Des soldats de l’opération Sentinelle à l’extérieur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, en décembre 2015. | KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Les forces de l’ordre, policiers ou militaires, font partie des cibles les plus fréquemment désignées par la propagande de l’organisation Etat islamique (EI). Plus faciles à justifier que le meurtre de civils auprès des djihadistes les moins fanatisés, elles incarnent l’Etat français à la fois comme symbole et en tant que membre de la coalition militaire qui bombarde les positions de l’EI en Irak et en Syrie.

Entre les meurtres de militaires commis par Mohamed Merah, en 2012, et l’agression à l’arme blanche contre un soldat de l’opération Sentinelle, vendredi 3 février, au Carrousel du Louvre à Paris, huit attaques ou projets d’attaques ont visé spécifiquement les forces de l’ordre. Deux policiers, Ahmed Merabet et Clarissa Jean-Philippe, ont également été tués les 7 et 8 janvier 2015 par les frères Kouachi et Amedy Coulibaly, mais ils ne constituaient vraisemblablement pas la première cible des terroristes.

Sur ces huit attaques ciblées, sept ont déclenché l’ouverture d’une enquête pour « terrorisme » par le parquet de Paris. Deux sont restées à l’état de projet, les suspects ayant été interpellés avant de passer à l’acte. Trois se sont soldées par la mort de leur auteur, abattu par la police. Deux agresseurs, arrêtés vivants, ont été mis en examen pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste dont l’un, Alexandre Dhaussy, sera finalement déclaré irresponsable pénalement.

  • 25 mai 2013 : Alexandre Dhaussy

La première attaque visant un militaire depuis Mohamed Merah a été commise par un jeune converti de 22 ans issu de la classe moyenne : Alexandre Dhaussy poignarde un militaire à La Défense, à Paris. La victime s’en sort avec quelques points de suture. Trois jours auparavant, une attaque sanglante à la machette avait coûté la vie à un soldat britannique à Londres.

Le contexte de cette attaque, le discours empreint de religiosité de son auteur ainsi que sa cible incite la section antiterroriste du parquet de Paris à se saisir de l’enquête. Mais le jeune homme sera finalement déclaré pénalement irresponsable, le 5 novembre 2015, par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris en raison de ses « importants troubles psychiques ».

  • 20 décembre 2014 : Bertrand Nzohabonayo

Né au Burundi dans une famille catholique, Bertrand Nzohabonayo, surnommé « Bilal » depuis sa conversion à l’islam, est abattu devant le commissariat de Joué-lès-Tours ((Indre-et-Loire) par des policiers qu’il vient d’agresser au couteau de cuisine. Malgré une rumeur persistante dans le quartier faisant état d’une bavure policière, le parquet antiterroriste de Paris se saisira de l’enquête.

  • 3 février 2015 : Moussa Coulibaly

Originaire de Mantes-la-Jolie (Yvelines), Moussa Coulibaly, 30 ans, agresse au couteau trois militaires en faction devant un centre communautaire juif de Nice. Aussitôt arrêté, il exprime en garde à vue sa haine des militaires et des juifs.

« C’est une agression d’une gravité relative, mais elle est révélatrice d’un climat, confie le jour des faits au Monde un conseiller de Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’intérieur. Un type un peu paumé, difficile à détecter, qui passe subitement à l’acte. On s’attend à ce que ce phénomène se répète. »

  • 17 juillet 2015 : le projet Fort Béar

Trois jeunes âgés de 17 à 23 ans sont mis en examen, soupçonnés d’avoir voulu attaquer le sémaphore du fort Béar, un camp militaire de Port-Vendres (Pyrénées-Orientales). Originaires de différentes régions – Valenciennes, Marseille et les Yvelines –, ils s’étaient rencontrés sur les réseaux sociaux et projetaient de rejoindre les rangs de l’EI. Le plus jeune étant visé par une opposition de sortie du territoire, ils avaient finalement formulé le projet, encore un peu flou, d’attaquer cette base dans laquelle avait servi le plus âgé des trois.

  • 1er janvier 2016 : une voiture bélier devant la mosquée

Un homme de 29 ans, originaire de Bron, dans la banlieue lyonnaise, fonce en voiture sur quatre militaires postés devant la mosquée de Valence (Drôme). Le véhicule revient à la charge, incitant les militaires à ouvrir le feu, blessant grièvement le conducteur au bras et à la jambe. C’est la première fois, avant l’attaque du Carrousel du Louvre, que des soldats de l’opération Sentinelle font usage de leur arme.

C’est également la seule de ces huit attaques à n’avoir pas entraîné l’ouverture d’une enquête pour « terrorisme ». L’homme avait en effet tenu des propos « confus » aux secouristes, déclarant qu’il souhaitait « se faire tuer par des militaires et tuer des militaires », avait rapporté le parquet de Valence. Inconnu des services de renseignement, l’homme n’avait pas de « lien particulier » avec la mouvance islamique. Il avait été mis en examen pour tentatives d’homicide volontaire sur personnes dépositaires de l’autorité publique.

  • 7 janvier 2016 : l’assaillant du commissariat

Un homme est abattu par les policiers alors qu’il tente d’entrer dans un commissariat de police du quartier de Barbès, dans le 18e arrondissement de Paris, en brandissant une arme blanche. L’enquête finira par identifier l’agresseur comme étant Tarek Belgacem, un ressortissant tunisien enregistré sous différentes identités dans sept pays européens, dont l’Allemagne où il avait déposé plusieurs demandes d’asile.

Sur son cadavre, les policiers découvrent un dispositif explosif factice, un papier sur lequel était griffonné le drapeau de l’EI et une revendication en langue arabe justifiant son acte par les « attaques en Syrie ». En raison de ces éléments, et malgré l’absence de liens établis avec la mouvance djihadiste, la section antiterroriste du parquet de Paris s’est saisie de l’enquête.

  • 13 juin 2016 : Larossi Abballa, tueur de flics

Larossi Abballa assassine à coups de couteau un policier, Jean-Baptiste Salvaing, devant son pavillon de Magnanville (Yvelines), et égorge sa compagne, Jessica Schneider, agent administratif dans un commissariat. Retranché dans leur maison, il a ensuite été abattu par le Raid après avoir revendiqué son acte au nom de l’EI sur les réseaux sociaux.

  • 20 novembre 2016 : un projet d’attentat contre la DGSI

Quatre amis strasbourgeois et un Marocain sont interpellés dans le cadre d’un projet d’attentat. Les cibles sont encore floues, mais certains suspects évoquent en garde à vue des militaires, le siège de la Direction générale de la sûreté intérieure ou encore la Direction régionale de la police judiciaire à Paris.

Un de leurs commanditaires, le djihadiste français Nil Shewil, a lui-même été condamné en 2015 pour avoir posté sur Facebook en juin 2013 le photomontage d’un soldat patrouillant sous la tour Eiffel, un objet ensanglanté planté dans le cou. Des commentaires appelant au « djihad individuel » théorisaient, déjà, les attaques visant des militaires : « Le djihad individuel épuise l’ennemi, frappe son économie et le punit pour ses actions. Et le budget militaire (qui est déjà presque en miettes) sera utilisé pour la défense de son territoire. »