La mosquée aux « deux visages » de Stains restera fermée
La mosquée aux « deux visages » de Stains restera fermée
Par Elise Vincent
Considérée comme un lieu de « polarisation » de la mouvance djihadiste par les services de renseignement, la mosquée Al- Rawda n’a pas été jugée apte, en l’état, d’empêcher le retour de ce type de fidèles dans ses murs.
La mosquée Al-Rawda. | FLORIAN NIGET / MAXPPP
La mosquée de Stains (Seine-Saint-Denis), fermée en novembre 2016 dans le cadre de l’état d’urgence, pour avoir été repérée comme le dernier lieu de prière avant le départ pour le djihad de plusieurs Français ayant rejoint les hauts rangs de l’organisation Etat islamique (EI), dont Adrien Guihal, restera close. C’est ce qu’a finalement tranché le Conseil d’Etat, vendredi 20 janvier, au terme d’un périple devant les juridictions administratives mené par son président, Salih Attia, par ailleurs figure francilienne du dialogue interreligieux.
Considérée comme un lieu de « polarisation » de la mouvance djihadiste par les services de renseignement, la mosquée Al- Rawda n’a pas été jugée apte, en l’état, d’empêcher le retour de ce type de fidèles dans ses murs : « On ne peut aujourd’hui être certain que le risque de la fréquentation de cette mosquée par la mouvance salafiste a disparu », a écrit dans un communiqué la plus haute juridiction administrative, sans distinguer salafisme et djihadisme, comme le font d’ordinaire tous les experts de l’islam « radical ».
Lors de la décision de fermeture d’Al-Rawda, la mosquée avait effectivement pour imam principal un jeune homme de 30 ans, Hatim Roinzo, proche de la mouvance salafiste. D’après diverses notes des services de renseignement, il incitait au djihad « en aparté », ou appelait à faire des « douas » (invocations) pour les « frères syriens », considérés comme des allusions aux combattants de l’EI. Chose dont Salih Attia assurait cependant ne pas être au courant.
Surveiller les « expressions de la radicalité »
Très ennuyé par cette affaire venant percuter un parcours de « self-made-man » engagé, M. Attia, 57 ans, avait réussi à s’entourer de soutiens de poids dans son combat pour la réouverture de sa mosquée. D’abord celui du médiatique imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, héraut d’un islam « modéré » et « éclairé ». Ensuite celui de M’hammed Henniche, secrétaire général de la puissante Union des associations musulmanes de la Seine-Saint-Denis (UAM 93) et fin connaisseur des arcanes de l’islam de France. Conseillé par ailleurs par le cabinet de William Bourdon, et plus particulièrement par l’un de ses avocats, Me Vincent Brenghart, le président de la mosquée Al-Rawda avait, en dernier recours, et à la demande du Conseil d’Etat, tenté d’apporter des garanties pouvant permettre une réouverture rapide.
Lors d’un conseil d’administration extraordinaire, le 15 janvier, l’association cultuelle avait notamment acté le départ de son ancien imam Hatim Roinzo, tout en confirmant le recrutement de deux nouveaux imams « républicains » incarnant un « islam modéré », curriculum vitae et coupures de presse à l’appui. Elle avait aussi dit avoir demandé l’installation de caméras de surveillance à ses abords. Elle s’était enfin engagée à mettre en place dans un délai « d’un mois » toute une « équipe de vigilance » avec pour mission de surveiller les « expressions de la radicalité ». Des pas inédits dans une affaire qui l’était tout autant.
Mais ces décisions n’ont toutefois pas suffi à convaincre le Conseil d’Etat. « Ces mesures n’ont été prises que très récemment et ne sont pas encore toutes mises en œuvre », a estimé la juridiction administrative, laissant toutefois ouverte la porte à une réouverture ultérieure, « si elles sont suivies d’effet ». En l’état, il n’y a pas d’atteinte à la liberté de culte, a en outre considéré le Conseil d’Etat, deux autres mosquées existant par ailleurs dans la ville de Stains ou plus loin en région parisienne.
Un recours au fond est toutefois en cours devant le tribunal administratif de Montreuil. Et il reste toujours la possibilité pour l’association de la mosquée Al-Rawda dite « centre culturel franco-égyptien – L’association Maison d’Egypte » de demander l’abrogation de la fermeture du lieu de culte dans le cadre d’un recours gracieux.