Macron : pourquoi sa déclaration de patrimoine suscite des questions
Macron : pourquoi sa déclaration de patrimoine suscite des questions
Par Adrien Sénécat
La déclaration publique de revenus et de patrimoine faite par le candidat à l’élection présidentielle en 2014, lorsqu’il était entré au gouvernement, fait l’objet d’interrogations.
A son entrée au gouvernement, en août 2014, Emmanuel Macron avait dû faire une déclaration officielle de ses revenus et de son patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Depuis quelques jours des sites Internet reprennent ces déclarations pour souligner ce qu’ils estiment être un décalage entre les revenus déclarés et le patrimoine et s’interroger sur ce que cela pourrait signifier. Explications.
CE QUE DIT LA RUMEUR
Une « analyse » du patrimoine de l’ancien ministre de l’économie, Emmanuel Macron, a circulé sous différentes formes ces derniers jours. Paul Mumbach, maire de Dannemarie (Haut-Rhin) et candidat à l’élection présidentielle, l’a relayée dans un courriel envoyé au début de février, le site d’extrême droite Résistance républicaine s’en est également fait l’écho le 11 février, s’appuyant sur un article du blog d’analyses économiques et géopolitiques qui héberge parfois des théories conspirationnistes Les Crises publié en juin 2016, puis mis à jour le 8 février, et relayé par ailleurs par le site Planetes360.fr, qui agrège des articles de sources diverses sans forcément les vérifier.
Le raisonnement de tous ces articles est le suivant :
- Emmanuel Macron a accumulé des millions d’euros de revenus dans les années qui ont précédé son entrée au gouvernement à l’été 2014 ;
- or l’intéressé n’a fait mention, dans sa déclaration de patrimoine, « que » d’un peu moins de 200 000 euros de liquidités et d’un patrimoine net relativement peu important.
Suivent alors, selon les différentes versions, des accusations plus ou moins directes :
- « Où sont passés ces 2 500 000 euros qui ont subitement disparu de votre patrimoine au moment où vous avez franchi la porte du ministère ? Mis à gauche ? Votre réponse m’obligerait », écrit Paul Mumbach ;
- « Macron aurait dépensé plus de 2,5 millions en treize ans… pas de compte à l’étranger, vraiment ? », insiste Résistance républicaine ;
« Il joue ou quoi ? S’il a tout donné aux bonnes œuvres, je veux bien revoir un peu mon jugement sur lui… (…) Un esprit mal intentionné pourrait même le soupçonner d’avoir un compte à l’étranger… Après, il y a sans doute une bonne explication, parfaitement légale, – surtout que c’est certifié par Macron », ironise Olivier Berruyer, auteur du blog Les Crises.
CE QUE CONTIENNENT LES DÉCLARATIONS DE M. MACRON
1. Ses revenus
Voici les éléments figurant dans la déclaration d’intérêts d’Emmanuel Macron auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), signée le 24 octobre 2014 (visible en cache ici), qui récapitulent les revenus imposables de l’intéressé pour la période précédant son entrée au gouvernement :
- directeur, puis gérant et enfin associé gérant à la banque Rothschild & Cie, de 2009 à 2012 : 2 885 000 euros environ ;
- de mai 2012 à juillet 2014, secrétaire général adjoint à la présidence de la République : 370 000 euros environ.
M. Macron a donc cumulé environ 3,6 millions d’euros de revenus, avant impôts, de 2009 à son entrée au gouvernement, à l’été 2014.
2. Ses biens
Voici les éléments figurant dans la déclaration de patrimoine signée par Emmanuel Macron le 24 octobre 2014 (visible en cache ici) :
- un appartement de 83 m2 à Paris avec terrasse et parking, acquis en juin 2007 pour une valeur de 890 000 euros (auxquels il ajoute 70 000 euros de travaux) ;
- des placements pour un montant d’environ 74 000 euros ;
- deux assurances-vie, la première d’une valeur de 86 344,84 euros et la seconde correspondant à un capital assuré de 500 000 euros « partiellement délégué en garantie du prêt personnel » et « non rachetable » ;
- Différents comptes bancaires pour un montant d’environ 109 000 euros ;
- Enfin, un véhicule Volkswagen acheté, en 2005, pour 40 000 euros et évalué à 6 000 euros neuf ans plus tard.
A cette date, le patrimoine s’établissait donc à environ 1,2 million d’euros.
