« Ecologistes, nous choisissons Emmanuel Macron ! »
« Ecologistes, nous choisissons Emmanuel Macron ! »
Par Jean-Paul Besset (Anciens députés européens EELV), Daniel Cohn-Bendit (Anciens députés européens EELV) et Matthieu Orphelin (Ancien porte-parole de...
Nous voulons, dès le premier tour, infliger un cinglant désaveu électoral à Marine Le Pen et, en même temps, aux dérives réactionnaires d’une droite à la mode Fillon, expliquent les écologistes Jean-Paul Besset, Daniel Cohn-Bendit et Matthieu Orphelin, dans une tribune au « Monde ».
« Nous choisissons Emmanuel Macron en positif, pour ce qu’il impulse et permet d’envisager : la mobilisation des sociétés française et européenne, afin qu’elles saisissent la chance de sortir des modèles finissants (Photo: Daniel Cohn-Bendit (à droite) et Jean-Paul Besset, en 2011 à Clermont-Ferrand). | BERTRAND GUAY/AFP
[A quelques semaines de l’élection présidentielle, Jean-Paul Besset, Daniel Cohn-Bendit (anciens députés européens EELV) et Matthieu Orphelin (ancien porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot) annoncent qu’ils voteront pour Emmanuel Macron, le mieux placé pour battre Marine Le Pen. Daniel Cohn-Bendit s’était déjà prononcé en faveur du candidat d’En marche ! dès le 26 février]
TRIBUNE. Nous sommes écologistes et c’est pour cela que nous choisissons Emmanuel Macron !
Nous souhaitons d’abord éviter que la représentante gauloise de la meute nationaliste précipite la France et l’Europe dans une fatale régression. Or, à l’évidence, le candidat d’En Marche ! apparaît être le mieux placé pour rassembler ceux qui veulent par-dessus tout conjurer le pire. Pas seulement au deuxième tour de l’élection présidentielle.
Si nous le voulons, dès le premier tour, un cinglant désaveu électoral peut être infligé à Marine Le Pen (et, en même temps, aux dérives réactionnaires d’une droite à la mode Fillon), événement politique majeur qui viendrait casser la dynamique de l’illusion populiste, identitaire et passéiste souvent présentée comme une irrésistible ascension.
Cependant, en tant qu’écologistes, nous n’irons pas voter pour Emmanuel Macron faute de mieux, en choisissant seulement le meilleur bouclier. Nous choisissons Emmanuel Macron en positif, pour ce qu’il impulse et permet d’envisager : la mobilisation des sociétés française et européenne, hors des totems hypnotiques et des fétiches rassurants, afin qu’elles saisissent la chance de sortir des modèles finissants. Une dernière chance peut être : les Français et les Européens sont à bout, meurtris de peurs, accablés de fractures, en même temps qu’impatients d’espérer et de faire, hors des catégories et des vieux schémas.
Nature hétérodoxe
L’offre d’Emmanuel Macron et la mise en marche du mouvement massif dont il a eu l’intuition tombent à pic. Si cette perspective polarise si positivement et de manière si inattendue, c’est qu’elle incarne un point d’équilibre hors duquel, chacun le sait, aucune construction durable n’est possible.
Sa force réside dans sa nature hétérodoxe, au-delà des camps retranchés idéologiques, privilégiant un état d’esprit positif. Les citoyens ne sont pas des imbéciles. Ils savent qu’on ne bâtit qu’à partir du réel et de ses aspérités, en intégrant la complexité, en ouvrant les yeux sur le contexte libéral et mondialisé. Ils savent aussi que l’impuissance n’est pas une fatalité, qu’il est possible au contraire d’agir, expérimenter, créer, innover, développer des alternatives.
Entre réel et idéal, le point d’équilibre qu’incarne Emmanuel Macron peut à nos yeux constituer le point de départ d’un ressaisissement collectif afin que la transformation écologique, sociale et démocratique tant espérée ne reste pas une proclamation et que la radicalité soit effective.
Dépasser la vitrification gauche-droite
Il devient réaliste d’articuler positivement ambition et modération, contraintes et émancipation, libertés et protections, flexibilité et sécurité du travail, marché et régulation, tolérance et valeurs fondamentales, protection de la nature et activités humaines, singularités et biens communs, intelligence des compromis et espérance du futur.
