François Bayrou et Emmanuel Macron se sont rencontrés dans un restaurant, près du palais de Tokyo, suite à l'annonce du ralliement du premier au second. | LAURENCE GEAI POUR LE MONDE

Une alliance inédite s’est forgée cette semaine, entre un vieux routier de la politique et un jeune homme prétendant aux plus hautes fonctions. Le centriste François Bayrou, 65 ans, trois présidentielles à son actif, a proposé un rapprochement à Emmanuel Macron, 39 ans, ex-ministre, ex-banquier d’affaires et candidat à la présidentielle. De quoi dérouter les électeurs traditionnels du MoDem de M. Bayrou ? Pas tant que ça…

De nombreux lecteurs se revendiquant proches du centre ont répondu à l’appel à témoignage lancé par Le Monde après l’annonce du pacte entre MM. Bayrou et Macron. Dans l’ensemble, ils saluent cette volonté de rapprochement.

« J’en ai assez du dogmatisme gauche-droite »

« Ce choix fait honneur à M. Bayrou et montre qu’il est encore possible de se rassembler pour des idées », salue Jérôme S., 46 ans. En renonçant à faire campagne « alors qu’il en avait une énorme envie », M. Bayrou « a fait preuve d’un grand courage et d’une grande intégrité », acquiesce Fabrice B. « Je ne suis pas d’accord sur tout » ce que propose M. Macron, « mais le dialogue est possible » et « il n’est pas aveuglé par le clivage droite-gauche », se félicite ce jeune homme de 36 ans.

« J’en ai assez du dogmatisme gauche-droite », alors « oui, oui, oui, j’approuve ce rapprochement plein d’espoir, de renouveau de la vie politique, d’ouverture d’esprit, d’humanisme, de modernité », appuie Danielle S., 71 ans. Thierry F., 54 ans, estime aussi que l’alliance Macron-Bayrou signe « la fin d’un système politique », miné par « le bipartisme ».

Le chef du MoDem « pourrait apporter une caution morale à la candidature de M. Macron, surtout si ce dernier applique les conditions de cette alliance (moralisation [de la vie publique], proportionnelle…) », détaille Vincent C., 35 ans. Le maire de Pau offre au leader d’En Marche ! « un surcroît de crédibilité incontestable, en plus d’une solide expérience », se réjouit Didier B., 75 ans. Depuis mercredi, ce retraité qui se décrit comme un « ancien militant épisodique du MoDem » est maintenant sûr : « Je voterai donc Macron, même s’il me semble trop tendre. »

Bayrou « évite un éparpillement de voix devant la montée du FN »

Le choix fait par François Bayrou « permet à des citoyens d’avoir une offre sans excès, équilibrée », complète Nathalie B. qui souligne sa satisfaction de voir apparaître dans le débat public des valeurs telles que « la moralisation de la vie politique, l’Europe, le travail respecté tout comme les croyances de chacun ». Sylvain D., 28 ans, est, lui, content de constater que « les valeurs progressistes » que M. Bayrou a « portées seul durant des années » soient mieux mises en avant : « Cette solitude ne faisait pas le poids face aux partis ancestraux » et accompagnait « la percée du FN ».

Pour lui, comme pour beaucoup d’internautes, l’attelage Macron-Bayrou est de nature à constituer un nouveau poids face à l’extrême droite. En se retirant de la course, M. Bayrou montre, selon Fabien V., 35 ans, qu’il est « un homme qui a compris le danger qui plane sur notre cher pays de voir le FN faire main basse sur notre avenir ». Il « évite un éparpillement de voix devant la montée du FN », se réjouit Yvonne B.

« Dans le contexte actuel de déliquescence politique et citoyenne », Laurence L., 56 ans, pense que cette alliance peut être « une bonne chose ». « Mais, ajoute-t-elle, j’attends néanmoins le programme d’Emmanuel Macron avec impatience. Saura-t-il trouver le subtil équilibre entre relance économique, rénovation des institutions et de leur éthique, refondation de l’éducation permettant de redonner un sens au mot intégration ? » Peut-être aura-t-elle sa réponse le 2 mars, date à laquelle le leader d’En Marche ! doit présenter son programme.

« Macron est le candidat des financiers »

Quelques personnes voient toutefois d’un mauvais œil le rapprochement entre les deux hommes. Jonathan T., 24 ans, a voté pour François Bayrou en 2012 par « attrait de son approche de la politique sans argent ». Aussi, il estime que « son ralliement entraîne du dégoût car Macron reste un millionnaire proche du patronat, énarque et proche du pouvoir aussi ». Le jeune homme pense se tourner maintenant vers Benoît Hamon qui « semble moins un candidat du marketing ».

« Comme François Bayrou l’a très bien dit, Emmanuel Macron est le candidat des financiers, se lamente Pierre V., faisant référence aux déclarations passées du centriste à propos de l’ex-ministre de l’économie. Il est aussi et surtout le candidat d’une gauche libérale complètement décomplexée qui n’a aucune morale », complète-t-il.

M. Bayrou n’est pas « un vrai centriste », estime, pour sa part, Jean-Patrick P., 71 ans, pour qui le maire de Pau s’allie avec M. Macron « uniquement pour nuire au candidat de la droite et du centre désigné [par la primaire] ». « Il ne faut pas oublier qu’il a soutenu M. Hollande, homme de gauche, contre le candidat de la droite. Il refait le même choix aujourd’hui », grince-t-il.