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Faut-il s’inquiéter pour la santé psychologique des élèves de prépa ?

S’inquiéter non, être vigilant assurément. Les classes prépa ont pour particularité de cumuler les facteurs de stress. La forte exigence de l’enseignement supérieur est majorée en prépa par la rapidité d’acquisition ­demandée, l’enseignement encore généraliste qui oblige à se perfectionner dans quatre ou cinq matières, ainsi que les évaluations permanentes, surtout dans certaines prépas assorties d’un classement interne. De très bons élèves qui ont tout misé sur le travail peuvent souffrir de l’évaluation qui porte atteinte à l’image qu’ils se font d’eux-mêmes.

Mais il existe d’autres sources de stress, comme la mobilité. Certains élèves sont éloignés de familles ­généralement très « soutenantes » et de leurs relations. Pendant la période de la prépa, les jeunes vivent aussi la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte : par exemple, la révélation ou la confirmation de leur ­homosexualité peut être difficile à vivre dans des lieux de grande proximité. Surtout, ils doivent surinvestir dans les études, au ­détriment des autres dimensions de leur vie. Or, arrêter le sport ou l’art peut les mettre en très grande difficulté, comme distendre les liens amicaux ou espacer les week-ends en famille…

Que se passe-t-il lorsqu’un élève est en difficulté ?

Les élèves appellent d’abord au secours leurs parents, qui se tournent vers des professionnels. Mais la situation se complique parfois : lorsque ces élèves pensent devoir assumer seuls leur choix, car ils se disent qu’ils ont été portés par leur lycée d’origine, choisis par leur lycée d’accueil et qu’ils ont aussi une « dette » vis-à-vis de leur famille… L’expérience de groupe, avec le soutien des enseignants, est un élément fort qui permet au jeune de tenir de bout en bout, pendant cette expérience particulière. Certains vont néanmoins rester en marge. Ou bien subir la rupture de liens amicaux ou amoureux qui sera extrêmement délétère pour ceux qui la subissent : la résolution est assez difficile et, parfois, ils quittent la prépa…

Comment repérer ces problèmes et y répondre ?

Il faudrait d’abord développer les actions préventives, qui manquent, pour empêcher les élèves de glisser vers la dépression : une sensibilisation collective des étudiants à ces thématiques en cours d’année, une vigilance renforcée des professionnels et une valorisation du service de santé scolaire dans l’évaluation des difficultés. Faciliter l’accès de ces jeunes à une première consultation, souvent entravé par des délais d’attente importants, tant dans les bureaux d’aide psychologique universitaire [BAPU], surchargés, que dans les centres médico-psychologiques de secteur, à vocation plus généraliste. Développer également des approches cognitivo-comportementales pour répondre aux problématiques de stress et d’anxiété.

D’autre part, nous essayons de faire passer le message que la douleur psychologique, lorsqu’elle s’installe, est contre-productive. Le parallèle est souvent fait, en prépa, avec les sportifs de haut niveau. Mais ces derniers sont entourés d’une équipe pluridisci­plinaire qui est à même de tester ce qui est possible de supporter ou pas. Les élèves de prépa, eux, n’en ont pas et doivent tous marcher uniformément au même rythme. Il y a sans doute du travail à faire dans la ­relation maître-élève, qui est souvent très bonne, mais parfois disqualifiante. Or, les élèves donnent beaucoup d’eux-mêmes.