Mais pourquoi les Dacia ont-elles tant de succès ?
Mais pourquoi les Dacia ont-elles tant de succès ?
Par Jean-Michel Normand
Prix, allure, niveau d’équipement, sensations de conduite… Rien de tout cela ne suffit à expliquer que les modèles du constructeur low cost aient tant de fans.
11 200 personnes ont participé au grand pique-nique Dacia, le 26 juin 2016, au domaine de Courson, dans l’Essonne. | Jean Charles Caslot Agence NovaboxPic Nic
Logan, Duster, Sandero… On connaît davantage ces modèles que la marque à laquelle ils appartiennent. Pourtant, Dacia est un phénomène dans l’univers automobile. En 2016, sans avoir le moins du monde renouvelé sa gamme, le constructeur roumain fondé en 1966 et repris en 1999 par Renault a encore battu ses records de vente. En France, la firme a franchi pour la première fois la barre des 100 000 immatriculations et se hisse au cinquième rang des constructeurs. Si l’on ne considère que les ventes aux particuliers, la Sandero occupe régulièrement la première place du classement. Cette année devrait être faste pour Dacia, qui a engagé depuis le début 2017 le toilettage de la gamme et va renouveler le Duster, l’un de ses principaux best-sellers.
L’équation Dacia apparaît plus complexe qu’il n’y paraît. Certes, cette marque est la moins chère du marché, mais on n’achète pas seulement ses voitures à cause de leur prix – loin de là. Les tarifs plancher ont beau se situer en dessous de 8 000 euros, la facture moyenne payée par les acheteurs est largement supérieure (elle s’approche des 18 000 euros pour le Duster) à celle du catalogue. Les versions de base, avec leurs vitres à manivelle, leurs jantes en tôle et leur planche de bord dépourvue d’autoradio ne se vendent pratiquement pas.
Une sonorité peu distinguée
Ce n’est pas non plus leur esthétique qui prodigue aux Dacia une aura particulière. Le constructeur roumain apporte la démonstration que l’on peut concevoir des voitures pas chères sans être moches, mais il faut reconnaître que, dans la rue, personne ne se retourne sur leur passage.
Destinés à inspirer la robustesse et non à faire du charme, ces modèles ne se situent pas à l’avant-garde de la modernité, y compris d’un point de vue esthétique. Ce qui n’exclut pas la recherche d’une certaine coquetterie. Le restylage que vient d’opérer le constructeur en ce début d’année intègre une nouvelle signature lumineuse avec des LED à l’avant et des pavés éclairés à l’arrière, ainsi que des inserts de chrome plus nombreux sur la calandre de certains modèles. A l’intérieur, toujours pas de trace de revêtements moussés mais, désormais, des plastiques « Soft Feel », avec – s’il vous plaît – un effet « chrome satiné » et un accoudoir escamotable entre les deux sièges. Ce qui n’empêche pas les serrures et les portières d’émettre, à l’usage, une sonorité pas vraiment distinguée.
Le nouveau Sandero, en version Stepway, s’est refait une beauté. | Dacia
Ce n’est pas davantage la dotation des Dacia qui fait la différence. Les versions 2017 ont droit à l’assistance au démarrage en côte, aux commandes de lève-vitres sur les contre-portes, à une prise 12 volts à l’arrière et (en option) à une caméra de recul. Mais il y a bien longtemps que la plupart des modèles des autres marques en sont dotés. A bord de la Sandero, point d’essuie-glaces à déclenchement automatique ni de phares qui s’allument tout seuls à l’entrée du parking, de volant réglable en profondeur ou de rétroviseurs rétractables électriquement.
Dacia ne procure pas non plus de sensations de conduite particulières. Les moteurs sont modernes – l’antique quatre-cylindres essence de 1,2 litre d’entrée de gamme vient de céder sa place à un trois-cylindres de 75 ch à la fois plus économe et plus allant – mais ils n’affichent pas des performances ébouriffantes. L’introduction dans le catalogue de transmissions automatiques s’effectue sans hâte (seul le Duster peut être commandé avec la boîte EDC à double embrayage) et il n’est pas question d’envisager l’arrivée de motorisations hybrides. Conduire une Dacia n’a rien d’inoubliable, mais rien d’ennuyeux non plus. Le remarquable niveau de confort de ces voitures, avec lesquelles on peut envisager de parcourir de longs trajets, et leur belle habitabilité, forcent le respect.
A leur manière, les Dacia sont peut-être des voitures « antisystème »… Le succès de cette marque dite low cost s’inscrit à contre-courant du credo dominant qui fait rouler des modèles toujours plus sophistiqués, connectés et performants. Sa réussite tient sans doute au fait que le contrat passé avec la clientèle est clair : un excellent rapport prix-prestations, sous-tendu par une conception très rationnelle de l’automobile.
Pique-niques et tee-shirts
De quoi entretenir le sentiment de n’avoir rien cédé – ou si peu – à la pression commerciale et au « toujours plus » qui contribue à exclure du marché du neuf un nombre important d’automobilistes appartenant à des milieux modestes… ou soucieux de ne pas dépenser plus que de raison dans une voiture.
Cet état d’esprit a contribué à faire apparaître, depuis le lancement de la première Logan, en 2005, une communauté de propriétaires de Dacia qui, chaque été, organise de grands pique-niques à Paris, Nantes ou Lyon avec le soutien de la marque. Au programme, distribution de tee-shirts « J’aime Dacia », organisation d’activités pour les enfants et concerts. Un fan-club que Dacia n’hésite pas à mettre à contribution. Désormais, quiconque souhaite effectuer un essai peut directement prendre contact avec un possesseur de Dacia, qui se fera un plaisir de lui dire tout le bien qu’il pense de sa voiture.
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