A Massy, migrants et personnes en grande précarité se côtoient mais ne se mélangent pas
A Massy, migrants et personnes en grande précarité se côtoient mais ne se mélangent pas
Le Secours islamique France a ouvert près de son siège trois centres à destination de populations vulnérables. L’ampleur des besoins rend difficiles les échanges entre elles.
Centre d’accueil de jour du Secours islamique France, à Massy. | Mohamed Mahieddine
Migrants, sans-abri, étudiants en grande précarité ou femmes isolées : à Massy (Essonne), des populations diverses, n’ayant que leur vulnérabilité en commun, cohabitent à deux pas du siège du Secours islamique France (SIF). Cette association spécialisée dans l’assistance humanitaire en France comme à l’étranger accueille dans ses locaux, situés à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest de Paris, une grande diversité d’usagers. Une diversité que l’on retrouve parmi le personnel, celui-ci n’étant pas exclusivement de confession musulmane.
Au Centre d’accueil de jour, l’activité est intense. Au cœur d’un grand bâtiment de plain-pied, en pleine préparation du déjeuner, certains sont attablés autour d’un café ou en pleine discussion, pendant que d’autres attendent la fin de leur cycle de lessive, à l’entrée. Alors que la fréquentation moyenne était de 25 personnes par jour à son ouverture, en janvier 2012, le centre voit aujourd’hui affluer quotidiennement près de 80 personnes pour prendre un repas ou rompre l’isolement.
Tous louent le bon esprit qui règne en ces lieux. « J’ai toujours été bien accueillie et je m’y sens à l’aise… Même s’il y a souvent beaucoup de monde, commente Nirmala, originaire du Sri Lanka (les usagers ont requis l’anonymat). Les difficultés rapprochent les gens et c’est important d’avoir un lieu où l’on se sent en sécurité. »
Comme beaucoup d’hommes et de femmes, Nirmala fréquente quotidiennement le Centre d’accueil de jour de Massy : « J’y passe mes journées après avoir déposé mon enfant à l’école, j’y déjeune, j’y lave mon linge et échange avec les autres en attendant de retourner chercher mon fils. »
« Capacités d’accueil soient limitées »
La première préoccupation de Nirmala reste cependant de trouver où passer la nuit suivante. « Tous les matins, je passe par le 115 pour trouver un hébergement. Souvent la solution n’arrive qu’à 20 heures. Le plus dur à vivre est de faire subir cela à mon enfant, même s’il est conscient de la situation. »
Deux travailleurs sociaux sont là pour aider les demandeurs, notamment dans leurs démarches. « On les accompagne dans leur parcours de relogement et dans leurs tâches administratives, précise Hayat El Bai, travailleur social en poste depuis deux ans. Ils peuvent également bénéficier d’une domiciliation postale pour recevoir leur courrier et être ainsi en mesure d’engager des démarches pour accéder à leurs droits et prestations. »
Si l’accueil de jour n’offre pas d’hébergement, ce n’est pas le cas du Centre de mise à l’abri, ouvert en avril 2013 et doté d’une capacité de 24 lits. Composée de huit chambres, cette structure, mitoyenne du centre de jour et réservée exclusivement aux femmes et à leurs enfants âgés de 6 ans au plus, répond tant bien que mal au déficit d’hébergements d’urgence dans le département.
« Bien que nos capacités d’accueil soient limitées, nous allons souvent au-delà de nos possibilités pour trouver une solution lorsque le 115 nous sollicite, raconte Hayat El Bai. Si on ne fait rien, ce sont les gens dans le besoin qui en pâtissent, faisant de nos échecs des frustrations. »
« Trouver où dormir »
Logées dans des chambres pour trois, les femmes, qui bénéficient également des repas et prestations du centre de jour, douche et laverie notamment, trouvent un cadre digne et sécurisant. Ce qui favorise l’entraide mutuelle. « Il faut veiller à ménager les sensibilités, car les parcours de vie de chacune sont très compliqués », prévient Mimié, pensionnaire originaire de la République démocratique du Congo.
Arrivée en France en décembre 2016 avec des papiers d’emprunt, cette ancienne militante associative et politique fréquente assez régulièrement la structure d’accueil du SIF à Massy : « Ma principale difficulté est de trouver où dormir et le Secours Islamique est l’une des rares structures d’accueil dans l’Essonne. Le 115 m’y oriente, m’évitant ainsi de passer mes nuits à errer dans la rue et me permettant de me sentir en sécurité. »
A quelques dizaines de mètres de ces deux structures d’accueil, un Centre d’hébergement d’urgence pour migrants (CHUM) a ouvert ses portes en juillet 2016. Il fait partie du dispositif créé par l’Etat suite au démantèlement des squats du nord de Paris et du camp de Calais.
Sollicité par le ministère du logement et les préfectures de région, le SIF s’est vu confier, à l’instar de la Croix-Rouge ou d’Emmaüs, la gestion de cette structure. « On fait notre maximum pour apporter une réponse spécialisée à des personnes traumatisées par la brutalité de l’exil, malgré notre inexpérience en la matière et le manque de moyens », témoigne Antoine Osbert, coordinateur des missions sociales France.
« Nous ne nous mélangeons pas »
La promiscuité reste l’une des principales difficultés dans la vie quotidienne des 70 réfugiés. « L’esprit de chacun n’est pas en paix et le manque d’intimité engendre parfois des conflits relationnels », précise Shanin, réfugié afghan qui souhaite gagner le Royaume-Uni.
Malgré la difficulté de leur situation, tous gardent l’espoir. « J’ai foi en l’avenir, c’est ce qui m’aide à tenir », commente Sarafoudine, réfugié guinéen arrivé en France après avoir été menacé de mort.
Installés dans une sorte de hangar, les pensionnaires du CHUM vivent à l’écart des autres précaires présents sur le site de Massy. « Bien que nous soyons voisins, nous ne nous côtoyons pas et nous ne nous mélangeons pas », confirme Sarafoudine. « Il n’y a actuellement pas d’interaction entre les migrants et les autres, car ce n’est logistiquement pas possible », confirme Antoine Osbert.
La configuration des lieux ne favorise pas l’échange entre les réfugiés et les personnes en grande précarité, d’où un sentiment de cloisonnement. La priorité est de répondre à l’ampleur toujours croissante des besoins, en matière d’aide d’urgence notamment. Créer des ponts entre ces populations ? Ce sera pour plus tard, peut-être.