Affaire Baupin : des femmes « fières » d’avoir témoigné sur des agissements « d’un autre temps »
Affaire Baupin : des femmes « fières » d’avoir témoigné sur des agissements « d’un autre temps »
Par Raphaëlle Besse Desmoulières
L’enquête ouverte en mai 2016 pour agressions et harcèlements sexuels contre le député écologiste a été classée sans suite, les faits étant prescrits.
Sandrine Rousseau lors d’une conférence de presse en novembre 2015. | FRANCOIS LO PRESTI / AFP
Leur réaction commune est tombée en fin de journée. « La honte change de camp », se sont félicitées, lundi 6 mars, les quatre femmes politiques qui avaient mis en cause le député écologiste de Paris, Denis Baupin, pour harcèlement et agressions sexuels, malgré le classement sans suite de l’enquête par le parquet de Paris.
Dans l’après-midi, le procureur de Paris, François Molins, a en effet annoncé dans un communiqué qu’« il apparaît que les faits dénoncés, aux termes de déclarations mesurées, constantes et corroborées par des témoignages, sont pour certains d’entre eux susceptibles d’être qualifiés pénalement. Ils sont cependant prescrits ». Autrement dit, c’est le caractère ancien des faits qui a entraîné cette décision, et non le caractère infondé des accusations.
« Exposer le désarroi »
En mai 2016, Isabelle Attard, députée écologiste du Calvados, Sandrine Rousseau, dirigeante d’Europe Ecologie-Les Verts, Elen Debost, maire adjointe EELV du Mans, et Annie Lahmer, conseillère régionale EELV d’Ile-de-France, ainsi que quatre autres femmes qui avaient témoigné de façon anonyme, avaient dénoncé, dans Mediapart et sur France Inter, les agissements de M. Baupin, ex-figure des Verts. Les trois premières avaient ensuite porté plainte, rejointes par Véronique Haché, actuelle directrice d’Autolib’, pour une agression sexuelle en 2004, à l’époque où elle travaillait au cabinet du maire de Paris, Bertrand Delanoë.
Mais pour ce type de délits, la prescription applicable était de trois ans, avant qu’une loi votée en février ne la double. « Ces femmes ont pu, pour plusieurs d’entre elles, exposer le désarroi dans lequel elles s’étaient trouvées face au comportement d’un cadre du parti politique auxquelles elles appartenaient, expliquant ainsi la tardiveté de leurs dénonciations », a ajouté M. Molins.
Pour Mmes Attard, Rousseau, Debost et Lahmer, « il y a eu un avant “l’affaire Baupin” et il y aura surtout un après ». Ces femmes se sont dites « heureuses et fières » que leurs témoignages aient pu « contribuer à mettre en lumière et sur la place publique des agissements que l’on voudrait croire d’un autre temps ».
« Sexisme ordinaire »
Quant à l’avocat de M. Baupin, Emmanuel Pierrat, il a regretté dans un communiqué que « la prescription s’appliquant à certaines des accusations constitue une entrave au rétablissement de la vérité » alors même que le « nom et [l’]honneur » du député de Paris « ont été bafoués ». Dans la foulée de cette affaire, l’élu avait démissionné de son poste de vice-président à l’Assemblée nationale, tout en conservant son siège. Il avait cependant annoncé en décembre 2016 qu’il ne se représenterait pas aux législatives de juin.
Les quatre écologistes jugent qu’« aucun parti politique ne pourra plus prétendre ignorer ce fléau quotidien qui va du sexisme ordinaire aux violences sexuelles ». Mme Rousseau se montre cependant sceptique sur la capacité de sa propre formation à tirer « les conséquences positives » de cette affaire. « Aujourd’hui, on cherche des prétextes pour nous pousser vers la sortie, affirme au Monde la secrétaire nationale adjointe d’EELV. On s’aperçoit que c’est un parti comme les autres et c’est inacceptable pour moi. »