Devenir réfugié en France, mode d’emploi
Devenir réfugié en France, mode d’emploi
Par Maryline Baumard
Enregistrement, hébergement, protection et longue attente de l’asile : comment la France répond-elle aux 85 244 demandes enregistrées en 2016 ?
En février 2016, des milliers de réfugiés sont arrivés des îles grecques de Lesbos et Chios au port du Pirée, près d’Athènes. | LOUISA GOULIAMAKI / AFP
En théorie, le pays de la déclaration des droits de l’homme a tout prévu pour simplifier et sécuriser la demande d’asile. Dans la pratique, c’est une autre histoire…
L’arrivée solitaire
Quand l’exilé arrive dans une ville française, il se rend à la Plateforme d’accueil des demandeurs d’asile (PADA) et y déclare sa volonté d’obtenir la protection de la France. L’association qui gère ce centre doit lui donner un rendez-vous sous trois à dix jours à la préfecture, où il rencontre un agent de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et un fonctionnaire. Dans la loi sur l’asile votée en juillet 2015, c’est aussi simple que ça. La réalité est plus compliquée. D’abord, si chaque département compte en théorie une PADA, celle de Paris et quelques autres ressemblent à des forteresses. Dans la capitale, les migrants ont passé des nuits entières sur le trottoir afin d’être seulement admis à y pénétrer le matin à l’ouverture, car seul les premiers arrivés sont reçus. Une fois à l’intérieur, le migrant obtient un ticket lui donnant un rendez-vous… mais sous plus d’un mois.
L’hébergement galère…
Alors que la loi stipule que les demandeurs d’asile sont hébergés, ce n’est pas le cas pour tous. Ceux qui ne sont ni mineurs, ni venus en famille, ni vulnérables, dormaient à coup sûr dehors avant la mise en place des Centres d’accueil et d’orientation (CAO). Ces lieux qui n’ont pas de cadrage juridique, sont gérés par des associations, répartis un peu partout en France pour suppléer les Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), en nombre insuffisant. Que le demandeur soit ou non hébergé, il doit élaborer son dossier en écrivant un récit traduit pour convaincre qu’il ne pouvait rester dans son pays, et qu’il était personnellement menacé. Ensuite il défend son histoire lors d’un entretien avec un agent de protection.
La longue attente
Il ne reste plus alors qu’à attendre en moyenne cinq mois en croisant les doigts. Le demandeur dispose alors des 6,80 euros quotidiens de son allocation de demandeur d’asile (ADA) ou de 4,20 euros s’il est hébergé. Il n’a le droit de travailler qu’au bout de neuf mois.
En 2016, 35 % des requérants ont obtenu l’asile. Un taux qui varie fortement d’une nationalité à l’autre. Les cinq nationalités qui ont le plus sollicité la protection de la France sont le Soudan (5 866 demandes et 33 % d’accord), l’Afghanistan (5 641 demandeurs et 80 % d’accord), Haïti (4 854 et 5 % d’accord), l’Albanie (4 599 et 5 % d’accord) et la Syrie (3 562 et 97 % d’accord).
500 jours, 25 migrants, 4 journaux, 1 projet
Pendant un an et demi, quatre grands médias européens, dont Le Monde, vont raconter chacun l’accueil d’une famille de migrants. Le projet s’appelle « The new arrivals ». A Derby, au nord de Londres, c’est la vie d’un agriculteur afghan et de son fils que décrira le Guardian. A Jerez de la Frontera, en Andalousie, El Pais suivra une équipe de foot composée de migrants africains. A Lüneburg, près de Hambourg, Der Spiegel va chroniquer le quotidien d’une famille de huit Syriens.
Comment vont se tisser les liens de voisinage ? Les enfants réussiront-ils à l’école ? Les parents trouveront-ils du travail ? Les compétences de ces migrants seront-elles mises à profit ? L’Europe les changera-t-elle ou changeront-ils l’Europe ?
Ce projet, financé par le European Journalism Centre, lui-même soutenu par la Fondation Bill & Melinda Gates, permettra de répondre à ces questions – et à bien d’autres.
Un total de 85 244 demandes a été enregistré en 2016, soit une hausse de 6,5 % en un an. L’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, a accepté 19 834 d’entre elles. Les refusés, eux, ont déposé un recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), qui à son tour a accepté 6 517 dossiers. Mais, dans ce cas, il a encore fallu attendre sept mois pour avoir une réponse. En définitive, la procédure moyenne dure treize mois entre l’entrée à la PADA et la réponse finale.
L’asile « sécurisé »
Pour un migrant, le premier challenge est d’arriver en France. Bon nombre des quelque 4 000 migrants morts en Méditerranée en 2016 avaient tenté cette traversée dans le but de venir déposer en Europe une demande d’asile. La France dispose d’un outil qui permet à quelques-uns d’obtenir une arrivée sécurisée sur le territoire grâce aux visas « asile ». Ce sésame reste méconnu car les consulats n’en font pas la promotion sur leur site Internet. En fait, son usage est très discrétionnaire, au point que seuls 2 745 Syriens et 1 369 Irakiens en ont obtenu un en 2016. Ces heureux bénéficiaires ont pu venir régulièrement en France avant même de lancer leur procédure.
L’asile en descendant de l’avion
Il y a plus simple encore puisque certains réfugiés se sont vus remettre leur titre de réfugié à l’aéroport, en guise de cadeau de bienvenue. Depuis 2014, 3 259 personnes ont en effet été entendues par les agents de protection de l’OFPRA dans les pays de « premier accueil » que sont la Jordanie, le Liban et la Turquie, où des Syriens sont réfugiés. Pour soulager ces voisins de la Syrie, la France a en effet pris l’engagement de recevoir sur son territoire 10 371 réfugiés à « réinstaller » : 2 217 personnes étaient arrivées fin 2016 pendant que 800 autres avaient été entendues par l’OFPRA et restaient en attente d’un visa du ministère de l’intérieur pour commencer leur nouvelle vie. De même, 3 259 réfugiés ont été relocalisés dans le cadre des accords européens, sur un engagement de 30 000 avant fin 2017. Il s’agissait cette fois de soulager les pays d’Europe qui accueillent le plus : la Grèce et l’Italie.
Protégé pour un ou dix ans
Lorsque la France protège, elle accorde une carte de dix ans aux bénéficiaires de la Convention de Genève et une carte de séjour d’une année à ceux qui ne bénéficient que de la « protection subsidiaire ». Le nouveau réfugié peut ensuite faire venir sa famille.