La fièvre des diplômes de big data
La fièvre des diplômes de big data
Par Jean-Claude Lewandowski
Les cursus à bac + 5 formant à l’analyse de données massives explosent. Les entreprises sont friandes de profils bien formés avec, si possible, des compétences qui ne soient pas seulement techniques.
ILLUSTRATION : TINO POUR « LE MONDE »
Il est rare qu’un sujet de formation suscite un tel engouement. Dans les universités et les grandes écoles comme auprès des entreprises, c’est un véritable plébiscite en faveur des programmes consacrés au big data. Même la thématique de l’environnement, naguère si prisée, n’avait pas suscité une telle fièvre.
Il est vrai que le thème est porteur. Le maniement et l’exploitation de grandes masses de données offrent en effet des débouchés en nombre : de quoi créer 130 000 emplois en France d’ici à cinq ans, selon une étude récente. Car le big data est aussi une clé d’entrée pour l’Internet des objets, l’intelligence artificielle, la robotique… Sans compter que, comme le souligne Laurent Benazera, directeur du recrutement d’Open, une entreprise de services du numérique, « pour un jeune créatif et doué de capacités d’analyse, le big data donne accès à un large éventail de métiers : le luxe, l’agroalimentaire, l’automobile… ».
Une quarantaine de programmes
« Les diplômés sont très courtisés, ils n’ont pas de difficulté à trouver un emploi, assure Olivier Coone, délégué à la formation de Syntec numérique. D’autant que les profils bien formés restent peu nombreux. Résultat, il n’est pas rare qu’un “data scientist” [expert de la gestion et de l’analyse des données massives] sans expérience gagne 45 000 ou 50 000 euros par an. »
Aussi les formations de haut niveau se sont-elles multipliées ces dernières années. On en dénombre aujourd’hui une bonne quarantaine – en formation initiale ou continue : masters universitaires, mastères spécialisés (MS), Master of Science (MSc), spécialisations de 3e année, et même MBA.
Reste à se repérer dans cette avalanche de programmes. En gros, on peut distinguer trois familles principales.
D’abord, les cursus mis sur pied par des écoles d’ingénieurs ou des universités scientifiques. Rien de surprenant : « L’approche mathématique et statistique est fondamentale », rappelle Olivier Coone. Avantage, donc, aux écoles en pointe sur ces disciplines (Ensai, Ensae, Polytechnique…) ou très axées sur le numérique (Télécom ParisTech avec un MS et plusieurs chaires, Télécom Nancy, Eisti, Epita…).
Les universités ne sont pas en reste : master Statistique pour l’évaluation et la prospective à Reims-Champagne-Ardenne, M2 Data Mining et parcours Business Intelligence et Big data à l’université Louis-Lumière Lyon-II, Executive Master Statistique et Big data à Dauphine, master et certificat Data science à l’UPMC (Pierre-et-Marie-Curie), masters Informatique-données à l’université de Nantes, Data science à Nice-Sophia, ou encore Big data et fouille de données à Paris-VIII… Quant à l’université Paris-Saclay, elle revendique en tout 45 formations dévolues aux « data sciences » (12 masters en formation initiale ou continue, 5 certificats, 8 spécialités d’ingénieur, 4 options de MBA…).
Deuxième grande famille, les écoles de management. Traditionnellement très réactives, elles ont investi assez tôt le champ du big data, avec des MS, des MSc, voire des spécialisations de 3e année. On peut citer Télécom EM (MSc Social media, avec un important volet consacré au big data), Neoma (MS Marketing et Data Analytics), HEC (une chaire Stratégie digitale et big data avec Axa) ou Audencia (majeure Marketing à l’ère numérique), ou encore l’Inseec, l’Ieseg, l’ECE, l’ESC Rennes… L’Essca, de son côté, s’appuie sur les compétences de son Institut du marketing digital et propose un MS Management digital et stratégie de marque. Ajoutons le double diplôme Digital Marketing & Data Analytics de l’Ecole de management du pôle Léonard-de-Vinci et l’Institut de l’Internet et du multimédia à Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine.
