Le « pire studio de jeux vidéo de tous les temps » renonce à poursuivre un critique en justice
Le « pire studio de jeux vidéo de tous les temps » renonce à poursuivre un critique en justice
Par Corentin Lamy
Le tristement célèbre studio Digital Homicide avait déposé en mars 2016 une plainte pour diffamation contre le critique Jim Sterling. Il vient de la retirer.
Un créateur peut-il demander réparation à un critique qui, en disant du mal de son œuvre, aurait heurté son succès commercial ?
C’est la question à laquelle aurait dû répondre la justice américaine si la procédure que le studio Digital Homicide a intentée en mars 2016 à l’encontre de Jim Sterling était allée à son terme. Les créateurs des jeux Slaughtering Grounds ou Krog Wars réclamaient ainsi plus de 10 millions de dollars à ce populaire critique de jeu vidéo, suivi par plus de 400 000 personnes sur YouTube.
Mais ça ne sera pas pour cette fois. Jim Sterling a annoncé mardi 21 février qu’un accord avait été trouvé et que James Romine, le cofondateur de Digital Homicide, acceptait de retirer sa plainte définitivement. « Le plaignant a accepté d’abandonner ses poursuites après que mon avocat lui a expliqué ce qu’il se passerait s’il portait l’affaire devant les tribunaux, et comment nous agirions », explique Jim Sterling sur son blog.
Une centaine d’internautes poursuivis
En mars 2016, ce créateur de jeu vidéo controversé avait poursuivi en diffamation Jim Sterling, réclamant dans un premier temps 10 millions de dollars, puis 15, au motif que le critique avait qualifié dans une vidéo Slaughtering Grounds de « prétendant au titre de pire jeu de 2014 » et d’« échec absolu ». Le critique avait aussi estimé que Digital Homicide était « le pire studio de jeu vidéo de tous les temps ».
SLAUGHTERING GROUNDS - New 'Worst Game Of 2014' Contender
Durée : 10:28
Le fondateur de l’entreprise ne s’est pas arrêté là. En septembre de la même année, James Romine avait également entamé des poursuites à l’encontre d’une centaine d’internautes, très critiques à l’encontre des jeux du studio, qu’il accusait de harcèlement. Une plainte qu’il avait dû abandonner un mois plus tard, faute de moyens financiers : « Digital Homicide a été attaqué de toutes parts. Le studio n’existe plus », déclarait-il alors dans une interview au site TechRaptor.
Il aura fallu quatre mois de plus à l’avocat de Jim Sterling pour le convaincre d’en faire autant concernant la plainte contre son client. Jim Sterling évoque aujourd’hui, sur son blog, une démarche « épuisante aussi bien matériellement qu’émotionnellement ».
« Je pense personnellement que cette poursuite est une atteinte à mon droit d’exercer mon métier (…). Qu’on puisse vous forcer à dépenser tant d’argent et à faire tant d’efforts pour vous défendre contre des accusations fallacieuses devrait inquiéter toutes les personnes dont le métier consiste à dire des choses que d’autres gens ne vont pas aimer. »
Pratiques commerciales douteuses
Outre ses produits à la qualité discutable, Jim Sterling et des centaines de joueurs reprochaient à James Romine et au studio Digital Homicide ses pratiques commerciales.
Digital Homicide aurait, selon eux, profité du laxisme de l’incontournable boutique de jeux vidéo en ligne Steam pour publier, pendant deux ans, une vingtaine de jeux systématiquement mal reçus par les joueurs (l’agrégateur Metacritic leur octroie des notes allant de 0,3 à 3,2 sur 10)… En achetant, prétendent ses détracteurs, les votes de joueurs nécessaires pour se voir publier.
Un peu moins du quart des jeux sortis sur Steam au cours des vingt-quatre heures ayant précédé la rédaction de cet article. | Valve
Longtemps réservée aux jeux à gros budget et au niveau de finition professionnel, Steam s’est ouvert en 2012 aux productions indépendantes, faisant exploser du même coup le nombre de jeux présents sur son catalogue : en 2016, 4 207 jeux, de qualité très variable, ont été publiés sur Steam.
Le 10 février, Valve, le propriétaire de Steam, a annoncé qu’il reverrait au deuxième trimestre 2017 le système d’admission de la boutique en ligne. Pour les joueurs et les développeurs, l’espoir, peut-être, de ne plus voir les bons jeux ensevelis sous les titres comme Slaughtering Grounds.