Milo Yiannopoulos, à Berlin en 2014. | NEXTConf from Berlin [CC BY 2.0] via Wikimedia Commons

L’extrait de l’entretien, filmé il y a deux ans, dure environ cinq minutes. Face au comédien Joe Rogan qui l’interroge sur sa sexualité, Milo Yiannopoulos, soutien affiché de Donald Trump et éditorialiste du site d’extrême droite Breitbart, tient à plusieurs reprises des propos pour le moins étranges, après avoir expliqué qu’il a eu, à environ 14 ans, des relations sexuelles avec un prêtre :

« Dans le monde homosexuel, en particulier, ces relations entre des garçons et des hommes plus âgés (…) aident les garçons à découvrir qui ils sont, et leur donnent de la sécurité, de l’amour (…) alors qu’ils ne peuvent pas parler à leurs parents. »

« Pour moi, ça ressemble à des violences sexuelles », répond Joe Rogan. Un peu plus tard, Milo Yiannopoulos apostrophe le comédien : « Tu dis que tu n’as jamais vu une fille de 15 ans, à un moment de ta vie, et pensé qu’elle était sexy ? » Joe Rogan répond : « Si, quand j’avais 15 ans. »

La vidéo intégrale était disponible sur YouTube depuis 2016, mais n’a été largement diffusée qu’après la publication d’extraits sur les réseaux sociaux par des critiques de M. Yiannopoulos cette semaine. Le 19 février, ce dernier a affirmé que la vidéo était truquée. « Il y a une vidéo qui tourne qui prétend me montrer (…) faisant l’apologie de la pédophilie (totalement faux) », a-t-il écrit sur Facebook, accusant des membres du Parti républicain d’être à l’origine de ce qu’il présentait comme une machination.

Ce lundi, il a fait machine arrière, reconnaissant « être partiellement en faute » :

« Je suis homosexuel, et j’ai été la victime de pédophiles. Je veux réaffirmer mon dégoût total envers les adultes qui abusent de mineurs (…). J’ai exprimé à plusieurs reprises mon dégoût pour la pédophilie dans mes écrits. (…) Mais je comprends que ces vidéos, même si certaines sont montées pour induire en erreur, montrent une autre image. »

Livre et conférence annulés

Après la diffusion à grande échelle de la vidéo, une partie des républicains s’est distanciée du polémiste. Son invitation au CPAC, une grande rencontre des conservateurs américains, a été annulée. Surtout, l’éditeur américain Simon & Schuster a annoncé qu’il ne publierait pas son livre Dangerous, une autobiographie pour laquelle M. Yiannopoulos aurait reçu une avance de plus de 200 000 dollars, et qui a figuré à plusieurs reprises depuis l’élection de Donald Trump en tête des meilleures préventes d’Amazon.

Figure extrêmement controversée même au sein de la droite américaine, Milo Yiannopoulos s’est fait connaître en s’affichant comme porte-parole autoproclamé du mouvement dit « Gamergate », une coalition hétéroclite affirmant défendre « l’éthique dans le milieu du jeu vidéo », mais qui s’est surtout fait remarquer pour des campagnes de harcèlement contre des développeuses et des journalistes. M. Yiannopoulos est considéré comme l’une des personnes clés ayant construit un pont entre le « Gamergate » et le courant dit de l’alt-right, le mouvement d’extrême droite qui a largement soutenu la candidature de Donald Trump.

Se présentant comme un héraut de la liberté d’expression, Milo Yiannopoulos fait partie des rares personnalités à avoir été bannies de Twitter, après avoir incité ses abonnés à harceler l’actrice Leslie Jones. Plus récemment, il avait été invité à donner une conférence à la prestigieuse – et très progressiste – université de Berkeley, conférence finalement annulée après de violentes manifestations contre sa venue. Donald Trump avait alors menacé de couper les financements fédéraux de l’université, l’une des plus réputées du pays. A Seattle, fin janvier, un manifestant qui protestait contre une autre conférence de M. Yiannopoulos avait été blessé par balle.

Même au sein de Breitbart News, la personnalité et les outrances permanentes – propos misogynes ou racistes – de Milo Yiannopoulos semblent ne pas faire l’unanimité. Selon la presse américaine, plusieurs employés du site ont menacé de démissionner si la direction ne le licenciait pas. M. Yiannopoulos doit tenir une conférence de presse à New York, mardi 21 février dans l’après-midi.