A New York, le 7 février. | JEWEL SAMAD / AFP

Voilà un chiffre qui va donner du grain à moudre à Donald Trump pour marteler son discours protectionniste. Le déficit commercial américain s’est encore creusé en 2016, selon les statistiques publiées, mardi 7 février, par le Département du commerce. Le déséquilibre, en hausse de 0,4 % par rapport à l’année précédente, a ainsi atteint 502,2 milliards de dollars (470,4 milliards d’euros), soit son plus haut niveau depuis 2012.

Le fait que les Etats-Unis accusent un déficit commercial n’est pas vraiment nouveau : cela fait plus de quarante ans que cela dure. En revanche, le chiffre qui vient d’être publié ne va pas manquer d’encourager le nouveau président américain à revisiter les accords avec ses principaux partenaires, qui sont accusés de déployer des moyens déloyaux pour vendre aux Etats-Unis plus qu’ils ne leur achètent.

Le déséquilibre provient essentiellement des échanges de biens, qui accusent un déficit de 750 milliards de dollars. En revanche, la balance commerciale des services est excédentaire de 247,82 milliards. 2016 a été marquée par une baisse de 2,3 % des exportations, plus rapide que celle des importations, qui ont reculé de 1,8 %.

La récente hausse du dollar a pénalisé les exportations américaines, qui ont perdu en compétitivité, tout en rendant les produits importés plus attractifs. Le commerce extérieur américain a également pâti d’un ralentissement des échanges au niveau mondial. Ce contexte a été fatal à l’objectif que s’était assigné Barack Obama en 2010 en voulant doubler les exportations américaines en cinq ans. Finalement, celles-ci n’auront progressé que de 20 %.

« Deutsche Mark implicite »

Le déficit le plus spectaculaire est celui réalisé avec la Chine avec 347 milliards de dollars, en repli malgré tout de 5,4 %. Un niveau insupportable pour M. Trump, qui a promis pendant sa campagne électorale d’instaurer des droits de douane de 45 % pour inverser la tendance.

Le déséquilibre est également important avec l’Union européenne avec un déficit de 146,3 milliards. Un montant dont l’Allemagne représente à elle seule 45 % (64,9 milliards de dollars). Le 31 janvier, Peter Navarro, le responsable du Conseil du commerce de la Maison Blanche, une instance que vient de créer M. Trump, n’a pas hésité à accuser Berlin « d’exploiter » ses partenaires commerciaux grâce à un euro qualifié de « Deutsche Mark implicite ». Selon lui, la monnaie européenne serait « grossièrement sous-évaluée », permettant ainsi de rendre les exportations allemandes plus compétitives.

Des affirmations plus « plus qu’erronées », a estimé mardi Jens Weidmann, le gouverneur de la Bundesbank, la banque centrale allemande, lors d’un discours à Mayence. « La hausse la plus récente du dollar est probablement le fait de facteurs internes [aux Etats-Unis], provoquée par les annonces politiques du nouveau gouvernement américain », a-t-il affirmé.

La France, dont la balance commerciale n’est pourtant pas au mieux, se trouve également en situation d’excédent avec les Etats-Unis, même si celui-ci est en recul de 10,5 % à 15,82 milliards. En fait, parmi les grands pays européens, seul le Royaume-Uni accuse un déficit commercial avec Washington (de 1,1 milliard de dollars). Les Etats-Unis ont récemment assuré qu’ils étaient prêts à nouer des relations commerciales sur de nouvelles bases, une fois que la Grande-Bretagne aura négocié son départ de l’Union européenne.

« Protéger nos frontières »

Autre cible favorite de M. Trump : le Mexique, qui a encore accru ses excédents avec les Etats-Unis. Ceux-ci s’élèvent à 63,2 milliards de dollars, en hausse de 4,1 %. Le président américain souhaite reprendre la main dans cette relation commerciale déséquilibrée en imposant une taxe de 20 % sur les importations mexicaines pour financer le mur qu’il souhaite ériger à la frontière.

Il menace également de sanctionner les entreprises américaines qui se servent du Mexique comme base de production bon marché pour ensuite réimporter leurs produits aux Etats-Unis. M. Trump a enfin promis de remettre à plat l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) signé en 1994 avec le Canada et le Mexique afin de négocier des conditions plus avantageuses pour les Etats-Unis. « Nous devons protéger nos frontières contre les ravages d’autres pays fabriquant nos produits, volant nos entreprises et détruisant nos emplois », a déclaré M. Trump dans son discours d’intronisation le 20 janvier.

Toutefois, la responsabilité du déficit américain n’incombe pas seulement à la capacité exportatrice des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis. Il est aussi la résultante de la structure même de l’économie américaine qui vit largement au-dessus de ses moyens. Les ménages n’épargnent pas assez et consomment trop par rapport aux autres pays. Résultat : le rythme de croissance de la demande intérieure est systématiquement supérieur à celui du PIB, ce qui contribue à alimenter le déficit commercial. Or la politique économique expansionniste que veut mettre en œuvre M. Trump risque plus de creuser ce dernier que de le résorber.