Placée sous le signe de l’égalité professionnelle, la Journée internationale des droits des femmes, mercredi 8 mars, a fait, en France, l’objet de peu d’initiatives en direction des salariés des services à la personne. Eclatés sur les lieux de vie des bénéficiaires, ces derniers « sont difficiles à mobiliser » pour les syndicats.

Le secteur est pourtant typique de l’inégalité professionnelle : il est féminin à 87 %, 95 % ou 98 %, selon les métiers. Et en porte les stigmates : cumul de temps partiels courts, salaires bas, pénibilité, mauvaise image…

Pour lutter contre ce manque de visibilité, la secrétaire d’Etat aux personnes âgées, Pascale Boistard, et la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, ont lancé le 31 janvier une campagne d’information sous le slogan « Aider les autres, c’est mon métier ». Un « contrat de filière » a été signé, le 23 février, pour soutenir le développement et la structuration du secteur.

« Gisement d’emplois »

Ces initiatives s’inscrivent dans la mise en œuvre de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV), qui revalorise l’aide personnalisée à l’autonomie (APA) et insiste sur la qualification des intervenants. « D’ici à 2025, ce sont 300 000 emplois supplémentaires qui seront créés dans ce secteur très dynamique » de l’aide aux personnes âgées, selon Mme Boistard.

Mais comment faire pour attirer plus de salariés vers ce « gisement d’emplois » familiaux, non délocalisables, d’utilité sociale, ouverts à tous avec ou sans diplôme ? Un Graal que le gouvernement tente de décrocher depuis plus de vingt ans, à coups de réductions d’impôts et d’allégements de charges.

Les difficultés de recrutement demeurent nombreuses. « Les salariés aiment les personnes dont elles s’occupent, mais cela n’efface pas les contraintes », note Stéphane Fustec, responsable de la Fédération CGT du commerce et des services.

« Dans beaucoup de régions, nous ne trouvons pas de candidats pour ce métier pourtant tellement enrichissant », déplore Brice Alzon, le président de la Maison des services à la personne (MDSP), une coopérative de 450 agences et 2 400 salariés. « Pour occuper les emplois d’assistantes de vie, même en proposant à des personnes qui font du ménage de les former, on ne trouve personne. Le métier n’attire pas : il est dur physiquement. »

Travail au noir

Selon la Dares, le service statistique du ministère du travail, l’activité dans les services à la personne a reculé de 1,2 % en 2014, puis de 1,6 % en 2015.

Cette baisse résulte d’un double mouvement : une diminution de long terme du volume des heures rémunérées par les particuliers employeurs, qui faisaient travailler 915 000 personnes en 2015, selon la Dares, et la hausse continue des heures rémunérées dans les structures prestataires de services à la personne (entreprises, associations, services publics), qui employaient 415 000 intervenants la même année.

Pour ces différents acteurs, le « principal concurrent reste le travail au noir », comme le souligne Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem).

Ce travail dissimulé, qui plombe aussi l’image du secteur, dépend beaucoup des politiques publiques. Ainsi, la hausse de 5,5 % à 7 % du taux réduit de la TVA en 2013 « nous a fait beaucoup de mal », assure Olivier Peraldi, directeur général de la Fédération des entreprises de services à la personne (FESP).

Depuis le 1er janvier 2017, le crédit d’impôt a été ouvert aux ménages non actifs (retraités, par exemple). La Fepem, qui espère ainsi « doubler le nombre d’emplois dans les dix ans », plaide maintenant, avec la FESP et l’Union nationale d’aide en milieu rural (ADMR), pour la mensualisation de cet avantage fiscal.

Toutes ces mesures permettront-elles de relever les salaires, qui varient autour de 800 euros, en temps partiel, et décollent rarement du SMIC horaire, de multiplier les formations, d’introduire des temps d’échanges entre ces salariées isolées pour in fine pouvoir recruter des personnels stables ?

Accidents du travail

L’enjeu est aussi de diminuer l’absentéisme pour maladie, qui atteint les 15 % contre 4,5 % en moyenne nationale. Un premier pas a été fait par les partenaires sociaux de la branche des particuliers employeurs, qui a signé en 2016 un accord sur la santé au travail.

Il faut dire que le secteur est aussi le plus accidentogène de tous, derrière le BTP ! « L’indice de fréquence des accidents du travail a atteint 96 en 2015, contre 64 dans le bâtiment, et 34 en moyenne nationale, souligne Philippe Bielec, ingénieur conseil à la direction des risques professionnels de l’Assurance-maladie. Il y a énormément de chutes, de troubles musculo-squelettiques… »

Et dans ce milieu atomisé, peu syndiqué, « beaucoup de petites structures, notamment associatives, n’ont pas de démarche de prévention, relève-t-il. Or le problème doit être pris à bras-le-corps, sinon on va dans le mur. »