Pierre Gattaz et Philippe Martinez (second plan), le 10 janvier à Paris. | © POOL New / Reuters / REUTERS

Trois longues heures de débat. C’est le temps qu’il a fallu au Medef, réuni mardi 13 février en comité exécutif, pour décider s’il donnait mandat ou non à son président du pôle social, Alexandre Saubot (par ailleurs président de l’UIMM), pour négocier une nouvelle convention régissant l’assurance-chômage avec les syndicats. Trois longues heures pour que l’organisation patronale décide finalement, et contre les pronostics des observateurs, de retourner à la table des négociations.

« Le conseil exécutif du Medef a débattu de l’importance de l’assurance-chômage et a réaffirmé son attachement à la gestion paritaire de ce système. Il a donné mandat à Alexandre Saubot pour ouvrir une négociation avec les organisations syndicales afin de proposer une réforme ambitieuse, pérenne et qui permette de résoudre le déficit structurel de l’assurance-chômage », écrit l’institution de l’avenue Bosquet dans un communiqué.

L’affaire Fillon change la donne

Cette décision intervient après huit mois de blocage du système. C’est en effet en juin 2016 que devaient se conclure les dernières négociations entre patronat et syndicat afin d’établir une nouvelle convention régissant l’Unedic, l’organisme en charge de l’assurance-chômage. Ecrit conjointement par les partenaires sociaux, ce texte qui fixe les règles et le montant des indemnités chômage, mais aussi les éventuelles économies à réaliser, doit être renouvelé tous les deux ans. Or à l’époque, les discussions avaient achoppé sur la taxation des contrats courts, un dispositif devant au départ être introduit dans la loi travail mais qui a été finalement confié aux partenaires sociaux afin d’être intégré dans la nouvelle convention Unedic.

L’idée : générer de nouvelles recettes pour un régime largement déficitaire et très endetté. Farouchement opposé à cette mesure, considérée comme nécessaire par les syndicats, le Medef avait décidé de ne pas négocier. Pierre Gattaz avait simplement appelé à des réunions paritaires pour l’établissement d’un diagnostic, sans retour immédiat à la table des discussions. Quitte à laisser le prochain gouvernement reprendre la main sur la convention et imposer son propre régime. Une idée qui ne déplaisait pas tant que ça à certains membres du Medef, convaincus qu’ils étaient que François Fillon, le candidat du parti Les Républicains, largement favori au sein de l’organisation, allait l’emporter. Et mettre en place un système plus en phase avec les demandes du patronat.

Mais c’était sans compter avec l’affaire de l’emploi présumé fictif de Pénélope Fillon, l’épouse du candidat. Le champion de la droite a en effet perdu de sa superbe, amoindrissant ses chances d’arriver à l’Elysée en mai 2017. Ce qui aurait poussé certains à reconsidérer leur position. « Ce n’est pas qu’une histoire d’opportunité politique, les discussions ont été calmes, profondes et ont porté sur le fond. Le patronat est vraiment attaché au paritarisme et a décidé qu’il fallait négocier, mais il est vrai que les incertitudes sur l’issue de l’élection présidentielle ont poussé certains à se dire qu’il fallait mieux discuter », confie un président de fédération.

« Choix politiques »

En interne, un sondage a, par ailleurs, montré que beaucoup de fédérations régionales et de patrons membres de l’organisation étaient finalement attachés à la cogestion de l’Unedic. Pour autant, ce n’est pas un blanc-seing que le Medef donne à Alexandre Saubot, son négociateur. « Ce n’est pas le plus facile des mandats », reconnaît un membre important de l’oganisation. Dans son communiqué, le Medef rappelle « l’impérieuse nécessité de ne pas alourdir le coût du travail » et insiste « sur le besoin de flexibilité de notre économie ». En clair, le patronat campe sur sa position : pas de taxation des contrats courts, très utilisés par certaines fédérations comme le commerce ou l’hôtellerie. Il souhaite en outre que la nouvelle convention remette en cause certains dispositifs comme la prise en charge des travailleurs frontaliers avec la Suisse.

Ces derniers ne cotisent pas en France mais sont indemnisés par l’assurance-chômage tricolore en vertu d’accords bilatéraux signés avec la confédération helvétique. Autre point soulevé par le Medef : les coûts de fonctionnement de Pôle emploi, dont il estime qu’ils ne devraient pas dépendre, pour partie (3 milliards d’euros par an estime le Medef), du financement paritaire. « L’Etat devra prendre ses responsabilités (frontaliers, financement de Pôle emploi, etc.) et assumer les coûts issus de ces choix politiques », insiste l’organisation dans son communiqué.

Dans ce contexte, les chances d’aboutir sont-elles compromises ? « Si on y va c’est quand même pour réussir et établir une nouvelle convention d’assurance-chômage », explique un membre de l’organisation. « Certes nous demeurons opposés à la taxation des contrats courts mais il y a d’autres méthodes dont on peut discuter comme les bonus malus sur les cotisations ou autre », abonde un autre.

« C’est une bonne nouvelle pour le paritarisme, affirme Michel Beaugas, chargé des négociations Unedic à FO. C’est certes dans une seringue mais une convention d’assurance-chômage ne se limite pas à la taxation des contrats courts. Ça montre aux candidats à la présidentielle que c’est notre sujet et qu’on y tient. »

A la CFDT, on se réjouit aussi mais on attend de voir. « C’est un très bon premier pas, mais le plus dur reste à venir », rappelle Veronique Descacq, secrétaire générale adjointe du syndicat. Syndicats et patronats ont rendez-vous dès mercredi 15 février pour fixer les modalités des négociations et remettre le paritarisme en marche.

Les propositions du Medef

Mardi 14 février aura été une journée chargée pour Pierre Gattaz, président du Medef, qui a présenté les principales propositions de son organisation pour la présidentielle. Les réformes proposées par le Medef tournent autour de quatre axes majeurs : la réforme du système éducatif et la formation, la mise en place d’un nouveau modèle social pour « mettre fin aux rigidités du travail », la fin de la crise du logement et enfin « un avenir pour la protection sociale ». Le Medef souhaite par exemple sans surprise « sécuriser les modalités de rupture du contrat de travail » pour faciliter les embauches ou encore reculer l’âge légal de la retraite à 65 ans à l’horizon 2026. L’organisation souhaite, en outre, voir le pays réaliser 100 milliards à 115 milliards d’euros d’économie sur cinq ans pour réduire le poids de la dépense publique.