3. Ses prêts immobiliers
M. Macron a également déclaré avoir contracté trois prêts :
- un prêt de 350 000 euros en 2011 au Crédit mutuel pour des travaux de résidence secondaire, dont 295 000 euros qui restaient à rembourser et des mensualités de 2 424,30 euros ;
- un prêt de 600 000 euros en 2012 au Crédit mutuel pour refinancer son prêt d’achat de résidence principale, dont 558 577,53 euros encore à rembourser et des mensualités de 3 623,34 euros ;
- un « prêt personnel entre particuliers » de 550 000 euros en 2007, dont 200 000 euros encore à rembourser (100 000 en 2017, 100 000 en 2022, auxquels s’ajoutent des intérêts). Emmanuel Macron a précisé à L’Express que ce prêteur était son « mentor », Henry Hermand, un chef d’entreprise proche de la « deuxième gauche » de Michel Rocard, mort en novembre 2016.
A l’automne 2014, l’endettement de M. Macron atteignait donc environ 1 million d’euros.
CE QU’IL FAUDRAIT SAVOIR POUR RÉPONDRE AUX INTERROGATIONS
La question soulevée par les rumeurs qui circulent en ligne à partir de ces différents chiffres est celle-ci : comment, compte tenu des revenus de la période 2009-2014, M. Macron ne dispose-t-il pas d’un patrimoine plus important ? Pour y répondre, il faudrait toutefois disposer d’éléments supplémentaires sur lesquels la loi sur la transparence n’impose aucune obligation de communication publique.
1. Le travail très circonscrit de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
Les déclarations à la HATVP doivent contenir les déclarations de patrimoine (biens immobilier, comptes en banques, emprunts, dettes en cours…) et les liens d’intérêts (activités professionnelles, actions détenues, activités bénévoles…).
Contactée, la HATVP rappelle que son travail consiste à vérifier que les différentes déclarations sont « exactes, exhaustives et sincères ».
Cette dernière peut faire des observations sur les déclarations dans le cadre de possibles anomalies, comme elle l’a fait dans le cas de Jean-Marie Le Guen par exemple, mais pas dans celui d’Emmanuel Macron.
La Haute Autorité précise également que son travail « n’est pas celui de l’administration fiscale » et qu’elle a accès aux déclarations d’intérêts, pas aux déclarations de revenus des personnalités contrôlées. La manière dont un responsable politique dépense son argent n’est, par exemple, pas de son ressort.
2. Aucune obligation de communiquer le montant des impôts acquittés ou des dépenses personnelles
Les éléments communiqués à la HATVP ne permettent pas de donner une analyse complète de la situation financière de M. Macron pour la période concernée.
Il faudrait par exemple savoir si l’intéressé a remboursé d’autres emprunts durant cette période, qu’il n’aurait pas eu à mentionner dans ses déclarations en 2014 car ils n’auraient plus été en cours à cette date.
Il faudrait également connaître le montant des impôts qu’il a payés sur cette période. De même que l’ampleur de ses dépenses courantes.
Sur le plan légal, l’intéressé n’a pas l’obligation de communiquer tous ces éléments qui permettraient de comprendre sa situation et de répondre aux soupçons relayés sur les réseaux sociaux.
En l’état les inconnues sont trop nombreuses pour affirmer quoi que ce soit, et notamment qu’il y aurait quelque chose de suspect.
CE QUE DIT EMMANUEL MACRON
Sylvain Fort, un des porte-parole d’Emmanuel Macron, a assuré au JDD dimanche 12 février : « Son patrimoine a déjà été passé aux rayons X, mais, s’il reste des zones d’ombre, nous sommes prêts à les éclairer. »
Nous avons donc sollicité M. Macron pour lui poser ces questions. Nous lui avons notamment demandé :
- s’il confirmait ou contestait ce présumé décalage entre ses revenus déclarés et son patrimoine ;
- s’il souhaitait fournir des informations supplémentaires sur les dépenses qui pourraient expliquer cet écart ;
- s’il était prêt à nous communiquer ses fiches d’imposition depuis 2009, comme l’ont fait plusieurs candidats à l’élection par le passé, notamment auprès de L’Express en 2007.
Sollicité à plusieurs reprises depuis lundi 13 février, l’équipe de M. Macron n’a pas répondu à ces questions pour l’heure. Ses réponses seront ajoutées à notre article le cas échéant.
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