C’est une première dans l’histoire de la République. Une disposition législative censurée par le Conseil constitutionnel vendredi 10 février a été réintroduite dans la loi dès le lundi 13… au risque de subir une nouvelle déclaration d’inconstitutionnalité. Trois jours auront suffi aux parlementaires pour rétablir dans le code pénal le délit de consultation habituelle de sites djihadistes qui avait été créé par la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. La définition de cette incrimination pénale est légèrement modifiée pour tenir compte des griefs listés par les gardiens de la Constitution, mais elle reste passible de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amendes.

« On comprend mal pour quelles raisons la liberté de communication protégerait ceux qui consultent sciemment de tels sites sans motif légitime », justifie Philippe Bas, le président (LR) de la commission des lois du Sénat, à l’initiative de cet amendement introduit lundi lors d’une commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi sécurité publique. Le texte ne peut plus être modifié lors de sa lecture définitive devant les deux Assemblées.

Contraire au droit

Indépendamment du débat de fond qui va nécessairement s’ouvrir sur la conformité à la Constitution de la nouvelle rédaction de l’article 421-2-5-2 du code pénal, la procédure retenue par M. Bas, et acceptée par Yves Goasdoué, le rapporteur PS pour l’Assemblée nationale, semble contraire au droit. L’article 45 de la Constitution, qui définit la CMP sur un projet de loi entre sénateurs et députés, limite son rôle à la proposition de compromis « sur les dispositions restant en discussion ». Ce qui n’était nullement le cas de ce délit pénal réintroduit à la dernière minute.

Mais, miracle de la procédure, cette inconstitutionnalité ne peut être déclarée que si le Conseil est saisi par 60 députés ou sénateurs dans le cadre d’un contrôle avant promulgation de la loi, ce qui ne sera probablement pas le cas cette fois. En cas de saisine postérieure, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, l’institution ne se prononce que sur le fond. En l’occurrence, il y aura matière à débat. Mais le viol de la procédure parlementaire, source d’inconstitutionnalité aujourd’hui, ne le sera plus.