Contre le fichage des musulmans, Amnesty interpelle les entreprises collectant des données
Contre le fichage des musulmans, Amnesty interpelle les entreprises collectant des données
Si Twitter, Facebook et Google ont assuré qu’ils ne participeraient pas à l’élaboration d’un tel fichier si l’administration Trump le leur demandait, ce n’est pas le cas d’autres entreprises qui collectent, analysent et vendent des données personnelles.
Amnesty International a appelé une cinquantaine d’entreprises à s’engager contre le fichage des musulmans. | QUENTIN HUGON / Le Monde
« Il n’y a besoin que de cinq clics sur ExactData.com pour qu’on nous propose de télécharger les données concernant 1 845 071 personnes listées comme musulmanes aux Etats-Unis. » C’est face à ce constat que l’ONG Amnesty International et seize autres organisations non gouvernementales ont décidé lundi 27 février d’interpeller une cinquantaine de « data brokers », des entreprises spécialisées dans la collecte, l’analyse et la revente de données personnelles. Elles leur demandent, dans une lettre, de s’engager publiquement à ne jamais permettre « que leurs données ou leurs services soient utilisés par les autorités pour violer les droits humains, notamment ceux des musulmans et des migrants, à l’évidence menacés ».
En décembre, déjà, plusieurs géants du Web comme Facebook, Google, Twitter, Apple ou Microsoft avaient dû s’engager à ne jamais participer à la création d’un registre de musulmans, après avoir été interpellés par le site The Intercept. Le futur président américain avait en effet laissé entendre, après les attentats du 13 novembre 2015 en France, qu’il mettrait « certainement en place » une base de données pour lister les musulmans présents aux Etats-Unis. Mais il s’était ensuite montré très vague dans ses réponses quand il était interrogé à ce sujet.
Des entreprises « dont vous n’avez pas entendu parler »
« Trump a notoirement refusé d’exclure la possibilité d’un registre de musulmans », écrit Amnesty dans un long texte, « et il a fait part de son intention d’expulser entre 2 et 3 millions d’immigrés sans papiers ». Or, interroge-t-elle, « si le président des Etats-Unis voulait réellement créer un fichier de tous les musulmans vivant dans le pays (...), à quel point serait-il facile pour lui de rassembler ce type d’information en 2017 ? »
L’ONG déroule la réponse dans un long argumentaire, rappelant qu’en dehors de Google et de Facebook, d’autres entreprises, « dont vous n’avez probablement pas entendu parler », collectent des données personnelles et les revendent :
« Chaque fois que vous utilisez votre carte bancaire, activez le wifi sur votre mobile, lisez un site d’information en ligne, approuvez des conditions d’utilisation, autorisez une application à accéder à vos comptes sur les réseaux sociaux, participez à un sondage ou faites un achat, il y a de fortes chances qu’une entreprise – ou plusieurs – se battent pour vos données. »
Informations détaillées
En recoupant et en analysant ces informations, elles sont capables de classer les internautes par sexe, âge, lieu de vie, centres d’intérêt, revenus, mais aussi par religion ou ethnie, parmi d’autres nombreux critères. Une autre entreprise qu’ExactData.com a ainsi affirmé à Amnesty International qu’elle était capable de fournir une liste de 3,7 millions de musulmans présents aux Etats-Unis, « fiable à 85 % ».
Or, si les géants du Web ont exprimé publiquement leur position à ce sujet, et critiqué plus récemment le décret sur l’immigration signé par Donald Trump, ce n’est pas le cas de la plupart des entreprises collectant et analysant ces données. Amnesty précise toutefois que certaines, comme Acxiom, Recorded Future et CoreLogic, ont déjà promis dans la presse qu’elles ne participeraient pas à la création d’un registre de musulmans. Mais « il n’y a besoin que de la coopération d’une petite ou d’une moyenne entreprise pour que les autorités puissent avoir accès à des informations extraordinairement détaillées sur les musulmans ou les immigrés aux Etats-Unis », prévient l’ONG.