Benoît Hamon et Yannick Jadot, devant la presse au QG de campagne de Benoît Hamon à Paris, le 26 février. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR "LE MONDE"

Après plus de trois semaines de tractations, les électeurs écologistes ont approuvé, dimanche 26 février, à une très large majorité (près de 80 %), l’accord sur un programme commun conclu entre Yannick Jadot et Benoît Hamon. Un texte auquel Jean-Luc Mélenchon n’est pas associé.

Yannick Jadot ne se présentera donc pas à la course à la présidentielle – une première pour un candidat Vert depuis 1969, laissant Benoît Hamon porter seul les idées écologistes. Le candidat socialiste est-il le mieux placé pour les incarner ? Pas forcément, si l’on en juge les nombreuses réponses de lecteurs qui ont répondu à l’appel à témoignages lancé par Le Monde après l’annonce de l’accord entre les deux hommes.

Si notre consultation ne prétend pas à l’exhaustivité et n’a aucune valeur scientifique, il en ressort néanmoins que pour une grande majorité de ces lecteurs, Jean-Luc Mélenchon est aujourd’hui « le seul candidat qui présente un programme complet et cohérent qui s’articule autour de l’écologie et de l’humain », comme nous le confie Ghazi C., 42 ans. Tifaine I. abonde dans le même sens : « Avec des mesures adaptées au cœur de son programme – transition énergétique, agriculture biologique, règle verte… Il est celui qui est le plus crédible car toutes ses propositions sont chiffrées. »

Peu populaire parmi les agriculteurs, le candidat de La France insoumise n’en a pas moins le soutien de Dominique D., maraîcher bio à la retraite, qui pense que « Mélenchon est capable d’imposer nos points de vue à la grande distribution, à l’industrie agroalimentaire, aux laboratoires pharmaceutiques, aux lobbyistes de la chimie et de la grande bouffe ».

Etienne L., professeur de 40 ans, analyse :

« C’est surtout le seul qui a compris que l’écologie repose sur le partage des richesses produites par la Terre, et qu’à ce titre, le néolibéralisme est incompatible avec l’écologie. »

« Seul son projet de planification écologique peut véritablement répondre à l’urgence du réchauffement climatique et stopper la destruction de l’écosystème. C’est lui le vrai candidat écolo de l’année », claironne Ben C., 23 ans. Certains osent des comparaisons audacieuses : « C’est dans la lignée de ces grands penseurs de l’écologie politique que sont Ivan Illich ou André Gorz que se situe sans conteste Jean-Luc Mélenchon », affirme ainsi Arthur C., étudiant parisien de 22 ans.

« Tripatouillages de partis »

D’autres dénoncent dans l’accord Jadot-Hamon des « calculs électoralistes » et y voient une nouvelle « décrédibilisation » d’Europe-Ecologie Les Verts (EELV), « en multipliant des accords électoraux qui ont tous été bafoués », selon Lucas G. « L’enjeu écologique s’est retrouvé pris au piège de tripatouillages de partis, et c’est très regrettable étant donné l’urgence », fait valoir cet élève normalien de 22 ans. Selim B., étudiant de 20 ans, votera également Mélenchon à cause, dit-il, « des jeux d’appareil d’un autre temps » du PS et d’EELV.

Ancien responsable des Verts dans les années 2000, Franck C. a envoyé, lundi 27 février, sa lettre de démission d’EELV, refusant l’idée d’une « candidature commune à la présidentielle » avec les socialistes. « En avril, je voterai Mélenchon », assure ce quinquagénaire.

Autre déçue, Isabelle R., qui n’a « pas du tout apprécié l’accord passé par Yannick Jadot avec Benoît Hamon ». « On ne brade pas l’écologie (…) pour obtenir quelques sièges à l’Assemblée ou pour des raisons de vote utile », tonne-t-elle. Le vote de cette graphiste de 40 ans, « très surprise par l’importance de la place que Mélenchon accorde à l’écologie », se reportera également sur le candidat de La France insoumise.

