On a testé… « Resident Evil 7 », le jeu où l’homme est un zombie pour l’homme
On a testé… « Resident Evil 7 », le jeu où l’homme est un zombie pour l’homme
Par Corentin Lamy
Pour mieux se réinventer, la vieille série « Resident Evil » est allée chercher l’inspiration du côté des petites productions. Comme un relent de série B qui lui va bien.
La famille Baker, l’un des ennemis les plus redoutables de la série « Resident Evil » | Capcom
C’est l’histoire d’une série en panne d’inspiration, guettée par la ringardisation. Une chute d’autant plus rude qu’en son temps, cette même série a révolutionné coup sur coup le jeu d’horreur (Resident Evil, 1996) et le jeu d’action (Resident Evil 4, 2005). Depuis, c’est le déclin, inéluctable, jusqu’au médiocre Resident Evil 6 (2012) et le funeste Umbrella Corps (2016).
S’il ne voulait pas voir sa série culte sombrer définitivement dans les oubliettes de l’histoire vidéoludique, le Japonais Capcom devait donc renverser la table. C’est la lourde mission de Resident Evil 7, sorti mardi 24 janvier sur PC, PlayStation 4 et Xbox One.
Enfermé dans un manoir de Louisiane délabré, notre héros, lancé à la recherche de sa femme, n’a d’autre choix que de s’enfoncer, toujours plus profondément, dans une demeure où les fenêtres se font rares et les ampoules faiblardes.
On s’en doute, les propriétaires des lieux cachent du fond de son bayou peu amène un lourd secret. Oubliez les complots pompiers des autres épisodes de la série : on est ici plus proche de l’ambiance décadente de Massacre à la Tronçonneuse ou d’une relecture gore de Délivrance.
Régime sec
Mais ce n’est pas tout - sinon ce ne serait pas grand-chose. Pour ces nouvelles aventures, les équipes de Capcom ont en effet commis l’impensable : alors que Resident Evil n’avait jamais été aussi passionnant que lorsqu’il était innovant, pour la première fois, la série va se réinventer… en allant piquer ses idées ailleurs.
En l’occurrence, du côté des développeurs indépendants, artisans solitaires du jeu vidéo, obligés de compenser leur manque de moyen par leur inventivité. Comme si le géant Capcom, pour se débarrasser des boursouflures accumulées le long d’une dizaine d’épisodes et « spin-of » f, avait dû se mettre à la diète.
Ça fait longtemps que les petites productions, obligées d’y aller à l’économie, l’ont compris : le moyen le plus facile de faire peur, c’est de plonger le joueur dans la peau du personnage. Pour ça, le jeu vidéo peut compter sur un outil narratif incroyablement pratique : la vue subjective. En faisant voir le joueur par les yeux du héros, les développeurs brouillent la distinction entre les deux, quitte à faire craindre véritablement, l’espace d’un instant un peu naïf, pour sa vie.
C’est ce que le jeu vidéo d’horreur fauché fait depuis Penumbra (2007) et répète à l’infini, de Slender à Outlast en passant bien sûr par Amnesia. Resident Evil 7 en reprend le dispositif avec davantage de moyens, donnant à l’entreprise une gueule de jeu fauché de luxe, de série B à gros budget.
Le manoir de « Resident Evil 7 » n’est peut-être pas le même que celui du premier épisode, mais il ne cache pas moins de secrets. | Capcom
Quand les développeurs trichent
Ce n’était pas gagné d’avance, mais ce parti pris va plutôt bien à Resident Evil. Plongé dans ce manoir franchement inquiétant, on ne peut pas s’empêcher de n’avancer que pas à pas, de se retourner tous les trois mètres, de jeter un coup d’œil prudent à chaque coin de couloir, de pousser lentement chaque porte, en prenant le soin de vérifier, par son entrebâillement, qu’aucune créature hostile n’attend de l’autre côté.
En vain : la plupart du temps dans Resident Evil 7, le danger est programmé pour tomber sur le joueur depuis un trou inaccessible, depuis une porte jusqu’ici condamnée. Il ne sert en fait à rien d’être prudent, car l’ennemi vous aura quand même, au moment où les développeurs l’ont décidé. Capcom triche, mais le joueur est son complice : c’est parce qu’il s’est trop pris au jeu que la pression s’installe, jusqu’à l’intolérable.
On pourrait refuser de jouer le jeu. Se mettre à traverser le manoir au pas de course, la fleur au fusil, et refuser de s’attarder devant chacune de ses attractions horrifiques. Sauf que, en rendant le joueur captif d’un corps (d’ailleurs assez lourdaud) et d’yeux qui ne sont pas les siens, Capcom lui interdit de trop se détacher d’une aventure qui va du coup prendre des allures de descente aux enfers.
Une idée quasi inédite
Au-delà de ce surprenant revirement formel, il faut reconnaître que Resident Evil reste sur ses acquis. On retrouve donc un manoir qui rappelle nécessairement celui du premier épisode (ainsi que celui, avant ça, du précurseur Alone in the Dark), des enfilades de portes verrouillées ainsi que ses tas de clés dispersées en dépit du bon sens. Chacune d’entre elles se mérite, et ne se décroche généralement qu’à l’issue d’une éprouvante rencontre avec une apparition aussi létale qu’insaisissable.
Un mot au sujet de ces apparitions. Et un regret. Celui que Resident Evil 7 ne soit pas allé jusqu’au bout de sa meilleure idée. En confrontant le joueur à une famille américaine dégénérée plutôt qu’à de vieux zombies has-been, Capcom fait au départ mine de s’engager sur un chemin trop rarement foulé par le jeu vidéo d’horreur : et si le monstre véritable, c’était l’Homme ?
Malheureusement, cette hypothèse, quasi inédite dans un jeu du genre, est vite désamorcée. Si voir son ravisseur continuer sa traque sans relâche, malgré les coups, les balles, les brûlures, a d’abord quelque chose de cauchemardesque, bientôt, son acharnement confine au Grand-Guignol. D’autant que le bestiaire va de plus en plus ouvertement assumer ses inspirations fantastiques.
Les poches remplies à ras bord d’armes et de munitions, confronté à des ennemis de plus en plus grotesques, le joueur, qui se confondait jusqu’ici à son avatar, va forcément finir par s’en détacher. Et se rappeler qu’il n’est pas dans un cauchemar, mais seulement devant un excellent jeu.
Si les premières armes sont rares et précieuses, elles deviennent rapidement monnaie courante. | Capcom
En bref
On a aimé :
- L’univers malsain, moins surnaturel qu’à l’accoutumée
- Réussir à faire peur à nouveau, en changeant uniquement la position de la caméra
- La compatibilité PSVR (mais soyons honnêtes, qui voudrait jouer en réalité virtuelle à ça ?)
On n’a pas aimé :
- Le fait que Capcom n’aille pas au bout de son idée : un jeu sans monstres et, pourquoi pas, sans armes
- Être obligé de jouer en écoutant Big Bisous et Tata Yoyo très fort pour ne pas avoir trop peur
- Sur PC, les soucis de compatibilité avec certains processeurs AMD
C’est plutôt pour vous si…
- Vous avez ri en voyant Blair Witch
- Vous avez pouffé devant Paranormal Activity
- Vous avez baillé devant Freddy 12
Ce n’est plutôt pas pour vous si…
- Vous avez désinstallé Aliens : Colonial Marines
- Vous avez pleuré en lisant Chair de Poule
- Vous avez fait des cauchemars après les Visiteurs 3
La note de Pixels :
12 litres d’hémoglobine/5