Dans l’arrière-salle d’un café de Moscou, habituellement fréquenté par les amateurs de foot ou de hockey, un écran géant a attiré, samedi 4 février, un tout autre public. Les expatriés français partisans d’Emmanuel Macron ont tenu leur première réunion publique dans la capitale. Tendue entre quatre montants métalliques, une grande bâche barrée du nom du mouvement du candidat à l’élection présidentielle française, En marche !, annonçait la couleur, devant une petite pile de t-shirts frappés au même nom. Mêlés dans la salle, déçus de François Hollande et de Nicolas Sarkozy se sont retrouvés.

Parmi la vingtaine de personnes rassemblées, Nicolas Megrelis s’affiche comme l’organisateur de la réunion. Délégué UMP depuis 2011, soutien affiché de Nicolas Sarkozy, cet entrepreneur bien connu des expatriés français, installé depuis vingt-trois ans en Russie – il possède notamment les magasins sous franchise Au nom de la rose – a surpris en ralliant avec armes et bagages Emmanuel Macron.

Au mois d’août, sans doute aussi un peu poussé vers la sortie par les fillonistes, qui ont investi, sous l’influence du député des Français de l’étranger, Thierry Mariani, la section Les Républicains de Russie, il dit avoir rendu sa carte. « La direction prise est trop à droite-droite pour moi, je ne le supportais plus », avance Nicolas Megrelis. « Mais je suis un libéral, précise-t-il, et vous voyez, en bas de l’affiche que j’ai faite, Moscou est en bleu, pas en rouge ».

« Que Fillon reste candidat le plus longtemps possible ! »

Tandis que l’assistance regarde, un peu médusée, la retransmission en direct du meeting d’Emmanuel Macron à Lyon, et les milliers de personnes agglutinées dans les files d’attente, Corinne Jacques cherche à faire partager son enthousiasme. Dirigeante d’entreprise dans le secteur de la parfumerie, elle aussi s’affichait jusqu’ici comme sarkozyste. « J’ai voté pour lui en 2007, en 2012... », acquiesce-t-elle. Désormais, ce sera Macron, qui n’est pas sans lui rappeler le dynamisme du candidat Sarkozy de 2007 et qui, comme lui, a promis de « baisser les charges ».

« Regardez, Macron a plein de jeunes autour de lui, c’est cela qu’il faut pour la France ! », renchérit Nicolas Megrelis. Sans regret, il voit ses anciens codisciples se débattre, atterrés, avec le scandale du « Penelopegate ». « Que Fillon reste candidat le plus longtemps possible, c’est mieux pour nous ! », lance-t-il. Des ministres socialistes en cas de victoire de leur candidat ? « Sarkozy avait bien fait appel à Bernard Kouchner », répond Corinne Jacques, tout en haussant les épaules.

Dans un pays où Vladimir Poutine a marqué sa préférence pour François Fillon en louant publiquement ses qualités et où les médias pro-Kremlin ne cessent de cibler Emmanuel Macron comme le « mauvais » candidat, il faut sans doute une certaine dose de conviction pour s’afficher à contre-courant.

Les socialistes expatriés y sont plus habitués. Mais plusieurs d’entre eux ont également rallié Emmanuel Macron, surtout depuis les résultats de la primaire qui a vu Benoît Hamon s’imposer au détriment de Manuel Valls. D’autres s’interrogent encore. « J’ai voté Valls à la primaire, je suis venue voir... », sourit Frédérique. A Moscou, les déçus des deux camps cohabitent, et parfois se jaugent, tout étonnés eux-mêmes.