Mêlant films de patrimoine et films sur le cinéma, la section Venice Classics pourrait bien se révéler être la meilleure de la Mostra. La profusion de films présentés ailleurs rend difficile d’y pointer souvent son nez, mais les échos qui parviennent jusqu’à nous sont très positifs. La version restaurée de Break Up, par exemple, film rare de Marco Ferreri tourné en 1963-1964 en noir et blanc et en 1967 en couleurs, avec Marcello Mastroianni, est considérée par ceux qui l’ont vu comme un des grands événements de cette Mostra.

Parmi les films contemporains, Le Concours, de Claire Simon, documentaire sur le concours de la Femis, fait déjà beaucoup parler dans le milieu de la cinéphilie française, et nous pouvons avancer quant à nous que David Lynch : The Art Life, de Jon Nguyen et Olivia Neergaard-Holm, autoportrait de David Lynch en jeune homme, est à ce jour le plus beau film qui nous ait été donné de voir sur le Lido.

En collaboration avec Jason S., co-auteur avec Austin Lynch – le fils de David – du formidable webdocumentaire The Interview Project, qui signe ici l’image du film, Jon Nguyen et Olivia Neergaard-Holm filment leur sujet dans son atelier. On le voit peindre, faire écouter de la musique à sa petite fille, livrer ses souvenirs d’enfance et de jeunesse à un gros microphone, ou simplement rester assis immobile sur une chaise, comme on apprend qu’il l’a fait pendant deux semaines avant d’intégrer une école d’art à Boston dont il claquera la porte quelques mois plus tard.

Un incroyable conteur

Ces images où Lynch apparaît sous les traits d’un vieil homme serein, revenu à sa passion pour la peinture après avoir réalisé Mulholland Drive, le plus grand film du XXIe siècle, et Twin Peaks, la plus grande série du précédent, se fondent avec ses dessins, ses peintures, les archives visuelles de sa jeunesse en un écrin de douceur pour sa parole.

La force du film tient beaucoup à l’art du récit de cet incroyable conteur, à la manière dont il exprime tant en si peu de mots, quelques anecdotes qui condensent, comme le feraient des images, les plus beaux traits de personnalité de ceux qu’il aime, ou font rejaillir d’un coup toute la mémoire d’un film : l’irruption en bas de chez lui, lorsqu’il était enfant, d’une femme hagarde, entièrement nue, préfigurant Blue Velvet ; la voisine annonciatrice d’Eraserhead qui singeait dans son jardin la gestuelle et les piaulements du poulet…

Comment David Lynch est-il devenu un génie ? Comment devient-on artiste ? « Tout est là, explique-t-il, dans le pâté de maisons où j’habitais étant enfant. » Il suffisait de regarder. De ne pouvoir concevoir la vie autrement qu’en fumant des cigarettes, buvant des cafés et faisant de la peinture. D’être entouré de personnes bienveillantes, qui lui donneront la force nécessaire pour trouver son propre chemin.

« David Lynch : The Art Life », de Jon Nguyen et Olivia Neergaard-Holm, un autoportrait du cinéaste. | CONSTELLATION