« Hamon ne va pas changer de ligne pour faire plaisir à des élus du PS »
Paroles d’électeurs : « Hamon ne va pas changer de ligne pour faire plaisir à des élus du PS »
Par Elvire Camus
A l’heure où les tractations vont bon train pour « rassembler la gauche » en vue de la présidentielle, les électeurs de Benoît Hamon recontactés par « Le Monde », considèrent que ça n’est pas à leur candidat de rassembler la gauche, mais plutôt à la gauche de se rassembler derrière leur candidat.
Benoît Hamon, dans son QG de campagne de la Tour Montparnasse, à Paris, le 2 février 2017. | LEA CRESPI/PASCO POUR "LE MONDE"
Benoît Hamon doit-il défendre le bilan du quinquennat qui s’achève ? « Choisir » entre la ligne de Jean-Luc Mélenchon et celle de l’aile droite du Parti socialiste ? Tendre la main aux élus vallsistes ? Rien de tout cela selon ses électeurs. A la veille de l’investiture du vainqueur de la primaire à gauche, dimanche 5 février à Paris, et alors que les tractations vont bon train au sein des appareils politiques pour « rassembler la gauche » en vue de la présidentielle, ceux qui ont voté pour le député des Yvelines attendent surtout de lui qu’il reste fidèle au programme sur lequel il a été élu.
Les électeurs recontactés par Le Monde en fin de semaine affirment tous que le résultat de la primaire fait de M. Hamon – qui a obtenu plus de 58 % des voix au second tour – le candidat « légitime » de la gauche. Certains s’étonnent d’ailleurs, à l’image d’Elliot Tridon, 24 ans, qu’une partie de sa famille politique lui demande de réviser des aspects de son programme (comme le revenu universel, le 49.3 citoyen ou encore l’abrogation de la loi travail). « A un moment, Benoît Hamon a été élu sur des propositions, il y a des électeurs derrière lui, il ne va pas changer de ligne pour faire plaisir à des élus du PS », lance cet infirmier de Viron (Isère) qui a voté pour M. Hamon aux deux tours de la primaire parce qu’il « rappelle au PS ce que veut dire “socialisme” ». Les électeurs de la primaire qui ont répondu aux questions du Monde considèrent, dans leur grande majorité, que ça n’est pas à leur candidat de rassembler la gauche, mais plutôt à la gauche de se rassembler derrière leur candidat.
Car, au-delà de la personne, ils ont plébiscité un programme, tranché entre « deux gauches irréconciliables », rappelle Michael Nicosia, 45 ans, en allusion à l’expression utilisée par Manuel Valls en février 2016. « La ligne politique du PS devait être clarifiée après ce quinquennat, insiste cet enseignant en classe relais (auprès de collégiens en difficulté). En creux, la question posée avec cette primaire était : “Quelle ligne politique les électeurs de gauche veulent-ils pour l’avenir ?” Ils ont tranché. » Alors les déclarations de certains membres du PS, qui ont fait savoir, dès l’issue de la primaire organisée par leur parti, qu’ils ne feraient pas campagne pour Benoît Hamon en l’état, voire qu’ils soutiendraient Emmanuel Macron fait sourire. « Beaucoup de députés parlent de droit de retrait. Mais est-ce qu’ils seraient prêts à ce que les électeurs exercent un droit de retrait par rapport à leur candidature aux législatives ? », fait mine de s’interroger Henri Lelorrain, ancien élu PS de 41 ans qui a fait campagne pour Benoît Hamon à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), dans la circonscription du ministre de l’intérieur Bruno Le Roux, qui soutenait Manuel Valls.
« Peut-être que ça fera du PS un vrai parti de gauche »
« J’essaie de me mettre à leur place… temporise Florence Chiavassa, militante PS dans le huitième arrondissement de Paris depuis novembre 2016. On ne peut pas obliger quelqu’un à être enthousiaste. Je pense que j’aurais joué le jeu sur le principe, et soutenu le vainqueur si ça avait été Manuel Valls, par contre je ne sais pas si j’aurais pu aller distribuer des tracts », nuance cette ingénieure de 41 ans au Centre national d’études spatiales (CNES). Au sein de sa section, « une majorité » de militants ne feront pas campagne. Pour Luc C., responsable de programmation culturelle à Angers, les défections de certains élus et cadres sont une bonne chose. « Je pense qu’une partie du PS n’a pas grand-chose à faire dans le parti », affirme-t-il, qualifiant d’« erreur d’aiguillage » la présence au PS des fidèles à la ligne de Manuel Valls qui selon lui ont plus en commun avec le centre qu’avec la gauche. « Ça n’est pas plus mal que certains s’en aillent », abonde Elliot Tridon, l’infirmier de Voiron : « Peut-être que ça fera du PS un vrai parti de gauche. »
Comme beaucoup, Luc C., d’Angers, espère qu’il y aura un « vrai ticket commun » avec le candidat d’Europe écologie les Verts, Yannick Jadot « qui pourrait se traduire par exemple par la création d’un poste de vice-premier ministre de l’écologie », avance cet électeur qui a toujours voté « écolo » au premier tour de la présidentielle et s’apprête à déroger à cette règle pour la première fois cette année. Léa Bazin, 24 ans, chargée de mission dans un syndicat de traitement des ordures ménagères, évoque elle aussi « ticket commun : Hamon, Jadot, Mélenchon ». Même si elle n’adhère pas à toutes les idées du candidat de la France insoumise, encore moins à la personnalité de M.Mélenchon, elle estime qu’une alliance entre les trois hommes est la meilleure chance de voir aboutir un projet qui lui correspond.
Droite ou gauche, Florence Chiavassa, la militante parisienne, estime, elle, que le principal est de « tendre la main ». Mais aux électeurs, « pas aux élus ».