8/15 A Marseille, un écoquartier sort de terre
8/15 A Marseille, un écoquartier sort de terre
Par Laetitia Van Eeckhout
Les innovations de Smartseille, écocité des quartiers nord de Marseille, peuvent amener à dépasser des barrières administratives ou réglementaires. Huitième article de notre série de 15 sur le devenir des lauréats des Prix Le Monde Smart cities 2016.
Vu d’artiste de Smartseille, écocité en devenir dans les quartiers nord de la cité phocéenne. | ©BABYLONE AA GROUP
Bien qu’encore en construction, Smartseille, suscite une curiosité nationale et internationale : d’Avignon, de Loire-Atlantique, de Suède, de Grande-Bretagne, et même du Japon, plusieurs délégations d’élus, d’agents publics ou d’acteurs de l’urbanisme se sont récemment rendues sur le site de cette écocité en devenir, dans les quartiers nord de Marseille, pour la découvrir.
Smartseille - projet récompensé d’un deuxième accessit au Prix de l’habitat Le Monde Smart cities en avril 2016 - se veut un site pilote de la ville durable à la française, qui réponde aux défis actuels de sobriété énergétique et de cohésion sociale urbaine. En mai 2016, ont été livrés un hôtel – dont les premiers clients furent les spectateurs de l’Euro 2016 –, et un premier immeuble à bureaux de 10 000 mètres carrés, où se sont installés 350 agents de la Ville de Marseille.
Deux des cinq lots de l’écocité Smartseille, dont les bâtiments mêlent logements, bureaux et services. | Thierry LAVERNOS
« La livraison des bâtiments restants doit s’étaler jusqu’à la fin de 2018. Cette année, un nouvel immeuble à bureaux sera disponible en juin et une soixantaine de logements proposés en accès direct à la propriété seront habitables en septembre », prévoit Hervé Gatineau, directeur des grands projets chez Eiffage Immobilier, porteur de l’opération. A terme, l’ensemble, construit sur 2,7 hectares, comptera 385 appartements, dont 100 logements sociaux, une crèche, une résidence pour personnes âgées, 27 500 mètres carrés de bureaux, 3 000 mètres de commerces et services.
L’opération repose sur un copilotage réunissant les autorités publiques (Etat, Ville de Marseille et la société d’aménagement Euroméditerranée), des grands groupes (Eiffage, EDF, Orange, Lafarge), des PME et start-up innovantes, ainsi que des associations environnementales.
Thalassothermie et pièces nomades
Ce large partenariat a permis de mettre en oeuvre un ensemble d’innovations : dépollution du site par des champignons qui permettent de diminuer les terres à évacuer ; solidarité énergétique entre les immeubles à bureaux et les édifices de logements ; thalassothermie avec une boucle à eau de mer pour chauffer et rafraîchir les espaces ; pièces nomades pouvant être raccordées à des logements qu’elles jouxtent, ou séparées, en fonction de l’évolution des besoins des ménages (arrivée ou départ d’un enfant, accueil d’un parent, par exemple) ; parkings mutualisés entre les bureaux et les logements ; système captant les rayons naturels du jour et les transportant par fibre optique jusqu’aux pièces sans fenêtre des bâtiments ; réseau wifi et Internet propre à l’îlot qui permet aux habitants de gérer, sur place ou à distance, la sécurité et les équipements de leur logement, mais aussi d’accéder à une plateforme locale de services et d’entre-aide…
Ces innovations amènent parfois à dépasser certaines barrières administratives, voire réglementaires. Pour le réseau de chauffage et de rafraîchissement à thalassothermie, il a fallu obtenir l’autorisation de faire passer la boucle d’eau de mer sous une voie de chemin de fer. Ce qui explique que pour l’heure, au sein de ce réseau, les échanges calorifiques se fassent avec l’air, et pas encore avec l’eau de mer. L’idée d’une mutualisation des parkings, qui repose sur un droit au stationnement et non plus une place attitrée, s’est heurtée à des réticences. Il a fallu convaincre les bailleurs sociaux pour qui, d’ordinaire, à tout logement doit être attribuée une place de parking.
Les promoteurs ont dû renoncer à installer une ferme urbaine au sein de l’écocité. Non autorisée dans le plan local d’urbanisme (PLU), cette ferme aurait nécessité un statut dérogatoire, sujet à caution. Il n’y avait pas aussi assez de foncier disponible pour que cette ferme ait la taille critique d’une exploitation économiquement viable.
Accent mis sur le « vivre ensemble »
L’îlot compte néanmoins plusieurs terrasses, et potagers jardins partagés, où trois ruches ont été installées en 2016. Une conciergerie propose d’ores et déjà des services à la carte : vente de pain et de produits de base, prestataires nomades (petit dépannage, cordonnerie, pressing, coiffure, soutien scolaire…), pressing, services postaux, billetterie…
Cet écocité a été considérée avec une certaine suspicion, au départ, par les fonctionnaires de la Ville dont la direction est installée depuis novembre à Smartseille. « Travaillant jusqu’alors en plein centre-ville, ils se sentent un peu loin de tout. Venir travailler ici bousculent leurs habitudes. Mais ils apprécient de travailler dans des bureaux très lumineux. Et ils savent que le quartier est en pleine expansion », explique Rémy Hernandez, le « concierge » qui se voit maintenant fréquemment demander des services par les agents. Ce quartier va être le nouveau Marseille ! Développer ce secteur oublié de la ville est un vrai bond en avant », insiste-t-il.
« Smartseille, qui s’appuie sur un véritable partenariat public-privé, est porteur d’une réflexion intéressante sur la mixité entre logement, bureaux et le vivre ensemble, avec des lieux de convivialité, des espaces et des services partagés », estime Benjamin Haguenauer, directeur du Groupe l’ARC, promoteur immobilier, venu à Smartseille en juillet 2016 avec le Club Immobilier Nantes Atlantique. Ce Club, qui réunit des professionnels de l’urbanisme et du bâtiment de Loire-Atlantique, était intéressé, si ce n’est intrigué, de découvrir Marseille « sous un autre angle que celui du foot ou de son triste record de criminalité ».