Enfin, on trouve des formations conjointes ingénieurs-management, à l’instar du MSc Data Science and Business Analytics de l’Essec et Centrale-Supélec, des cursus montés par la Paris School of Business avec l’Efrei, par l’Idrac avec l’EPSI (école d’ingénierie informatique) ou par l’Esilv à Paris-La Défense, en lien avec le MBA du pôle Léonard-de-Vinci…
Ces doubles cursus semblent particulièrement adaptés aux besoins, car le big data réclame de plus en plus des compétences larges. « Les data scientists ne se contentent pas de faire de l’analyse et du traitement des données : ils doivent aussi formuler des recommandations et penser stratégie, réfléchir aux usages (avec les objets connectés notamment), intégrer l’éthique et la responsabilité. Tout cela leur ouvre un champ immense », explique François Trouillet, directeur de l’Ecole de management des systèmes d’information, du groupe Grenoble EM, qui a ouvert il y a trois ans un mastère spécialisé Big data : analyse, management et valorisation responsable, avec l’Ensimag de l’Institut national polytechnique.
Un point de vue que partage Olivier Coone : « Un bon data scientist ne doit pas se contenter de compétences techniques. Il doit aussi avoir des talents de manageur, savoir s’interroger sur le sens de son action, être curieux et créatif. »
Exigences élevées
Ajoutons qu’un certain nombre d’entreprises ont choisi de monter leurs propres formations, d’abord en interne, puis parfois en liaison avec des écoles d’ingénieurs. Open a ainsi lancé un programme de certification avec Centrale-Supélec afin de former ses propres collaborateurs. « Nous sommes partis du constat que nous ne parvenions pas à répondre à la demande de data scientists, indique Laurent Benazera. Nous avons donc recruté des jeunes inscrits à Pôle emploi et qui possédaient un solide bagage en physique, math, ou statistiques pour les placer dans un cycle construit avec des écoles. » Le programme ainsi conçu débouche sur un certificat ; il peut aussi être suivi comme option de 3e année par les élèves ingénieurs.
Dernière chose à savoir : les exigences sont élevées à l’entrée dans les formations les plus cotées. Il faut par exemple de solides compétences en maths et en analyse de données pour le MS Grenoble EM-Ensimag. Idem pour la plupart des cursus proposés par les écoles d’ingénieurs. En revanche, le niveau en sciences « dures » (math-statistiques) est plus accessible pour les programmes conduisant aux métiers d’analyste ou de data miner (« fouilleur de données »). Et les débouchés ne manquent pas.
Participez à « O21, s’orienter au XXIe siècle »
Comprendre le monde de demain pour faire les bons choix d’orientation aujourd’hui : après Lille ( les 6 et 7 janvier), « Le Monde » organise son nouvel événement O21 à Cenon (près de Bordeaux, les 10 et 11 février au Rocher de Palmer), à Villeurbanne (les 15 et 16 février) et à Paris (4 et 5 mars, à la Cité des sciences et de l’industrie). Deux jours pendant lesquels lycéens et étudiants peuvent échanger avec des dizaines d’acteurs locaux innovants, qu’ils soient de l’enseignement supérieur, du monde de l’entreprise ou des start-up.
Pour participer à une ou plusieurs conférences et ateliers, il suffit de s’inscrire gratuitement en ligne, à O21 Cenon, O21 Villeurbanne et O21 Paris. Le ministère de l’éducation nationale étant partenaire de l’événement, les enseignants et établissements peuvent y emmener leurs élèves sur le temps scolaire. Pour les classes ou les associations, les inscriptions s’effectuent de façon groupée par l’envoi d’un simple e-mail à l’adresse o21lemonde@lemonde.fr.
Lors de ces événements sont également diffusés des entretiens en vidéo réalisés avec trente-cinq personnalités de 19 ans à 85 ans qui ont accepté de traduire en conseils d’orientation pour les 16-25 ans leur vision du futur.
Placé sous le haut patronage du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, O21 est également soutenu, au niveau national, par quatre établissements d’enseignement supérieur (Audencia, l’Essec, l’Epitech, et l’alliance Grenoble école de management – EM Lyon). Localement, l’événement est porté par les conseils régionaux des Hauts de France, de Nouvelle Aquitaine et d’Ile-de-France, les villes de Cenon et de Villeurbanne et des établissements d’enseignement supérieur.