garantir sa représentation en justice et éventuellement la réparation des dommages causés sera jugé le 26 janvier par la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Une activité stable et continue à Marseille
Cette seconde enquête vise une période allant d’avril 2011 à mai 2014 et porte, selon le parquet, sur un possible « système frauduleux visant à affilier aux organismes sociaux ses personnels navigants exclusivement et artificiellement en Irlande, afin d’éluder le paiement de cotisations sociales en France ». En clair, un dumping social reposant « sur une forme élaborée de travail dissimulé ».
Cette fois, Ryanair, par le biais d’un de ses cadres le représentant lors de sa mise en examen, a choisi d’exercer son droit au silence, arguant de sa « précédente expérience ». La compagnie refuse de participer à cette nouvelle instruction ouverte le 7 octobre 2013. Elle souligne « la partialité des enquêteurs » et un « indéniable préjugé » qui sous-tendrait toute cette procédure où elle serait « jugée coupable avant même d’être condamnée ».
Les gendarmes de l’Office central de lutte contre le travail illégal, qui ont notamment perquisitionné en mai 2014 la salle d’équipage de Ryanair à l’aéroport, estiment que la compagnie low cost contourne le droit social français. Avec quatre avions stationnés sur le tarmac de Marseille-Provence de fin mars à fin octobre nécessitant au moins quarante-huit navigants par jour – majoritairement hébergés dans un camping de Vitrolles –, Ryanair exercerait une activité stable et continue, ce qui aurait dû la conduire à considérer son site de Marignane comme une véritable base d’exploitation et donc à s’inscrire au registre de commerce des sociétés en tant qu’établissement.
Une analyse que la compagnie a toujours contestée, affirmant que ses pilotes et hôtesses, salariés irlandais bénéficiant de la couverture sociale irlandaise, sont simplement « détachés » à Marseille. La base serait donc uniquement opérationnelle, où rien ne se déciderait et qui ne servirait qu’à l’embarquement et au débarquement des passagers.
Des pilotes « autoentrepreneurs »
Comme la première fois, l’enquête en cours dévoile la complexité de l’emploi au sein de la compagnie. Les hôtesses et stewards sont majoritairement embauchés par les sociétés Crewlink et Workforce pour le compte de Ryanair. Quant à la majorité des pilotes, assimilés à des « autoentrepreneurs », ils se doivent d’être gérants d’une société irlandaise qui contracte ensuite avec Brookfield Aviation International Ltd, société qualifiée « d’intermédiaire », pour être mis à la disposition de la compagnie.
L’un des pilotes auditionnés par les gendarmes a ainsi déclaré : « Brookfield m’a demandé de créer ma société, c’était la condition pour travailler pour Ryanair. Je n’ai jamais vu le siège de ma société, je ne connais pas les statuts de ma société. »
Ryanair effectuait environ 5 000 rotations à Marseille en 2013 et son activité représente 80 % du trafic du terminal low cost MP2 de l’aéroport. S’intéressant aux relations de la compagnie avec la chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence, les enquêteurs ont calculé que, au titre du contrat publicitaire les liant, l’institution aurait, de 2011 à 2014, versé 5,5 millions d’euros à AMS, filiale à 100 % de Ryanair.
Vecteur du développement touristique, Ryanair reste le bienvenu à Marseille. Son numéro deux, Michael Cawley, avait reçu la médaille de citoyen d’honneur de la ville en octobre 2013, provoquant l’ire du Syndicat national des pilotes de ligne, qui y voyait « la caution des agissements illégaux et l’encouragement à la spoliation des systèmes sociaux français ». Pour la période visée par l’enquête, la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile évalue son préjudice à 4,26 millions d’euros et l’Urssaf à plus de 6,8 millions.