Idem pour Edouard R., 27 ans, « très mécontent du retrait de Yannick Jadot décidé sans avoir consulté au préalable les électeurs ». David M., lui, ne voit pas comment Benoît Hamon, « très minoritaire dans un parti qui n’avait jamais autant dérivé à droite », pourrait mettre en application les mesures de son programme. « Les jolies promesses avec les Verts connaîtront le même destin que l’accord de 2011 », promet ce Nantais de 29 ans, qui glissera un bulletin Mélenchon dans l’urne, le 23 avril.

« L’écologie peut enfin gagner en France »

En revanche, pour d’autres, l’accord signé entre Yannick Jadot et Benoît Hamon est « une bonne nouvelle ». « On peut qualifier cette alliance de victoire idéologique pour les écolos », fait ainsi valoir Glenn A., 30 ans, pour qui « il reste maintenant un défi majeur, celui de relancer la campagne de Hamon ». « Avec le ralliement d’EELV à Hamon, ces grands thèmes seront plus visibles encore dans le cadre de la campagne », se félicite Axel Gauvain, cadre de 26 ans.

Carole, 27 ans, de Montpelier, se dit « très satisfaite » :

« Cela m’évite un dilemme au premier tour entre le vote “utile” rassembleur, qui aurait été pour le PS, ou celui, plus proche de mes convictions, pour EELV. J’irai donc voter pour Benoît Hamon à la présidentielle sans hésitation. »

Tiago Carolino se montre encore plus enthousiaste. « L’écologie peut enfin gagner en France », souligne ce jeune électeur de 22 ans, qui confie avoir « voté EELV à toutes les élections depuis 2012 ». « L’écologie n’a jamais eu autant de chance d’arriver au sommet du pouvoir, et c’est une révolution pour l’écologie politique qu’il ne faudrait pas laisser filer. » Pour Vincent F., le seul candidat qui incarne l’écologie « c’est Yannick Jadot ». Pour autant, « ce rassemblement permet de donner une chance à la victoire de l’écologie », à condition que « toute la gauche y participe », prévient ce lycéen, membre d’EELV.

Daniel L. roule également pour Benoît Hamon, mais ce retraité breton prévient : « Le cœur va vers Hamon, mais la raison pourrait m’amener à choisir Macron si le danger Le Pen l’impose ». Laurent P. le rejoint sur le « vote utile » :

« Le jour du vote, je regarderai les sondages et ferai peut-être comme Cohn-Bendit, la mort dans l’âme mais sans hésiter. »

Le « pragmatisme » de Macron

Eux n’hésitent plus. Dès le premier tour de la présidentielle, le 23 avril, ce sera Emmanuel Macron. « Les “écolos” ne représentent pas du tout une vision scientifiquement saine », estime ainsi Alain B., physicien. Une vision partagée par Philippe C., cadre de 54 ans, qui apprécie le « réalisme écologique » du programme du candidat d’En marche ! sur la transition énergétique, élaboré pendant des mois « avec les meilleurs experts français ». Le « pragmatisme » est aussi mis en avant par Rémy D. pour justifier son choix. Ce Parisien de 34 ans se dit « très agréablement surpris par le projet de Macron sur l’écologie » et dénonce les « belles intentions » des projets de M. Hamon et M. Mélenchon.

Damien D. salue, lui, la « prise de conscience » et « le virage écologique » d’Emmanuel Macron. « C’est une forme d’humanisme. C’est une vision renouvelée de l’écologie politique », s’enflamme ce chercheur de 31 ans. Preuves, pour Jean-Michel H. et Fiona L. de la conversion verte de l’ancien ministre de l’économie, les ralliements de Daniel Cohn-Bendit et François de Rugy, qui « lui donnent une légitimité complémentaire ».

Quelques lecteurs, écologistes de la première heure, nous font part de leurs désillusions. Thierry L., 61 ans, qui a « fait la campagne de René Dumont en 1974 », « ne croi[t] plus en un mouvement écologiste politique ». Il dénonce les calculs politiques pour des « strapontins » et « les querelles incessantes ». Pour lui, « la défense de l’écologie ne se fera qu’au coup par coup ». Steven B. exhorte, lui, la société civile à « s’imposer face aux appareils politiques et aux jeux électoraux » en matière d’écologie. « Un autre modèle est possible », conclut-il.