Paris, en décembre 2016. | LIONEL BONAVENTURE / AFP

Les personnes d’origine maghrébine qui veulent louer un logement à Paris essuient plus fréquemment un refus que les candidats portant un nom à consonance française. Ce phénomène, qui ne constitue pas tout à fait une surprise, est lié à des choix discriminatoires des bailleurs dont l’ampleur est significative, comme le montre une étude rendue publique jeudi 2 mars. Réalisée par une « fédération » de chercheurs rattachée au CNRS, elle a été remise à la ministre du logement, Emmanuelle Cosse, en présence d’une représentante du défenseur des droits et du président de SOS Racisme, Dominique Sopo.

L’enquête en question repose sur un testing – une méthode « peu appliquée en France » s’agissant des discriminations dans l’accès au marché locatif. Quatre « identités fictives » d’individus à la recherche d’un toit ont été construites : deux d’entre elles « suggèrent une origine française » par le biais du patronyme tandis que les deux autres évoquent des racines nord-africaines. Au sein de chaque paire – la « tricolore » et la maghrébine –, une personne mentionne qu’elle est fonctionnaire pour installer l’idée que ses ressources sont stables ; l’ajout de ce paramètre « permet d’interpréter les raisons du refus de l’offreur » et de vérifier si c’est uniquement « la capacité supposée du locataire à s’acquitter de son loyer [qui est] en question ». Ces quatre profils ont répondu, presque en même temps, à 504 annonces immobilières dans Paris, de début avril à fin mai 2016.

Filtrage

L’exploitation des données est éloquente. Elle montre des discriminations « très fortes » à l’encontre des personnes d’origine maghrébine : le pourcentage de réponses favorables à leurs demandes de visite de logement s’élève à 12,9 %, contre 18,7 % pour un candidat « franco-français », « soit un tiers de chances en moins ».

Les écarts se creusent si le fait d’être fonctionnaire est mis en avant : pour un Nord-Africain indiquant sa qualité d’agent public, le taux de réponses positives se monte à 15,5 %, mais il est presque trois plus élevé s’agissant d’une personne « d’origine française » dans le même cas (42,9 %). Autrement dit, « un signal de stabilité professionnelle et financière » n’accroît fortement la probabilité d’obtenir un logement que pour les nationaux, ce qui laisse supposer l’existence d’un filtrage des requêtes en fonction de l’origine.

« Ce résultat est vérifié que l’annonce émane d’un particulier ou d’une agence immobilière », ajoutent les auteurs de l’étude. Mais quand l’offre locative est faite par une personne physique, la discrimination à l’égard des Maghrébins est beaucoup plus forte : dans ce cas-là, le pourcentage de réponses favorables n’est que 6,6 % (que le candidat soit employé dans le public ou non), tandis que pour une agence immobilière, le ratio est de 18,9 %, s’agissant d’un Nord-Africain non fonctionnaire et de 23,9 % dans l’hypothèse d’un Nord-Africain fonctionnaire.

Inégalités massives

Une autre enquête, conduite en 2015 sur la base d’un testing dans l’agglomération de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, avait révélé une discrimination « de grande ampleur » à l’égard des Kanak recherchant un toit. Mais dès l’instant où ceux-ci précisaient qu’ils étaient fonctionnaires, le pourcentage de réponses favorables s’élevait nettement, ce qui n’est pas le cas pour les Maghrébins qui frappent à la porte du marché locatif parisien. « On prend la mesure de l’aspect massif des inégalités d’accès au logement [dans la capitale] », commente Yannick L’Horty, professeur d’économie à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée et responsable de la fédération de chercheurs qui a produit l’enquête dévoilée jeudi.

Lors de la remise du rapport, Mme Cosse devait faire plusieurs annonces. L’une d’elle consiste à diffuser un guide pour sensibiliser les professionnels de l’immobilier à la problématique des discriminations.