Certains groupes d’immigrés sont plus diplômés que la population française en général
Certains groupes d’immigrés sont plus diplômés que la population française en général
Par Maryline Baumard
Le chercheur de l’INED Mathieu Ichou publie une enquête qui montre que les pays d’accueil sont loin de recevoir « toute la misère du monde » lorsqu’ils octroient un titre de séjour.
En France, le migrant reste, souvent, perçu comme un pauvre hère débarqué en haillons. Cette mythologie s’éloigne pourtant de plus en plus de la sociologie réelle de l’exilé. Même assignés au maniement du balai ou à un poste de vigile, les migrants installés dans l’Hexagone ont souvent des diplômes en poche. C’est ce que relève Mathieu Ichou, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (INED), dans un travail intitulé « Le niveau d’instruction des immigrés : varié et souvent plus élevé que dans les pays d’origine », publié, mardi 14 février, dans le dernier numéro de Population et Sociétés.
Le démographe relève que certains groupes sont plus diplômés que la population française en général. Ainsi, 37 % des immigrés nés en Roumanie et vivant en France possèdent un diplôme de l’enseignement supérieur, comme 43 % des Chinois, 35 % des Vietnamiens ou 32 % des Polonais, alors que « seulement » 27 % de la population générale adulte de France dispose d’un grade universitaire. Un taux d’ailleurs identique à celui des diplômés de l’université au sein de la population sénégalaise de France… Quelques autres diasporas sont en revanche en dessous de ce taux, comme les Tunisiens, dont 21 % ont au moins une licence, ou les Marocains (19 %) et les Algériens (18 %).
« Un triple capital : économique, social et intellectuel »
« Contrairement à ce que l’on croit a priori, les migrants maliens qui arrivent [en Europe] sont souvent issus des classes moyennes ou supérieures de leur pays », précise le chercheur, qui rappelle que « pour quitter l’Afrique, il faut désormais bénéficier d’un certain niveau de capital économique, social et intellectuel » et ajoute que « le taux de diplômés du supérieur est bien moindre sur le continent africain, qu’en France ».
Cette analyse à laquelle M. Ichou se livre sur les différentes diasporas présentes en France est confortée par les travaux menés sur les vagues d’arrivées plus récentes observées par la démographe Anne Goujon, de l’Institut démographique de Vienne. Cette dernière s’est penchée sur les réfugiés entrés en Autriche début 2015. Elle a ainsi mesuré que 27 % de Syriens arrivés dans ce pays sont diplômés du supérieur, contre 10 % de ceux qui sont restés en Syrie.
On retrouve aussi ce différentiel pour les Afghans puisque 11 % de ceux qui ont rejoint l’Autriche sont diplômés de l’université, contre un taux global de 3 % de détenteurs d’un parchemin du supérieur dans ce pays.
De quoi mesurer en creux que les pays d’accueil sont bien loin de recevoir « toute la misère du monde » lorsqu’ils octroient un titre de séjour, que celui-ci soit accordé à un réfugié ou à un migrant dit « économique ». « La plupart des discours sur les migrations ne sont pas de l’ordre du rationnel mais de l’idéologique », note à ce propos M. Ichou.
Des flux migratoires diversifiés
Dans ses travaux, le démographe s’est toutefois attardé sur un autre groupe de migrants : celui des « très peu diplômés », qui existe aussi, même s’il est sans doute en train de s’estomper, eu égard aux difficultés croissantes de la migration.
Le chercheur montre qu’au sein des diasporas présentes en France, un groupe d’exilés comprenant des populations qui n’ont pas terminé leur enseignement primaire a réussi le voyage vers l’Europe.
Au sein de la population générale française ce groupe existe à peine, représentant 1 % des Français dans leur ensemble, mais il s’élève à 19 % chez les immigrés marocains, à 17 % chez les Sénégalais et 15 % chez les Turcs.
La jonction des surdiplômés et des sous-diplômés montre, comme le rappelle M. Ichou, que « les flux migratoires se sont largement diversifiés au fil des décennies ». Ce qui permet certainement d’expliquer que le rêve « politique » d’une immigration choisie soit un des seuls points communs entre l’approche du sujet par les différents candidats à l’élection présidentielle.