Vivarte : chronique d’un démantèlement annoncé
Vivarte : chronique d’un démantèlement annoncé
Par Caroline Rousseau
Le groupe français, spécialisé dans le prêt-à-porter et les chaussures, doit présenter lundi son plan d’action pour redresser sa situation financière critique.
Des salariés de Vivarte manifestent devant le ministère de l’économie, à Paris, le 5 janvier. | GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
Ce lundi 23 janvier, les syndicats et représentants du personnel de Vivarte (La Halle aux chaussures, La Halle aux vêtements, André, Minelli, Naf Naf, San Marina, Caroll…) ont appelé les salariés à un rassemblement, à 8 h 30 et à 13 h 30, devant le siège du groupe d’habillement français, 28, rue de Flandre à Paris.
Le jour même, à 14 heures, un comité de groupe doit permettre au président-directeur général Patrick Puy de présenter un plan d’action pour enrayer la descente aux enfers que vit Vivarte, plombé par une dette de 1,3 milliard d’euros. Les motifs d’espoir semblent bien minces.
Au départ, ce comité devait clarifier un certain nombre de points concernant la fermeture de 132 magasins La Halle aux chaussures, confirmée mi-novembre, et révéler le nom de potentiels repreneurs pour Kookaï, Chevignon et Pataugas récemment mis en vente. Mais le tableau s’est encore assombri il y a une dizaine de jours quand La Halle aux vêtements, André et Vivarte Services ont aussi été convoqués en comité central d’entreprise et CE extraordinaire, mardi 24 et mercredi 25 janvier.
« Tous ces comités, prévus sur deux jours, préfigurent l’annonce d’un plan de sauvegarde de l’emploi que l’on pense massif », résume Jean-Louis Alfred de la CDFT. « En 2016 : 2 000 emplois supprimés et des marques vendues. En 2017 : vente d’autres marques avec nouveau PSE [plan de sauvegarde de l’emploi] qui promet de supprimer encore 2 000 emplois », résumait la CFDT dans ses appels à la mobilisation.
- La Halle aux chaussures pourrait fermer de nouveaux magasins
Les principales craintes concernent La Halle aux chaussures, dont les 680 magasins emploient 3 900 salariés, car la cession confirmée en novembre de 132 magasins pourrait bien être revue à la hausse. Les syndicats les plus « optimistes » parlent de 150 magasins et les plus pessimistes de 200 ou plus.
Pour Michel Peyraga, de la CFTC, environ 400 emplois seraient menacés. Quant à l’avenir des 132 boutiques en vente, pour l’instant rien ne semble se dessiner. « Seulement 18 auraient suscité un intérêt de la part de potentiels repreneurs, mais sans aucun engagement à ce jour », souligne Karim Cheboub, de la CGT.
- Nouvelle restructuration en vue pour La Halle aux vêtements
Tous s’inquiètent aussi pour La Halle aux vêtements (480 magasins et 4 100 salariés) qui a déjà subi une lourde restructuration. La convocation d’un CCE, mardi 24 janvier, a été reçue comme un choc, car « après la perte de 250 magasins et de 1 500 salariés sur 2015 et 2016, on ne pensait pas que les nouvelles annonces concerneraient La Halle aux vêtements », poursuit M. Cheboub.
Patrick Puy pourrait aussi décider de fusionner ou au moins renforcer les synergies entre les deux Halles (aux vêtements et aux chaussures), ce qui aurait des conséquences sur les fonctions support (Vivarte Services emploie 220 personnes) et sur la logistique. Les emplois administratifs en doublon seraient supprimés et « sans Pataugas, Chevignon et Kookaï et avec une baisse d’activité conséquente aux fermetures de La Halle, il y aura moins de brassage au niveau du dépôt, moins de besoins en termes de manutention », précise Michel Peyraga.
- Une cession d’André probable
Enfin, le cas d’André (750 salariés) émeut le personnel du groupe : celui-ci portait d’ailleurs le nom de l’enseigne avant de prendre celui de Vivarte, en 2001. Le 4 janvier, Europe 1 a fait savoir que la cession de l’enseigne emblématique serait annoncée à la fin du mois. L’information, démentie alors par la direction de Vivarte, semble de plus en plus probable d’autant que vendredi 20 janvier, le nom de Christopher Descours, à la tête du groupe EPI, propriétaire de J. M. Weston et petit-fils de Jean-Louis Descours, président d’André de 1960 à 1996, était évoqué comme éventuel repreneur par plusieurs syndicats.
- Que resterait-il du groupe après ces cessions et restructurations en rafale ?
Une Halle unique amaigrie, Minelli, San Marina, Naf Naf et Caroll. La nomination de Sandrine Lilienfeld à la tête de l’enseigne Caroll interroge aussi les observateurs. Le retour dans le groupe de l’ancienne présidente de Naf Naf, passée chez Gérard Darel (placé en redressement judiciaire en 2015), fait planer le doute sur les intentions de la direction concernant l’une de ses seules enseignes à avoir réussi à rajeunir son image et son offre pour attirer une nouvelle clientèle de quadras.
- Que faire des 44 millions d’aides versées au titre du CICE ?
Dans ce contexte pour le moins complexe, les syndicats – qui s’attendent à un démantèlement du groupe – ont préparé un plan alternatif à celui de Patrick Puy et entendent bien le présenter cet après-midi, si le président de Vivarte confirme leurs craintes. Même si leur dernier rendez-vous à Bercy, mi-janvier, n’a rien donné de convaincant, ils comptent aussi surfer jusqu’au bout sur la période électorale qui leur semble favorable : les politiques vont devoir prendre position, espèrent-ils, devant l’ampleur de la casse sociale planifiée par un groupe qui aurait, en plus, touché 44 millions d’euros de l’Etat depuis 2014, dont 14 en 2016, au titre du Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE).