Avant le troisième débat télévisé pour la primaire de la gauche sur le plateau de France 2 à Saint-Cloud, jeudi 19 janvier 2017. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Editorial du « Monde » Depuis le temps que les mauvais esprits, y compris socialistes, annoncent la mort du PS, ils vont peut-être finir par avoir raison. Déjà, au début des années 1990, après la vendetta du congrès de Rennes, la bérézina des législatives de 1993 et la fin de règne funèbre de François Mitterrand, l’élan que celui-ci incarnait depuis vingt ans avait paru brisé. Lionel Jospin avait relevé le gant et restauré l’espoir. Son échec le 21 avril 2002 avait encore sonné le glas, avant que François Hollande ne redonne au PS une troisième vie en 2012.

Le voici, à nouveau, en grand péril. A la veille de la primaire qui doit désigner leur candidat à l’élection présidentielle, les socialistes sont confrontés à plusieurs crises d’autant plus redoutables qu’elles se cumulent.

La première est de leadership. Depuis quinze ans, aucun des dirigeants du parti ne s’est durablement imposé : Jospin puis Ségolène Royal ont été écartés après leurs échecs respectifs de 2002 et 2007 à la présidentielle ; Hollande, affaibli comme jamais un président avant lui, a été contraint de renoncer à briguer un second mandat. Le 29 janvier, la primaire de la « Belle Alliance populaire » aura désigné un candidat. Mais ce dernier aura bien du mal à devenir le chef incontesté de son camp, tant celui-ci est miné de l’intérieur et concurrencé de l’extérieur.

En effet, le PS est aujourd’hui en panne d’un projet convaincant et partagé. L’exercice du pouvoir depuis cinq ans l’a démontré : la fracture est profonde entre ceux qui ont gouverné, au premier rang desquels ­Manuel Valls, et ceux qui ont mené la fronde depuis deux ou trois ans, parmi lesquels Benoît Hamon et Arnaud Montebourg.

Pragmatisme et illusions lyriques

Les débats de la primaire l’ont confirmé : entre le pragmatisme, le respect d’un minimum de sérieux budgétaire, le souci d’adapter la France aux contraintes de la mondialisation d’un côté et, de l’autre, les illusions lyriques, les promesses de changer la vie ou la propension à prendre ses désirs pour la réalité, la synthèse est difficilement concevable. Faute de réalisme, l’on n’est pas crédible, disent les uns. Le réalisme conduit au renoncement, accusent les autres.

Ce clivage est d’autant plus profond qu’il est amplifié par la concurrence extérieure : Jean-Luc Mélenchon revendique sans ménagement la prééminence à gauche et se veut le meilleur héritier du PS d’Epinay ; Emmanuel Macron entend lui dérober le talisman de la réforme et de la modernité, au nom du « progressisme ». C’est la troisième crise à laquelle doivent faire face les socialistes. Ils ne parviennent plus à rassembler la gauche derrière eux. C’était pourtant la principale leçon de Mitterrand : seule une stratégie d’union de la gauche peut lui permettre d’accéder au pouvoir. On en est plus loin que jamais.

Enfin, et c’est la dernière crise, les fondations du PS sont menacées. Patiemment construite et renouvelée depuis les années 1970, sa base territoriale s’est méchamment rétrécie au fil des élections municipales, cantonales et régionales de ces dernières années. Quant à sa base sociale historique, cela fait près de deux décennies que les classes populaires, ouvriers et employés, ont largement déserté la gauche et cédé aux sirènes populistes du Front national. D’une manière ou d’une autre, tout est à reconstruire.

Les socialistes ont raison de dénoncer ceux qui les enterrent trop vite. Mais ils vont avoir fort à faire pour convaincre du contraire.