Une opportunité inédite se présente donc de rassembler tous ceux et toutes celles qui aspirent au progrès humain. il devient crédible qu’un mouvement massif se construise pour aller vers une nouvelle société où l’autonomie individuelle ne soit pas contradictoire avec l’intérêt général.
Nous disons à tous nos amis dispersés du côté de Benoît Hamon ou de Jean-Luc Mélenchon : aujourd’hui, à notre sens, c’est plutôt du côté d’En Marche ! que les majorités d’idées et les coalitions de projets peuvent se construire, déborder des digues doctrinaires, dresser le pont des convergences, c’est là que les dynamiques sociales et que les transformations systémiques peuvent surgir dans la liberté de chacun et la solidarité de tous. Faudrait-il être aveugles pour ne pas voir où le courant porte, rester prisonniers des représentations du vieux monde et des rhétoriques de l’entre soi pour ne pas s’y inscrire ?
Nous pensons aussi qu’il est temps de dépasser la vitrification gauche-droite et ses simulacres de guerre civile. Mais cette vision doit être clarifiée et confortée pour que le cap ne se réduise pas à un mol tour de danse centriste - un pas à droite, un pas à gauche – mais, au contraire, dessine une nouvelle offre politico-culturelle diffusant progressivement une transformation structurelle de la société. Elle sera ce que les acteurs politiques, professionnels, syndicaux et associatifs qui s’y investiront en feront.
Nous ne jouons pas aux gogos
Passer de l’ordre cannibale à la société durable suppose d’avancer sans œillères mais sans baisser les yeux. Autrement dit, il s’agira aussi de rompre des lances avec les pesanteurs du système, qui sont lourdes, et avec les partisans du statu quo, qui sont puissants. Mesures techniques, pragmatisme et bonnes volontés ne suffiront pas à relever les immenses défis de l’avenir, du changement climatique aux crispations identitaires et religieuses… Il y faudra beaucoup de bienveillance mais encore plus de détermination.
Nous ne jouons pas aux gogos. A nos yeux, le programme d’En Marche ! n’est pas un nouveau catéchisme, pas plus qu’Emmanuel Macron n’incarne le messie. Nos nuances et nos réserves existent. Mais nous n’avons rien lu ou entendu de réellement rédhibitoire. Son « Contrat avec la Nation », que nous appuyons, reste à enrichir, compléter, muscler.
Nous aimerions, par exemple, qu’il fasse moins preuve de timidité sur la proportionnelle, qu’il s’engage sur un projet plus explicite et solidaire sur la restructuration de la dette des Etats européens, qu’il se montre plus volontariste sur la taxation des transactions financières, qu’il porte un vrai projet sur les mobilités douces et les alternatives à la voiture, qu’il propose de repenser les règles du commerce international pour le rendre écologiquement et socialement compatible, qu’il renforce les engagements de la France sur la solidarité internationale, notamment pour rembourser notre dette écologique envers les pays en développement, qu’il aborde sérieusement la question du pourrissement de certains quartiers en envisageant la légalisation du cannabis, qu’il clarifie l’avancée sociale qu’une flexisécurité du travail permettrait…
Associer les convergences
En tout cas, nous préférerons toujours prendre le risque de mettre en œuvre quelque chose d’inachevé au confort des postures sur des doxa apparemment plus abouties mais qui moisiront dans un tiroir.
Emmanuel Macron propose une démarche et, avec En Marche !, ouvre une porte. Nous nous réjouissons de cette volonté de rassembler les énergies positives, de faire sauter les verrous, de dépasser les systèmes de pensée confits dans leur glaciation. Associer les convergences plutôt qu’exacerber les clivages, affronter les complexités plutôt qu’asséner des diktats binaires, convaincre plutôt que contraindre, bâtir des majorités démocratiques plutôt que de passer en force, impliquer la société plutôt que la diriger, écouter l’autre plutôt que le vaincre, chercher les solutions plutôt que flatter les colères…
N’est-ce pas le projet que nous avions avec Europe écologie ? L’écologie et l’Europe, deux « fils rouges » qu’Emmanuel Macron revendique et que nous aimerions qu’il renforce encore parce qu’ils sont aussi les nôtres.