Beyrouth, étape très prisée des candidats en campagne
Beyrouth, étape très prisée des candidats en campagne
Par Benjamin Barthe (Beyrouth, correspondant)
Après Emmanuel Macron, fin janvier, Marine Le Pen se rend au Liban dimanche. Un passage obligé pour aborder la crise syrienne et enrichir son carnet d’adresses.
Comme les romantiques du XIXe siècle, les candidats à la présidentielle française succombent à la mode du voyage en Orient. Avant Marine Le Pen, attendue à Beyrouth dimanche 19 février, Emmanuel Macron était venu faire campagne, fin janvier, dans la capitale libanaise.
Le pays du Cèdre aurait dû avoir aussi les honneurs de François Fillon. Mais les révélations du Canard enchaîné sur les emplois présumés fictifs dont ont bénéficié sa femme et deux de ses enfants l’ont obligé à passer son tour.
« Un tel afflux de candidats, c’est inédit », constate Michel Hajji Georgiou, journaliste au quotidien libanais L’Orient-Le Jour. Bien que très francophone, le pays ne recèle pas un gisement de voix suffisant pour expliquer cet engouement. Seulement 23 000 Français, expatriés et binationaux, sont enregistrés au consulat de Beyrouth ; 17 000 sont inscrits sur les listes électorales.
Chrétiens d’Orient et islamisme
Si les postulants à l’Elysée sont attirés par le Liban, c’est d’abord parce qu’il constitue le terrain le plus sûr au Proche-Orient pour aborder la crise syrienne et la question des réfugiés, problématiques clés de la campagne.
M. Macron avait attendu son déplacement à Beyrouth pour exposer sa position sur le cas du dictateur syrien Bachar Al-Assad. Une ligne à mi-chemin entre la politique d’ostracisation, mise en œuvre par François Hollande, et des appels à la relance du dialogue avec Damas, formulés avec prudence par M. Fillon et de façon plus décomplexée par Mme Le Pen. Logiquement, la présidente du Front national (FN) devrait profiter de sa présence à quelque cent kilomètres de Damas pour s’exprimer sur le sujet.
Pour les candidats de droite, le Liban, mosaïque confessionnelle, offre aussi l’occasion de brandir la cause des chrétiens d’Orient et de broder sur le sujet de l’islamisme. Deux thèmes porteurs dans la France d’aujourd’hui, frappée par les attentats de l’organisation Etat islamique (EI). Mais dans un pays qui a payé les vertiges identitaires de ses leaders par quinze ans de guerre civile, il est probable que Mme Le Pen mesurera ses mots.
Pour celle qui comparait, en 2010, les prières de rue des musulmans à « l’occupation » mais qui assure aujourd’hui que « l’islam est compatible avec la République », être reçue par des responsables politique et religieux sunnites, comme le premier ministre Saad Hariri et le mufti de la République, constitue une aubaine. C’est un jalon essentiel dans sa stratégie de « dédiabolisation ».
Dans une campagne présidentielle, une escale au Liban représente aussi la garantie de faire fructifier son réseau. Le pays compte de nombreux hommes d’affaires enclins à se rapprocher d’hommes politiques étrangers.
A l’image de Jacques Chirac, devenu un intime de l’ancien premier ministre et magnat du BTP Rafik Hariri, assassiné en 2005, François Fillon est un proche de Fouad Makhzoumi. Cet industriel et philanthrope, enrichi dans la vente de pipelines aux monarchies du Golfe, est connu pour être un donateur du parti conservateur britannique.
« On ouvre des portes »
Les candidats français espèrent-ils repartir de Beyrouth les poches pleines ? De bons connaisseurs des mœurs libanaises le subodorent. Ce ne serait d’ailleurs pas forcément illégal. La loi française autorise les politiques à recevoir des dons de particuliers dans une limite de 7 500 euros.
« Dans le cas de M. Macron, il n’y a pas eu de levées de fonds », conteste Jean Riachi, un banquier d’affaires qui a organisé pour le fondateur du mouvement En marche ! un cocktail dans une galerie d’art, en présence d’une quarantaine de membres du gotha libanais. M. Makhzoumi, qui avait rencontré M. Fillon en décembre 2016 à Paris, a refusé de répondre à nos questions.
Marine Le Pen, qui est en quête d’un prêt bancaire, sera-t-elle tentée de nouer quelques relations extra-politiques ? « Nous autres Libanais, on a de l’argent et du relationnel », s’amuse Victor Najjarian, un investisseur immobilier, candidat malheureux, en 2011, au rachat du « Paquebot », le siège du FN à Saint-Cloud. « On ouvre des portes, on aime inviter, poursuit-il, avec un sourire sibyllin. Et les Français aiment être invités. »
D’autres aspirants présidents pourraient se rendre au Liban d’ici le premier tour du scrutin. Le nom de Jean-Luc Mélenchon, le champion de La France insoumise, a un temps circulé, sans confirmation. Benoît Hamon, le candidat socialiste, s’intéresse aussi au pays. Il s’y était rendu en 2015, dans le cadre d’une mission d’information parlementaire dont il était le rapporteur.