Matteo Renzi, le 24 mai 2016. | MAX ROSSI / REUTERS

Cinq blessés légers. C’est par un bien mauvais présage que la semaine avait commencé, dimanche 12 février, lorsqu’une statue à l’effigie de l’ancien premier ministre italien Matteo Renzi est tombée sur la foule, lors du défilé marquant l’ouverture du carnaval de Follonica (Toscane, province de Grossetto).

De ce point de vue, la réunion de la direction du Parti démocrate (PD, centre gauche, au pouvoir), qui s’est tenue lundi à Rome, a été nettement moins mouvementée. La motion proposée par la direction du Parti et prévoyant un congrès dans les plus brefs délais a été adoptée à une très nette majorité : 107 voix pour, 12 contre et 5 abstentions. Cette décision doit encore être confirmée par une Assemblée des parlementaires du parti, qui se tiendra samedi ou dimanche et dont le résultat devrait confirmer ce vote confortable.

Il brûle d’en découdre

Mais la netteté de ce score pourrait bien être trompeuse. Des figures comme le ministre de la justice, Andrea Orlando, ont fait part de leurs craintes : « Renzi risque d’aller droit dans le mur. Le gouvernement en paiera le prix », a-t-il ainisi déclaré à La Repubblica. Et, plus largement, le fossé entre le courant majoritaire de l’ancien premier ministre et l’opposition interne, plus ancrée à gauche, est apparu encore plus béant que jamais, ravivant les craintes de scission.

Depuis sa démission dans la nuit du 4 au 5 décembre 2016, sous le coup du « non » retentissant des Italiens (59 %) à son projet de réforme de la Constitution, le désormais ancien premier ministre, resté à la tête du principal parti de la majorité gouvernementale, brûle d’en découdre, et prône l’organisation dans les plus brefs délais d’élections générales anticipées – le terme théorique de la législature est fixé à février 2018. Au lendemain de la défaite, c’étaient les minoritaires qui réclamaient un congrès, considérant urgent de redéfinir la ligne du parti, et Matteo Renzi, tout à sa volonté de retourner au plus vite aux urnes, ne voulait surtout pas en entendre parler. Aujourd’hui la situation est rigoureusement inverse. Et chaque camp accuse l’autre d’avoir changé d’avis pour des raisons purement tactiques.

Comment expliquer ce revirement ? En décembre, les minoritaires, derrière l’ancien premier secrétaire Pier Luigi Bersani, comptaient sur l’effet de souffle du résultat du référendum pour se renforcer, et aujourd’hui, ils défendent avant tout le besoin d’aller au terme de la législature. Ils ne veulent pas d’un congrès dont ils craignent qu’il serve avant tout à les affaiblir et lancerait le parti dans une campagne hasardeuse. Lundi après-midi, le sénateur Miguel Gotor, proche de Bersani, pointait le risque que le PD devienne le « parti de l’aventure »...

Se remettre en selle

Quant à Matteo Renzi, ses arrière-pensées sont claires : « Pour moi le plus important est d’être légitimé par un vote. » Il devrait annoncer sa démission de la direction du PD samedi ou dimanche, avant de partir en campagne. S’il concède désormais que la perspective d’élections avant l’automne s’éloigne, du fait de l’absence d’une loi électorale digne de ce nom, il cherche dans un vote sans ambiguité des militants un moyen de se remettre en selle.

De fait son discours devant la direction du parti, lundi, portait bien plus loin que les limites du PD. Dans ce « temps de la peur » ouvert par l’élection de Donald Trump, il a pris la défense de l’ouverture des frontières et du libre-échange, « meilleur moyen pour lutter contre la pauvreté ». Avant de lancer, très applaudi : « Vous voulez faire un congrès contre le renzisme ? C’est trop d’honneur. Ce congrès doit se faire comme une alternative au trumpisme, au lepénisme, ou à la rigueur au grillinisme. » Et si scission il y a, « elle devra se faire sur des idées, sans alibi. Pas sur un calendrier »

Dans son tour d’horizon de la situation des gauches en Europe, le secrétaire du PD a confié son espoir de voir le social-démocrate Martin Schultz l’emporter lors des législatives allemandes de septembre, avant de se lancer dans un éloge d’Emmanuel Macron, devenu « la meilleure chance d’empêcher la victoire de Le Pen » à l’élection présidentielle française de mai, alors que le PS aurait choisi en Benoît Hamon la voie de la « gauche radicale ».

Puis il a lancé aux partisans de la minorité : « Je suis désolé si je suis votre cauchemar, mais vous ne serez jamais nos adversaires, nos adversaires sont au dehors de cette salle. » Sans doute, sur ce point, n’aura-t-il pas convaincu grand monde.