Les Etats-Unis mènent un raid au sol contre Al-Qaida au Yémen
Les Etats-Unis mènent un raid au sol contre Al-Qaida au Yémen
Par Louis Imbert
Préparée sous la présidence de Barack Obama, l’opération antiterroriste est la première ordonnée par Donald Trump.
Une mine explose alors que des forces loyalistes yéménites patrouillent une zone près de la ville portuaire de Mocha, dans la mer Rouge, le 20 janvier. | SALEH AL-OBEIDI/AFP
Une rare opération commando menée par les forces spéciales américaines contre Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA), la branche de l’organisation terroriste au Yémen, a eu lieu dans la nuit du samedi 28 au dimanche 29 janvier. Elle s’est soldée par la mort de près de 30 personnes, dont des femmes et des enfants, selon Al-Qaida ainsi que des sources médicales locales citées par l’agence Reuters.
Un membre des Navy Seals a été tué dans l’opération, menée dans un village reculé de la province d’Al-Baida, au centre du pays. Trois autres ont été blessés dans l’« atterrissage difficile » d’un avion-hélicoptère MV-22 Osprey. Quatorze membres d’Al-Qaida ont été tués, selon l’armée américaine. Des combattantes américaines se seraient déployées durant l’assaut sur des « positions préétablies », selon le Pentagone, qui a déclaré évaluer la possibilité que l’assaut ait fait des victimes civiles.
Cet assaut avait été validé par le président Donald Trump dans les jours ayant suivi sa prise de fonctions, le 20 janvier. Les Etats-Unis frappent AQPA depuis novembre 2002 au Yémen par les airs, essentiellement par drones. Des opérations au sol ponctuelles visant à libérer des otages ont également eu lieu en novembre et en décembre 2014, la dernière s’étant soldée par la mort de deux détenus américain et sud-africain.
Des experts s’attendent à une hausse des opérations antiterroristes américaines au Yémen sous le mandat de M. Trump, et un possible assouplissement des règles d’engagement qui les encadrent, notamment afin de limiter les morts civiles. Barack Obama avait renforcé ces règles par décret en juillet 2016.
Au moment de l’attaque, samedi soir à Washington, M. Trump signait un décret ordonnant au secrétaire à la défense, James Mattis, de mettre au point dans les trente jours une stratégie plus agressive « pour vaincre » l’organisation Etat islamique (EI), rivale d’Al-Qaida également présente au Yémen.
M. Trump a déploré, dimanche, la mort d’un membre du commando, tout en louant « un raid réussi » qui aura fourni « d’importants renseignements qui aideront les Etats-Unis à prévenir des actes terroristes contre les citoyens américains et par le monde ».
Une opération planifiée depuis plusieurs mois
L’opération visait à saisir des documents et du matériel informatique pouvant contenir des informations sur les djihadistes au Yémen et sur de futures attaques terroristes, selon le Pentagone. Elle avait été planifiée durant plusieurs mois, selon des sources officielles citées anonymement par le New York Times. Des responsables de l’administration Obama avaient évalué l’opportunité du raid. La décision avait finalement été laissée à l’administration Trump.
La zone où l’intervention américaine a eu lieu est profondément hostile, note Adam Baron, chercheur associé au Conseil européen des relations internationales : une poche rurale, montagnarde et tribale où Al-Qaida est fortement implanté, au sein d’une région largement dominée par la rébellion houthiste, d’obédience chiite. Cette dernière s’est emparée de la capitale yéménite, Sanaa, en septembre 2014, et contrôle une large part du nord du pays et de la côte de la mer Rouge. Une coalition menée par l’Arabie saoudite est entrée en guerre contre les houthistes en mars 2015, avec le soutien logistique et en matière de renseignement des Etats-Unis.
Les combattants locaux liés à AQPA « sont principalement occupés à lutter contre les houthistes dans la région. Ils sont considérés par les partisans du gouvernement d’Abd Rabo Mansour Hadi [en exil à Riyad et en lutte contre les rebelles houthistes], comme poursuivant des objectifs plus locaux qu’internationaux », relève le chercheur.
L’attaque, appuyée par des hélicoptères de combat et des drones Reaper, paraît avoir visé l’entourage d’un haut responsable supposé d’Al-Qaida au Yémen, Abdulrauf Al-Dahab. L’homme aurait déjà été visé par le passé et aurait succombé dans cette attaque. Son beau-frère, le prédicateur américano-yéménite Anouar Al-Awlaqi, avait été tué par une frappe de drone de la CIA en novembre 2011. Une fille du prédicateur, âgée de 8 ans, Nora, a succombé dimanche à une blessure au cou, selon son grand-père, Nasser Al-Awlaqi. Selon un responsable yéménite, les frappes ont touché une école, un dispensaire et une mosquée.
A Al-Baida, les Etats-Unis relancent leurs frappes contre l’organisation depuis un mois. AQPA demeure également très présente dans la province voisine de Chabwa, où deux autres djihadistes présumés ont été tués, lundi 30 janvier, dans une nouvelle frappe attribuée aux Etats-Unis.