Au Salon de l’agriculture, Marine Le Pen suscite la curiosité
Au Salon de l’agriculture, Marine Le Pen suscite la curiosité
Par Olivier Faye
A la question d’un éventuel vote en faveur de la candidate du Front national, à la présidentielle, certains agriculteurs répondent « pourquoi pas » ou « on peut toujours essayer ».
Le désarroi reste un des ressorts les plus forts du vote – ou de l’abstention. Et il représente aussi depuis des années un des moteurs du succès du Front national, ce que Marine Le Pen a reconnu, dimanche 26 février, dans un meeting à Nantes, en déclarant que les électeurs exprimaient une « colère tellement légitime » en votant pour elle.
Dans les travées du Salon de l’agriculture, mardi 28 février, à Paris, la candidate du FN à l’élection présidentielle en a trouvé, de la « colère ». Celle d’agriculteurs déclarant : « Je ne crois plus à la politique. » D’éleveurs déplorant : « Les candidats ne parlent jamais d’agriculture à la télévision. » De producteurs soulignant : « On vit, mais les loisirs on oublie. » Celle d’un monde agricole frappé par la crise, qui pourrait se détourner du candidat de la droite traditionnelle pour la première fois, et lui préférer l’extrême droite.
Selon un sondage réalisé par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) pour Le Monde, 35 % du monde agricole pourrait voter en faveur de la fille de Jean-Marie Le Pen au premier tour de la présidentielle, le 23 avril, contre seulement 20 % pour le candidat Les Républicains François Fillon. En 2012, Nicolas Sarkozy captait encore 44 % de leurs voix.
« On peut toujours l’essayer »
« Pourquoi pas, répond Didier Chassot, éleveur de charolaises, à la question d’un éventuel vote frontiste. On importe aujourd’hui de la viande d’Amérique du Sud à 1,70 euro le kilo. Nous, à 2,80 euros le kilo, on perd de l’argent à la produire. » Le discours entre en résonance avec les mesures protectionnistes promises par la présidente frontiste, qui veut « arrêter la concurrence déloyale et les accords de libre-échange qui mettent nos producteurs en concurrence avec des gens qui n’ont pas les mêmes normes que les nôtres ».
Mais d’autres pans du programme de la candidate, notamment sur la politique agricole commune, qu’elle qualifie d’« échec absolu », sur les aides, qu’elle veut « franciser », ou sur les frontières nationales, qu’elle entend « rétablir », passent moins bien. « On travaille beaucoup à l’export, pour écouler nos productions. Ça va être compliqué si on ferme les frontières », assure Cyril Courdier, fabricant de fromage dans le Jura.
L’accueil réservé à la présidente frontiste dans le Salon n’était ni enthousiaste ni hostile, mais empreint d’une curiosité bienveillante. « Je ne sais pas vraiment ce qu’elle propose, confesse Camille Lassalle, éleveur de gasconnes dans l’Aude. Mais on peut toujours l’essayer. » Autant que le désarroi, la virginité de son exercice du pouvoir reste pour le FN un moyen de mobiliser les électeurs.