Malgré le Brexit, le Royaume-Uni affiche la plus forte croissance du G7
Malgré le Brexit, le Royaume-Uni affiche la plus forte croissance du G7
LE MONDE ECONOMIE
La croissance britannique au quatrième trimestre a été de 0,6 %, portant la hausse du PIB en 2016 à 2 %.
File d’attente devant un magasin Harrods, à Londres. Au quatrième trimestre 2016, le secteur de la distribution, de l’hôtellerie et des restaurants a progressé de 1,7 %. | CARL COURT / AFP
L’économie britannique continue à surprendre par sa robustesse. La croissance au quatrième trimestre 2016 a une nouvelle fois dépassé la plupart des prévisions, pour atteindre 0,6 %, selon la première estimation du Bureau britannique des statistiques (ONS), publiée jeudi 26 janvier. Ce rythme de progression, identique à celui des deuxième et troisième trimestres, confirme que le vote en faveur du Brexit n’a eu pour l’instant aucun effet économique majeur. « La croissance est indifférente aux risques politiques », constatent dans une note les économistes de Barclays. Ce nouveau chiffre porte la hausse du produit intérieur brut (PIB) à 2 % sur l’ensemble de l’année. Le Royaume-Uni affiche ainsi, en 2016, la croissance la plus forte des pays du G7.
- La consommation en pleine forme
La principale explication de la bonne forme économique du Royaume-Uni est la consommation. Les ménages ont continué à dépenser, réduisant leur niveau d’épargne et recourant aux cartes de crédit et aux prêts à la consommation. Comme l’a reconnu récemment l’économiste en chef de la Banque d’Angleterre, les économistes se sont trompés au moins sur un point de leurs prévisions : le vote en faveur du Brexit n’a pas provoqué de réflexe de peur chez les consommateurs. Au quatrième trimestre, le secteur de la distribution, de l’hôtellerie et des restaurants a augmenté de 1,7 %. En clair, les Britanniques ont célébré Noël et les fêtes de fin d’année sans retenue.
Cette confiance des ménages est assez logique. La majorité d’entre eux a voté en faveur du retrait de l’Union européenne (UE) ; ils ont obtenu ce qu’ils souhaitaient, soulevant au passage un vent de patriotisme sur fond de discours du nouveau gouvernement promettant un avenir radieux. De plus, le Brexit n’a pas encore eu lieu et l’article 50 du traité de Lisbonne, qui doit lancer le début du processus de retrait de l’UE, n’a pas encore été invoqué.
En revanche, la production industrielle au quatrième trimestre a stagné (+ 0,1 %), ainsi que le secteur de la construction (+ 0,1 %).
- Les difficultés simplement repoussées ?
La question est désormais de savoir si les éventuelles difficultés liées au Brexit n’ont été que repoussées ou si elles n’auront pas lieu. Le large consensus des économistes, mais aussi du patronat et de tous les lobbies industriels britanniques, est que l’année 2017 sera beaucoup plus délicate. Les prévisions de croissance oscillent entre 1,2 % et 1,6 %.
Même le CBI, la principale organisation patronale, qui aurait des raisons d’afficher sa sérénité, se montre inquiet. « En 2017, on va voir les difficultés s’accumuler », estime Rain Newton-Smith, son économiste en chef.
Le premier problème vient de l’inflation, qui est en nette hausse. Elle était de 0,6 % en juin, au moment du vote pour le Brexit. En décembre, elle atteignait 1,6 % et devrait dépasser 3 % cette année.
La hausse des prix est la conséquence logique de la dévaluation de 20 % de la livre sterling depuis le vote. Mécaniquement, la baisse de la devise renchérit les prix à l’importation et donc la plupart des biens de consommation, alors que les salaires des ménages augmentent faiblement. « L’essor de la consommation va progressivement s’arrêter », estime Nina Skero, économiste au Centre for Economics and Business Research.
Quelques premiers signes de ralentissement semblent apparaître. En décembre, la consommation a baissé de 1,9 % par rapport au mois précédent. Sur un an, elle reste très solide, en hausse de 4,3 %. Mais l’étonnante dynamique des mois précédents est-elle cassée ?
- Le paradoxe de l’automobile
Outre l’inflation, l’autre inquiétude concerne le ralentissement des investissements. Les entreprises qui ont des liens commerciaux avec l’UE sont inquiètes : y aura-t-il des droits de douane ? Des complications administratives ? En l’absence de réponse, certaines préfèrent patienter.
Le secteur de l’automobile présente de ce point de vue un paradoxe intéressant. L’année 2016 a été excellente. La production est à son plus haut niveau depuis dix-sept ans, avec 1,7 million de véhicules fabriqués au Royaume-Uni, dont la moitié est exportée vers l’UE.
Désormais, les grands groupes automobiles ont largement suspendu leurs investissements. Selon la Society of Motor Manufacturers and Traders (SMMT), le lobby du secteur, ils ont investi 2 milliards d’euros en 2016, un tiers de moins qu’en 2015 et deux tiers de moins qu’en 2014. « Je crois que les entreprises patientent, en attendant d’y voir plus clair », reconnaît Mike Hawes, le directeur du SMMT.
Cet attentisme ne se traduit pour l’instant pas dans les chiffres macroéconomiques. Mais si les négociations sur le Brexit se passent mal, la dure réalité finira pas se sentir sur le terrain. Inversement, si un accord de libre-échange est trouvé avec l’UE, ces investissements repoussés devraient se matérialiser et la croissance du secteur pourrait reprendre. Pour le savoir, il faudra attendre au moins deux ans, le temps prévu pour les négociations.